Josette, espionne rousse du réel, lit un livre sur les Aztèques.




Josette n'avait plus de chats. Le dernier chat avait, tel le fils d'un empereur chez CALVINO, espacé de plus en plus ses visites entre ses fugues jusqu'à ne plus revenir. Passaient quelques chats et minettes errants qui venaient de temps en temps lapper du lait, manger quelques croquettes, tuer des souris ou se protéger du ciel les jours de pluie ou d'orage. Ces derniers jours, un chat moribond avait fait son apparition. Son odeur était épouvantable mais il semblait que le chat attendait de mourir. Josette n'avait pas eu le cœur de le chasser. Elle laissait toutes les fenêtres de la cave ouverte afin que les courants d'air chassent l'odeur, répandait abondamment du parfum bon marché dans les airs afin de faire diversion, ainsi que du spray insecticide et de la terre de diatomée. Elle se souvint qu'il existait un dieu de la Saleté chez les Aztèques. Elle retrouva son livre sur ces peuples acheté chez un soldeur et commenca de lire :
« TLAZOLTEOL (déesse de la saleté), déesse de l'amour et de la luxure : On prête une origine huastèque à cette déesse dont le nom qui signifie déesse de la saleté est une métaphore pour la luxure. TLAZOLTEOL est aussi désignée sous d'autres noms presque synonymes, comme par exemple, TLAELCUANI, « Celle qui mange les excréments », ou IXCUINAME, nom assigné à un groupe de quatre sœurs, déesses de la chair.
TLAZOLTEOTL était une divinité de la vie et du plaisir, la grande parturiente, selon SELER qui l'assimile aux déesses de la terre : TETEOINMNNAN, la mère des dieux et TOCI, l'Aïeule. Les Aztèques lui avaient, à cause des responsabilités qu'elle assumait dans l'accouchement, donné un aspect guerrier qu'elle ne possédait probablement pas à l'origine. En effet les parturientes étaient, dans la pensée indigène, considérés comme des guerrières, l'accouchement étant un combat (cf. SAHAG'UN) et la naissance, salué par un cri de guerre. Les femmes mortes en couche étaient considérées comme des déesses. Leur corps, sacralisé, était enterré (et non incinéré) dans un lieu spécial par leurs proches, qui le veillaient pendant quatre jours afin d'éviter qu'il ne soit victime de la convoitise de guerriers. En effet, des touffes de leurs cheveux, ainsi que le majeur de leur main gauche, étaient brigués par les guerriers et leur bras gauche étaient convoité par les sorciers. Ces femmes étaient censées escorter le soleil, comme les guerriers morts sur le champ de bataille ou au sacrifice. Elles quittaient leur lieu de séjour céleste occidental à partir de midi pour accompagner l'astre jusqu'à son coucher. Elles succédaient ainsi aux guerriers qui l'avaient escorté de son lever à son apogée. TLAZOLTEOTL était la grande pécheresse, la déesse du plaisir sexuel protectrice des prostituées et des adultères. Elle était censée inciter les hommes à commettre des transgressions et, paradoxalement, les leur pardonner en confession : elle « mangeait » leurs fautes comparées à des souillures. »
« C'est une sorte de parente de la Marie-Madeleine de la tradition occidentale, se disait Josette, l'espionne rousse du réelle, se souvenant soudain que Marie-Madeleine est souvent représentée comme rousse et que les rousses, dit la méchanceté populaire, puent. Ce qui est faux, bien entendu, m'enfin se retrouve là cette idée de la saleté mais du point de vue de l'odeur...»
«  TLAZOLTEOTL était aussi la déesse tutélaire des médecins, des sages-femmes, de celles qui appliquent les sangsues ainsi que des gardiennes des bains de vapeur, des fileuses et des tisserandes de coton. Les fonctions de TLAZOLTEOTL dans le calendrier divinatoire sont nombreuses. Elle est d'abord la régente de la période diurne du cinquième jour où elle a un aigle pour volatile accompagnateur. Elle est le septième seigneur de la nuit, ainsi que la régente du quatorzième signe du jour Jaguar. Elle partage aussi la régence de la cinquième et de la treizième treizaine. C'est avec CHALCHIUHTLICUE qu'elle préside le cinquième treizaine qui commençait le jour Un Roseau, de mauvais augure : les personnes qui naissaient alors seraient frappées de stérilité. Quant à la treizième treizaine qui commençait par le jour Un Mouvement, qu'elle préside en compagnie du TEZCATLIPOCA noir (dans son déguisement de faucon), elle était également de mauvais augure pour les personnes qui naissaient alors : elles mourraient en atteignant l'âge adulte. »
