Les années 80, épisode 44.
Cette semaine-là, une ou des profs étaient soit malades, soit souffrant, soit défaillant,
toujours était-il que si nous séchions le cours de chimie, nous pouvions le jeudi arriver avant 12h00 sur les pistes de ski. Et c'est ce que nous fîmes V, N (cf. les épisodes précédents) et moi.
V. avait deux ans de retard dans son cursus scolaire et nous nous qualifions de symétriques puisque j'en avais deux d'avance. V. avait également une renault 5 bleue vantant sur ses côtés latéraux le nom d'une boîte de nuit appartenant à son père. La famille de V. possédait à peu près toutes les salles et machines de jeux (flippers et autre pac man) de la vallée, des flancs de montagne et des chemins conduisant par exemple à cette station de ski où se trouvait précisément la boîte de nuit dont le nom apparaîssait en grosses lettres sur la voiture de V.
Quelqu'un , sans doute V. elle-même, nous avait montré les petites plaques en fer blanc posée sur les machines où sont notés des numéros de références et le nom du propriétaire de la machine. C'est ainsi que nous avions pu constater que le moindre flipper trônant dans le troquet d'un bled perdu, troquet qui fait aussi dépôt de pain et du « dauphiné libéré » appartenait à la famille de V.
Dans notre souvenir, les frères de V., qu'elle avait nombreux, travaillaient ou travailleraient tous avec leur père ; quant à V. le scénario non écrit mais inconsciemment transmis était sans doute peut-être qu'elle se marierait. En attendant, elle étudiait avec nous les mathématiques et les sciences physiques dans cette seconde années de lycée, intitulée selon les logiques de l'éducation de la nation française, « première » soit juste avant le stade « terminal ».
Donc bref, nous partons pour cette station de ski très connu sauf dans les médias. A l 'époque, j'étais déléguée de classe et j'avais sans doute à mon habitude emporté avec moi le cahier de textes et d'absence afin que notre absence à toutes les trois ne puissent pas être signalée. Stratagème que la prof de chimie qui portait le même nom que la voisine du dessous de la mère de ma mère avait bien compris puisque nous répéta une camarade de classe elle était elle-même voir le surveillant général pour lui signaler notre absence et avait enragé de n'y trouver personne.
Bon, voilà nous faisons du ski.
Slam, schlack, suuurf, schh, V. godille, oups, N. fait des sauts, boum, schrac, quelques chutes, etc.. blablabla.
À la fin de la journée, à la fin de l'après-midi, V. nous emmène voir sa famille avant de rentrer.
Nous arrivons près d'un vieux chalet dans le village de cette station de ski , chalet qui devait exister avant même que le moindre touriste n'ait mis le moindre orteil dans les environs. Dans mon souvenir, nous entrons pas la cuisine, où se trouve une sorte de gouvernante qui explique à V., tout en préparant peut-être de la pâte à tarte, que ses frères sont « descendus » (comprendre dans la vallée) et qu'il n'y a que son père. Blablabla. Nous entrons dans la salle principale où se trouve son père. Tout est en bois cirée, la salle est basse de plafond, les fenêtres nombreuses, petites et hautes en raison de la neige, les rideaux sont sans doute à carreaux, c'est un chalet, un vrai chalet. Et puis le père de V. au corps massif comme un bûcheron, assis sur une chaise, lisant le journal. Et puis le père de V. au corps massif comme un bûcheron assis sur une chaise, lisant Minute.
C'était la première fois que je voyais en chair et en os une personne d'extrême droite. C'était la première fois que je voyais en chair et en os une personne lisant un journal d'extrême droite.
Nous restâmes silencieuses pendant quelques minutes, N. m'avait sans doute donné un coup de coude en voyant le journal, puis le père de V. abaissa son journal, V. salua son père et nous présenta, il nous demanda si nous avions passé une bonne journée, dit quelques phrases aimables. Il est possible que N. l'ait branché sur le journal par un « les nouvelles sont-elles bonnes ? » ou « quoi de neuf dans le monde ? », je ne me souviens plus vraiment. Ensuite nous sommes sans doute repartis.
Je crois n'avoir jamais parlé avec V. du journal Minute selon le principe (rigide) que les enfants ne sont pas responsables de leurs parents. Je crois pourtant que j'aurais du. Mais c'étaient les années 80.
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