Les années 70.


Nous sommes dans les années 70. Je suis assise sur la grande chaise en bois qui est à l'entrée de la pharmacie FLEURY d'où je peux regarder un serpent en métal lisse cracher de l'eau dans une soucoupe de la même matière. Le bruit de l'eau est apaisant. J'avais du demander à ma mère pourquoi il y avait toujours des serpents représentés dans les pharmacies et je ne sais plus ce qu'elle m'avait répondu. Aujourd'hui, je crois savoir qu'il s'agit de la représentation du pharmakòn, celui qui porte à la fois la connaissance pour guérir mais qui peut aussi empoisonner. Ma mère est à l'officine. Nous sommes en Suisse, à Villars-sur-Ollon, il n'y a pas de sécurité sociale mais des assurances maladie : notre père paye chaque mois pour que sa famille soit couverte par l'assurance et lorsque nous sommes malades, ma mère va à la Poste, elle demande à parler à un monsieur dont j'ai oublié le nom et qui s'occupe des assurances maladies, là, ma mère achète une « feuille » qui, pendant trois mois, rendra les médicaments et les consultations chez le médecin gratuites. Cette fois-ci, je m'étais brûlée le pouce en voulant confectionner des parchemins. Je jouais avec le feu, jusqu'à ce que je ne puisse plus le maitriser et avais couru à la cheminée jeter le papier enflammé de peur de faire brûler tout le chalet en bois où nous habitions. J'avais du être traumatisée par un feuilleton télévisé larmoyant intitulé « la porteuse de pain » où une femme accumulait les malheurs après avoir tout perdu dans l'incendie de sa maison. « Il ne faut pas jouer avec le feu. » Ma mère était en colère, elle m'a mis la main dans de l'huile et le lendemain, j'avais une grosse cloque sur le pouce. Nous sommes allés chez le médecin, puis ma mère a acheté une « feuille » de l'assurance maladie à la Poste et nous voilà à la Pharmacie. Ma mère parle avec la pharmacienne. En face de moi, se trouve un alignement de savons du plus neutre au plus parfumé qui masque le bas des grandes étagères blanches qui roulent sur le sol presque silencieusement et où les personnes de la pharmacie en blouse blanche vont chercher les médicaments inscrits sur les ordonnances apportées ; sur ma droite se trouvent des présentoirs circulaires et tournant, présentant divers ustensiles de beauté, brosse à cheveux, lime à ongle, bonnet de douche, etc.. Une des femmes de la pharmacie est venue vers moi pour me faire essayer des caches noirs en grosse toile velouré pour contenir les compresses autour de mon pouce. Je me sens ressembler à un pirate. Pourtant ce n'est pas mon œil qui est masqué par une bande noire, c'est mon pouce, mais la sensation est celle-ci : « j'ai joué avec le feu et maintenant j'en porte la trace. » Les enfants s'amusent sérieusement à vivre le tragique. Bien sûr, trois semaines ou un mois plus tard, mon pouce était guéri et son masque noir n'y était plus.

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