«  Donc le délire de la détermination des êtres humains dès leur naissance existait bien avant le décryptage de l'ADN ! Se disait Josette en riant, c'est une vieille tare humaine que de vouloir tout prévoir dès le jour de sa naissance ! » »
Le texte se poursuivait avec le commentaire d'une représentation de TLAZOLTEOTL, la déesse de la saleté : « la déesse représentée de face, en position de parturiente, partage la régence de la treizième treizaine avec TEZCATLIPOCA qui apparaît ici à sa gauche, dans l'un de ses déguisements, celui du huactli, oiseau faucon rieur (Herpetotheres cachinnans) dont le chant donnait lieu à l'émission de présages Les attributs de TLAZOLTEOTL sont le vêtement en peau humaine écorchée à l'aspect fripé, propre à certaines divinités agraires, et la jupe rouge et noire ornée de croissants de lune ; ces deux éléments sont aussi les attributs des dieux de l'ivresse, ce qui confirme les liens de la déesse avec ces derniers. Sur son visage, une raie noire s'étale de la base du nez au milieu du front et une caille morte pend à sa bouche. Les ornements d'oreille , la perruque et la coiffure sont en coton blanc non filé. La coiffure, imposante, se compose de bandes verticales rattachées à une autre horizontale. L'ensemble est surmonté du cône (propre aux coiffures huastèques) dont les couleurs et les motifs rappellent ceux de la jupe. »
Josette pensa aux coiffes bretonnes dont certains et certaines cherchent à conserver le savoir-faire et le port puis poursuivit sa lecture : « Deux panaches de plumes qui surgissent d'un anneau noir bordé de boules de duvet complètent la coiffure. Au-dessus de la déesse apparaît un petit personnage précédé de trois empreintes de pas menant à elle. Selon SELER, il s'agit de l'enfant qui conçu par le couple des divinités créatrices du treizième ciel, est envoyé à TLAZOLTEOTL pour être introduit dans son ventre. »
Josette pensa aux problématiques de la procréation médicale assistée et de la grossesse pour autrui qui donc ne semblait pas trop poser de problème à l'imaginaire des Aztèques. Josette se dit que les Grecs eux avaient vu encore plus loin puisque dans leur imaginaire, les hommes aussi pouvait enfanter du moins Zeus qui porta dans sa cuisse Dyonisos et dans sa tête Athéna cette dernière tout en armure s'il-vous plaît !
« Elle accouche accroupie, à la façon des indigènes, de cet enfant qui porte comme elle, une coiffure et des ornements d'oreille en coton blanc non tissé ainsi qu'une sorte de chaîne formée de deux maillons.
« Si je comprends bien, pour les aztèques un dessin dans le plan ne correspond pas à un événement dans un temps t mais peut raconter une succession d’événements un peu comme dans une bande dessinée » remarqua Josette.
«  Aux pieds de la déesse, un tzompantli avec un crâne, le signe de minuit (œil stellaire) au milieu de deux épines de sacrifice, un encensoir fumant en forme de serpent et une araignée, symbole de la nuit. Entre les deux divinités, de bas en haut : un récipient cylindrique sur lequel est posé un fagot de cinq brindilles pour l'autosacrifice enveloppé dans du papier, un mille-patte et un serpent vert entrelacés, animaux symboles, selon SELER, de la terre (le premier) et du ciel (le second). »
« ouais, enfin, cela ne me dit trop rien au sujet de ce chat moribond apparu dans ma cave ! Se disait Josette, qui se souvenait avoir acheté chez le même soldeur pour un euro un livre pour enfants sur les divinités égyptiennes où se trouve une déesse Chat.


puis Josette pensa à King of Mars, son nouvel ami, et se demanda où il se trouvait et ce qu'il faisait. Mais elle n'était pas sûre qu'ils soient vraiment amis.

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