les mythologiques : la mère de ma mère
la mère de ma mère habitait à Rennes un petit immeuble de trois étages dans la rue Guillotin de corson et un jour elle avait reçu un courrier libellant son adresse rue guilleret du Corset ; l'idée que Guillotin de Corson puisse être l'inventeur de la guillotine n'a émergé dans notre esprit que très récemment sans que nous ne prenions la peine de le vérifier puisque cela est devenu tellement simple avec wikipédia par exemple à la condition tout de même d'avoir internet courant à tous les étages.
Au premier étage de l'immeuble de la mère de ma mère vivait madame PRUNIER, vieille dame qui a l'époque devait avoir quatre vingt ans, avait une sorte de pied de travers ou une jambe raide, ne pouvait presque pas marcher et à l'aide d'une canne, et possédait des meubles bretons qui prenaient presque tout l'espace de son appartement. La mère de ma mère lui faisait parfois quelques courses et passait la visiter. Et puis peut-être qu'elles se partageaient le coût du télé 7 jours cependant en y réfléchissant cela ne tient pas puisque elles ne pouvaient pas se partager le programme télé en deux ni se le passer par la fenêtre. L'été, Madame PRUNIER partait dans une caravane conduite par peut-être son fils dans un camping à saint Servan et de la même façon devait rester dans sa caravane ou juste devant pendant un mois avant de revenir passer onze mois dans son appartement. À cette époque les déambulateurs à roulette qu'il nous arrive de voir au XXIe siècle épaulant des personnes âgées voire même des petites voitures ou sortes de mobylettes electriques n'existaient pas et surtout personne n'y songeait vraiment, ces personnes âgées étant considérées essentiellement dans l'antichambre vers un dépouillement extrême : à quoi bon se présenter à la mort avec une mobylette?
Au deuxième étage, à côté de l'appartement de la mère de ma mère qui est aussi une des mes grands-mères vivait A. avec peut-être sa grand-mère puisque sa mère séjournait dans la prison de femmes se trouvant sur le chemin pour aller vers le centre ville et dont il nous arrivait de longer le mur impressionnant. L'idée d'une prison de femmes donc d'une prison réservée aux femmes, où nous pourrions aller créait chez nous une sorte d'impression indeterminée que nulle autre évocation de lieu ne suscitait de la même façon. La maman d'A. avait été comptable et pendant des années avait détourné de petites sommes d'argent ici ou là systématiquement et régulièrement sans que personne ne s'en rende compte et surtout pas sa famille malgré les draps en soie et les pulls en cachemire.
Une fois dans son appartement, notre grand-mère, celle qui fût la mère de notre mère, nous demandait toujours de bien tenir fermé la porte des toilettes car disait-elle les voisins entendaient tout à travers les gaines des aérations des toilettes. Cela nous faisait rire d'imaginer les voisins de notre grand-mère vivant dans leurs toilettes pour écouter ce qui se passait chez elle, cependant un jour alors qu'aux toilettes chez ma grand-mère, j'assistais à une conversation entre A. et sa grand-mère, ou sa mère qui était sorti de prison, comme si j'y étais.
Ce n'est que très récemment que j'ai compris ce qu'avait pu signifier pour ma grand-mère, celle qui était la mère de ma mère soit la femme de son père, son appartement où elle était chez elle.
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