Je n'ai jamais compris pourquoi
quand un mec dit un truc niais, certains disent que « c'est un
poète ».
et alors ?
Ben, la poésie c'est pas
exactement un truc de gentils niais : RIMBAUD couche avec
VERLAINE, lui tire dessus puis devient trafiquant d'armes au YEMEN
et se balade avec quinze ou vingt kilos d'or accroché à la taille,
François VILON est un voleur ou un assassin je ne sais plus,
HOLDERLïN devient fou, CELAN se suicide,
oui, enfin tu peux être niais et
devenir fou ou te suicider, je ne comprends pas ce que tu cherches à
démontrer.
Ben, que la poésie, ce n'est pas
un truc de niais, c'est un truc un peu comme des athlètes du
langage qui font des expériences extrêmes, le langage se muscle,
mais aussi peut se fracasser, se diffracter complètement...
je ne connais pas trop MALLARMé
mais j'avais cru comprendre que c'était un prof d'anglais torturé
qui avait fait l'expérience du vide de langage une nuit (qui a pu
durer plusieurs années),
Je me souviens avoir lu que les
contemporains de DANTE se moquaient de son teint pâle et de son air
hagard en rappelant ironiquement que c'est le type qui est allée en
enfer et qui en est ressorti...
Comme mec louche, il y a quand
même RONSARD qui est pédophile,
ah, ben, lui, je le verrais tout
à fait faire des séances de dédicace dans les librairies ou les
salons machins …
arrêtez de dire n'importe quoi,
à l'époque de RONSARD, les filles pouvaient être mariées à
quatorze ans, l'âge de sa muse, je te rappelle que les êtres
humains vivaient jusqu'à l'âge de trente ans en moyenne, quatorze
ans c'était déjà la moitié de la vie !
Ben, RONSARD, il vécu vieux,
non ?
Comme quoi, la poésie, cela
conserve !
Pour ce que j'en connais, je vois
bien aussi le VERLAINE dans des séances de dédicace dans des
salons du livre ou alors avec sa femme aller à des vœux au
ministère de la culture.
Ouais, bref, la poésie c'est
comme l'herbe, il y a de la bonne, il y a de la coupée et il y a de
la tisane !
Ouais, mais si tu veux là, on
parlait de l'agriculteur qui produit la beuh, pas de la beuh en
elle-même.
Ben, quel intérêt ? Si je
fume de l'herbe ou que je lis de la poésie, ce qui va m'intéresser,
c'est l'effet que çà me fait. Alors bon, la poésie j'imagine que
c'est un peu plus lent comme effet, mais que l'agriculteur aime le
foot ou soit roots, cela n'a pas d'importance pour moi.
Ce doit être que la poésie, ce
n'est pas comme la beuh...
Bon, ce forum est nul, je vais
voir ailleurs …
Non, mais attends, ce dont elle
voulait parler était pourquoi lorsqu'un mec dit un truc niais, on
dit qu'il est un poète et non pas, par exemple, que le mec dit un
truc niais.
Ben, déjà cela ne se fait pas
trop de dire à quelqu'un que ce qu'il vient de dire est niais,
enfin du moins que l'on trouve que ce qu'il vient de dire est niais,
mais bon, peut-être que le monde serait moins malade si chacun se
disait les choses plus simplement, et deuxièmement...
Et deuxièmement, pour 80% des
personnes interrogées la poésie c'est de la sublimation, pas de
l'action.
Oui, mais passer directement de
l'état solide à l'état gazeux, c'est quand même un moyen hyper
efficace pour pénétrer quelqu'un.
Ben, c'est un peu le pari de
Clément MAROT et de sa bande de potes, ils ont inventé une
poétesse Louise LABBéE. Les poèmes de Louise LABBéE, c'est du
cheval de Troie entrant directement par l'esprit dans les
forteresses des corps de vierges assiégées. Quel coup de génie !
C'était quand même une autre
époque...
Je crois que vous dîtes tous
n'importe quoi ! Pour ce que j'en sais, la poésie, c'est un
peu comme du pétrole. T'as un tas de bois de langages qui ont
sédimenté dans la chair et puis un jour tu cherches un peu profond
et hop ! cette forme de langage jaillit et c'est de l'énergie,
et puis un jour, en tant que personne, t'as plus de pétrole, ou
alors cela devient comme pour les gaz de schistes ou les sables
bitumineux beaucoup trop compliqué et dangereux à produire. Je ne
crois pas du tout au mec ou à la nana qui toute sa vie, chaque
jour, va produire de la poésie.
Ben, peut-être qu'il existe
aussi de la poésie renouvelable.
Je crois que nous ne sommes pas
prêt pour ce forum...
Bon, alors je vais vous lire un
poème !
ah, non !
Si, voilà : « 1870
Je
fréquentais les poètes,
Les
images étaient mortes, bêtes,
De la
source jaillissaient
Les
mots purs de qui j’étais.
De ce
silence enfin appris
J’avais,
le droit, acquis,
Nulle
autre volonté
Ne
venait s’immiscer.
Et
mes oreilles enfin
Entendaient
les refrains ;
Il
n’y avait rien à dire,
Juste
à prononcer,
Il
n’y avait rien à dire,
Juste
à s’esquiver.
Et de
ces chants patiemment attendus,
Savamment
entendus,
Doucement,
celui qui, reclus,
Sans
embruns, ni huée, disparut,
J’en
restai émue,
A
moins que nue,
La mémoire ne m’en était revenue. »
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