Les mythologiques : mes parents et Samuel Beckett.
Dans les années 70, était diffusée assez régulièrement à la télévision française la pièce « oh les beaux jours ! » écrite par monsieur Samuel Beckett dans l'interprétation de mademoiselle Madeleine Renaud dans une réalisation télévisuelle assez sobre de monsieur Jean-Christophe Averty.
Si ma mémoire ne m'abuse bien sûr.
J'ai souvenir dormir allongée sur le canapé, la tête posée sur les cuisses de ma mère qui regarde passionnément ce programme télévisé. Je vois Madeleine Renaud parler enfoncée à mi corps dans le sable, puis juste la tête de Madeleine Renaud sortir du sable tout en continuant à parler. Cela m'évoque le musée de cire du Mont-saint-Michel que nous allions visiter à chaque visite de cousins, musée de cire et d'histoire qui s'ouvrait sur une scénette où une jeune fille est en prise avec les sables mouvants entourant le Mont Saint-Michel où « la mer remonte à la vitesse d'un cheval au galop »...
Si ma mémoire ne m'abuse, bien sûr.
Mais « Oh, les beaux jours ! » est une pièce un petit plus subtile que le simple enlisement d'une femme dans les sables et le lendemain de ces diffusions télévisées, ma mére racontait toute la pièce à mon père qui ponctuait ce récit de « ah, c'est joli ! » « c'est tellement joli ! » béat. Puis, dans les années 2000, mon père me raconta qu'une infirmière lui avait rapporté que sa femme, notre mère alors que délirant dans le tunnel avant la sortie, répétait inlassablement : « oh, les beaux jours ! » « oh, les beaux jours ! ». L'infirmière avait rapporté cela à mon père en lui demandant s'il voyait de quoi elle parlait. Grâce à Dieu, cette infirmière ne connaissait pas la pièce de Beckett. J'appris alors de la bouche de mon père, que lui et sa future femme, soit ma mère, était allée voir la pièce de Beckett au théâtre de l'Odéon à Paris en peut-être 1963.
Et ce n'est que récemment que j'ai pris conscience que mes parents avaient du voir cette pièce « oh, les beaux jours ! » à l'occasion de sa création. C'est-à-dire qu'il a existé une époque où cette pièce n'était pas représentée puis une époque où cette pièce avait été représentée et mes parents étaient assis sur la frontière.
Et alors je ne pus m'empêcher de me demander si la vie de mes parents aurait été la même si ils n'avaient jamais été voir cette pièce : leur vie aurait-elle tant ressemblé à une pièce de Beckett si ils n'avaient pas, alors que jeune couple en devenir, assisté à ces premières représentations d ' « oh, les beaux jours ! »?
Comme disait ,je crois ; Clement Rosset ; (mais je ne retrouve pas la citation et il n'y a pas d'index dans « le réel, traité de l'idiotie », les éditions de minuit, 1977 (c'est normal puisque c'est alain badiou qui le dit)), comme aurait dit Clement Rosset ou Alain Badiou, les héros de « oh les beaux jours ! » ne sont nullement malheureux, ils vivent malgré ce qui leur arrive, ils vivent lucidement et joyeusement ce qui leur arrive malgré, ils vivent ce qui leur arrive à leur gré sans mal malgré. Ils vivent …
N'est-ce pas plutôt que la pièce « oh les beaux jours » a été écrite par Samuel Beckett notamment pour que mes parents la voient en peut-être 1963 au théâtre de l'Odéon à Paris, France puis en écho sur un écran reconstituant le signal analogique émis par la télévision française ? Samuel Beckett n'a t'il fait autre chose que notamment parler de mes parents ? de ses parents ? Samuel Beckett n'a t'il fait autre chose que notamment parler à mes parents ? à ses parents ? Ne serait-il pas temps qu'enfin je prenne connaissance du texte d' « oh les beaux jours ! » ? ou vais-je être déçue en trouvant que le texte original qu'étaient mes parents était beaucoup mieux ? Ne vaudrait-il pas mieux que je me repose ? Un peu ? Beaucoup ?
Je l'aurais fait avant toi et cela ne servirait à rien...
Je l'aurais fait avant toi et cela ne servirait à rien...
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