Gogol + : Forum « défavorisé par quoi et par qui ? » (extraits)
- l'autre jour, j'écoutais en passant d'une oreille,
c'est-à-dire qu'un appareil radio était allumé dans ma maison et
qui grâce à une technologie utilisant l'energie de piles me
restituait ce que racontait deux personnes situées dans un studio
placé à quelques trois cent kilomètres de chez moi, et donc moi,
pendant ce temps, je faisais autre chose c'est-à-dire à peu près
mille à la fois si je comptabilise les pensées qui me traversaient
l'esprit et/ou le corps et je n'étais pas immobile et allait d'une
pièce où se trouvait l'appareil radio qui grâce à une
technologie, etc..
- Bref, tu écoutais en passant d'une oreille bien que tu en
aies deux (d'oreilles) un programme radiodiffusé et donc …
- oui, pardon, donc j'écoutais un programme radiodiffusée
alors que je mé déplaçais ce qui fais que je n'entendais que des
bouts de phrases et..
- Bon, passe à l'étape suivante parce que là t'es dans
une boucle !
- Oui, pardon, bref, j'entends alors le nouveau directeur du
festival d'Avignon, France, expliquer que son festival dispose
désormais d'un lieu à l'année la Fabrica et que ses prédécesseurs
ont fait une demande de rallonge budgétaire pour y développer des
projets en direction des publics défavorisés. Et là, soudain, je
ne pouvais plus du tout supporter ces discours creux : publics
défavorisés par quoi ? Par qui ? Que « des gens de
culture » (comme on dit « des gens de couleur »)
puissent véhiculer de telles infamies dans leurs discours me
donnait envie de vomir un truc tout vert et un peu gluant !
- Ah ouais, tu veux dire qu'en fait ces publics ne sont
défavorisés que par un système qui dans le même temps veut
diriger des actions envers eux pour qu'ils ne se sentent pas trop
défavorisés tout en sachant bien qu'ils n'ont accès à ces
actions que parce qu'ils sont défavorisés ?
- Tu veux dire qu'il n'est question que de leur faire
accepter qu'ils sont des personnes défavorisées ?
- Attendez, reprenons au début de l'indignation :
défavorisés par quoi et/ou par qui ?
- Euh.... ces publics sont défavorisés par un système
économique ...par un environnement médiatique …
- non ! J'ai trouvé la bonne formulation : Ces
publics sont défavorisés par un système de représentations !
- C'est-à-dire ?
- Ben, par exemple éboueur est un métier utile, menuisier
également, trader pas vraiment ...
- Ah, ouais, et donc les actions en faveur des publics dit
défavorisés sont des sortes de double peine : venez apprécier
des représentations qui dans le même temps vous considèrent comme
défavorisé !
- euh, ce n'est pas aussi simple, non ?
- Je croyais que, en fait, ces publics étaient défavorisés
par la nature, genre ils ne sont pas intelligents...
- L'intelligence est dans la nature ?
- T'as jamais regardé une plante pousser ou des insectes
travailler ou qoi ?
- Je vous rappelle qu' « intelligent » signifie
« je comprends », donc en environnement humain social
soit je comprends bien le système de pouvoir dominant et je me
trouve une bonne place dans ce système ou soit je ne le comprends
pas, soit je ne le respecte pas, soit je me fais leurrer par ;
- et ?
- Et je lutte ou je me résigne …
- Quel rapport avec la nature ?
- Non mais là il parle de la nature frelatée, je crois …
- La nature évoluée, non ?
- euh, ce n'est pas aussi simple que ce que vous dîtes,
non ?
- Bien sûr que ce n'est pas aussi simple, que tout est
proliférant, etc.. mais c'est important d'essayer de modéliser des
grandes lignes pour faire apparaître un autre schéma d'ensemble
possible dans le chaos que celui qui nous est proposé voire imposé
gentiment …
- Donc ?
- Moi, ce que je voulais dire, c'est que depuis les années
2000, les humains disposent des outils technologiques qui rendent la
démocratie possible concrétement et que jusqu'à présent, ces
outils ont surtout servi à l'augmentation exponentielle de
l'exploitation et à sa rationalisation, donc les pauvres sont
devenus encore plus pauvre et les riches encore plus riches avec un
risque d'appauvrissement intellectuel puisque cela n'est possible
qu'à la condition que la majorité des individus ne s'en rendent
pas compte, donc matracage par les médias, les œuvres culturelles
placées en tête de gondole, d'une propagande destinée à
continuer à créer de la masse comme on ferait de la viande hachée
avec des sommes d'individus singuliers en devenir …
- Et donc, nous en revenons à la tarte à la crème des
« actions de sensibilisation culturelle » en direction
des publics défavorisés destinées notamment à bien faire
accepter à ces populations qu'elles sont défavorisées (par quoi ?
Par qui?) et non pas par exemple à les aider à revendiquer leur
part du gateau et leur part de participation et de coproduction !
