2017 : la fessée interdite en France : Quelle réception possible pour les œuvres de Jean-Jacques ROUSSEAU et Michel FOUCAULT par les publics du XXIe siècle ? Colloque en préparation.



Extrait des confessions : Livre premier « […] Je restai sous la tutelle de mon Oncle Bernard alors employé aux fortifications de Genève. Sa fille aînée étoit morte, mais il avoit un fils de même âge que moi. Nous fumes mis ensemble à Bossey en pension chez le Ministre Lambercier, pour y apprendre, avec le latin, tout le menu fatras dont on l'accompagne sous le nom d'éducation. […] Comme MLLE Lambercier avoit pour nous l'affection d'une mere elle en avoit aussi l'autorité, et la portoit quelquefois jusqu'à nous infliger la punition des enfans, quand nous l'avions méritée. Assez longtemps, elle s'en tint à la menace, et cette menace d'un châtiment tout nouveau pour moi me sembloit très effrayante ; mais après l'exécution, je la trouvai moins terrible à l'épreuve qu'à l'attente ne l'avoit été, et ce qu'il y a de plus bisarre est que ce chatiment m'affectionna davantage encore à celle qui me l'avoit imposé. Il falloit même toute la vérité de cette affection et toute ma douceur naturelle pour m'empêcher de chercher le retour du même traitement en le méritant : car j'avais trouvé dans la douleur, dans la honte même, un mélange de sensualité qui m'avoit laissé plus de désir que de crainte de l'éprouver derechef par la même main. Il est vrai que, comme comme il se méloit sans doute à cela quelque instinct précoce du sexe le m^me chatiment receu de son frère ne m'eut point du tout paru plaisant. Mais de l'humeur dont il étoit, cette substitution n'étoit guére à craindre, et si je m'abstenois de mériter la correction, c'étoit uniquement de peur de facher mLLE Lambercier ; car tel est en moi l'empire de la bienveillance, et même de celle que les sens ont fait naître, qu'elle leur donna la loi dans mon cœur.
Cette récidive que j'éloignois sans la craindre arriva sans qu'il y eut de ma faute, c'est-à-dire de ma volonté, et j'en profitai, je puis dire en sureté de conscience. Mais cette seconde fois fut aussi la dernière : car mlle Lambercier s'étant sans doute aperçue à quelque signe que ce châtiment n'alloit pas à son but, déclara qu'elle y renonçoit et qu'il la fatigoit trop. Nous avions jusques là couché dans sa chambre, et même en hiver quelque fois dans son lit. Deux jours après on nous fit coucher dans une autre chambre, et j'eus désormais l'honneur dont je me serois bien passé d'être traité par elle en grand garçon.
Qui croiroit que ce châtiment d'enfant receu à huit ans par la main d'une fille de trente a décidé de mes gouts, de mes désirs, de mes passions, de moi pour le reste de ma vie, et cela, précisément dans le sens contraire à ce qui devoit s'ensuivre naturellement ? En même tems que mes sens furent allumés, mes désirs prirent si bien le change, que , bornés à ce que j'avois éprouvé'aviserent point de chercher autre chose. Avec un sang brulant de sensualité dès ma naissance je me conservai pur de toute souillure jusqu'à l'âge où les temperamens les plus froids et les plus tardifs se développent. Tourmenté longtemps, sans savoirdequoi, je dévorois d'un œil ardent les belles personnes ; mon imagination me les rappelloit sans cesse ; uniquement pour les mettre en œuvre à ma mode, et en faire autant de Demoiselles Lambercier.[...] »

Voir des vidéos de promenade dont certaines avec Jean-Jacques ROUSSEAU, http://www.dailymotion.com/playlist/x1hwzm_manuelle-yerly_les-promenades/1#video=x4tway0

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