- ah, ouais, c'est cela « reste bien assis dans ton
fauteuil mon coco, tais-toi et écoute et regarde comme c'est beau
d'être un privilégié et attrape quelques miettes de ce plaisir
avant de retourner travailler pour nous servir à être beau et
jouir » !
- Quand vous dîtes tarte à la crème vous faites référence
aux scènes des films muets du début du XXe siècle où des
personnes s'envoient dans la gueule des tartes avec un truc blanc
dedans et à mon avis ce n'est pas de la crème...
- Ouais, mais ce n'est pas le cinématographe qui aurait
inventé les tartes à la crème qui se jette à la gueule, cela
devait exister avant, non ?
- Ben, dans les cantines d'internat, il n'est pas rare de
voir des batailles de bouffe, souvent juste avant qu'il ne neige,
d'ailleurs
- Vous êtes sûr que « tarte à la crème »
renvoie à « se foutre des tartes à la crème dans la
gueule » ?, ce n'est pas aussi simple que cela non ?
- En tout cas, il y a quelques années, j'avais entendu à
travers un appareil radio restituant des ondes analogiques émises …
- Bon, tu ne vas pas recommencer ton cirque, euh, admettons
que nous vivons dans un environnement où il existe des appareils
qui permettent d'entendre des personnes parler avec d'autres alors
que ces personnes ne se situent pas du tout ni dans votre
environnement proche, ni dans votre environnement contigue, ni même
dans votre environnement lointain, appareils qui se nomment des
« radios ».
- euh, il faudrait rajouter dans ta définition que les
personnes dont les paroles sont transmises par ces appareils sont
payées pour le faire et gagnent ainsi leur vie, sinon il manque une
dimension dans ce que tu dis …
- Bon bref, t'as entendu des personnes que tu ne connais pas
et qui étaient assez loin de chez toi et qui s'exprimait dans le
cadre d'un environnement économique à peu près viable,enfin si il
n'est pas tenu compte de la crise du système nerveux de l'économie
capitaliste, crise que nous traversons actuellement, et ...
- bon, essayons de ne pas nous perdre dans les détails bien
que tout cela soit important, donc...
- eh bien …. ah, oui... un sociologue racontait avoir fait
une étude sur les publics du festival d'Avignon, France, et il
disait, sans être recouvert de ricanements ou de sifflets, «
que les spectateurs vivent le festival d'Avignon comme une
consécration dans leur carrière de spectateur » et d'autres
âneries équivalentes à celle-ci !
- Je ne savais pas que les spectateurs faisaient des
carrières !
- N'importe quoi ! Jean Vilar fait quatre salto arrière
dans sa tombe !
- Ah ouais, je comprends pourquoi il est plus prudent de se
faire incinérer, quand tu n'es pas content, une bonne tempête et
hop ! Alors qu'enfermé dans ta petite boite, c'est pas très
facile de signifier tes désaccords !
- TU veux dire qu'il faudrait ouvrir la tombe de jean Vilar
pour savoir ce qu'il pense de tout ce que sont devenues ses idées ?
Ces idées ?
- Faudrait arrêter de faire de Vilar un pape, non ?
- Parce que le palais « des » papes …
- HAHAHAHA !
- Ouais, enfin dans tout ce que vous dîtes vous négligez
les œuvres, ce que racontent les œuvres, leurs richesses
polysémiques et leur capacité à semer des graines dans les
esprits et/ou dans les corps où germeront un tas de trucs
encore impensés et pas prévus !
- Ah ouais d'où la nécessité de lutter contre les
œuvres culturelles génétiquement modifiées ?
- Ouais, c'est ainsi, blablabla... allez je vote pour le
développement des actions de sensibilité à la connaissance
potagère, les humains seront moins bêtes c'est-à-dire plus
proches des bêtes...
- Bon, je disais que vous négligez l'idée dans les dites
« actions de sensibilisation » recouverte par un tas de
discours débile j'en conviens, vous négligez, disais-je, l'idée
que mettre en contact des personnes avec des œuvres et a foritori
des enfants est important et ne dois pas être réservé aux seules
personnes habituées à fréquenter les lieux où se trouvent, se
voient et/ou s'entendent, se touchent, bref s'expérimentent ces
œuvres...
- T'es sûre qu'il est possible de « toucher » ?
- Ouais, enfin, t'oublies que les œuvres sont souvent
emballées dans un tas de blabla et de conneries qui vont dans le
sens inverse des œuvres genre zoo où tu peux voir des bêtes
sauvages dévitalisées et que maintenant il existe un système bien
rodé de production d'oeuvres bidons et peut-être cela existait
déjà auparavant mais maintenant tu as l'impression que tout est
noyauté par cette saloperie.
- T'es sûre que tu n'est pas en train de nous parler de ton
cancer généralisée là ?
- Ou de celui de ta mère ?
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