Joseph et Louis : nouvel épisode.
Pendant
que Louise dormait à faire des rêves stupides d'amour bovaryque (cf
un épisode précédent), Joseph avait réussi à lui emprunter son
ouvrage retraçant cent ans d'histoire de France en images et
racontés par Emmanuel Berl. « plus de cent années d'études
sur le bovarysme et toujours les mêmes imbéciles ! »,
s'était dit Joseph en regardant le sommeil de Louise (Louise dans
son sommeil). Il convient de préciser que si joseph se permet d'être
si cavalier en retirant à Louise un livre sur lequel elle dort,
c'est que l'heure est grave. En bon espion roux du réel, joseph se
doit de comprendre la situation actuelle depuis un repère orthonormé
dans le passé. Joseph trouva à la page 577, le chapitre
intitulé »le 6 février (1934) » qu'il cherchait. « Il
s'agirait donc de bloquer le remake, se disait Joseph » Il
commença à lire :
« Quoique
la France ait été, dans une très large mesure, épargnée par la
crise américaine qui éprouvait durement l'Angleterre et devait
éprouver terriblement l'Allemagne, elle ne pouvait échapper aux
conséquences idéologiques de cette catastrophe : le
capitalisme libéral ne signifiait plus prospérité et progrès mais
chômage et misère. Il signifiait également l'absurde, puisqu'on
versait sur les routes le lait dont manquaient les enfants , qu'on
rejetait à la mer le poisson qu'on venait de pêcher …
La
démocratie d'ailleurs, après avoir reculé en Italie, reculait en
Espagne, en Pologne … Elle avait disparu en Allemagne. Aussi la
droite française croit-elle de moins en moins en la SDN, à la
sécurité collective, auxquelles Briand semble croire de plus en
plus. La contradiction fondamentale de sa politique extérieure est
soulignée par la création de la ligne Maginot, laquelle supposait
une stratégie défensive, quand es pactes signés par lui au nom de
la France impliquaient une stratégie éventuellement offensive.
Entre Briand et ses adversaires de droite, la tension avait persisté
sans rupture. Elle se manifeste avec éclat quand expire le mandat
présidentiel de Doumergue. Briand pose sa candidature. L'assemblée
nationale élit Doumer contre lui.
Rien
n'a sans doute fait plus de tort au régime, dans l'opinion, que ces
étranglements des grands hommes, au scrutin secret, par les « muets
du sérail ».
Briand,
était depuis la mort de Poincaré, la plus haute autorité du
Parlement qui ui avait confié, cinq ans de suite, la tâche la plus
lourde ; et la Chambre le désavouait sans avoir osé l'abattre.
Mais la consultation électorale de 1932 fut défavorable à la
majorité sortante, les gauches l'emportèrent ; « la
sécurité collective » continuait en dépit de ses
détracteurs.
La
nouvelle Chambre étala bientôt son impuissance. Herriot son chef
naturel, tomba très vite, pour excès d'orthodoxie, comme il était
tombé naguère pour défaut d'orthodoxie financière. Il voulait
rembourser la dette de la France aux Etats-Unis, La Chambre s'y
refusa. Divisés entre les amis de Chautemps et ceux de Daladier,
entre les partisans de Herriot et ceux de Caillaux, les radicaux
semblaient incapables de continuité ; les socialistes n'étaiet
guère plus unis que les radicaux. L'activité des factions se
développait : le colonel de La Rocque rassemblait « les
Croix de Feu », Taittinger les Jeunesses Patriotes. L'extrême
gauche communiste n'était guère mos agressive que l'extrême droite
qui n'hésitait plus à se réclamer du fascisme. De grands
hebdomadaires adoptaient le ton âpre des journaux d'opinion.
Une
atmosphère lourde pesait sur le pays. On avait vu, après
l'assassinat de Doumer, l'assassinat de Barthou et du roi de Serbie ;
on avait vu les enlévements, les assassiants mystérieux des
militaires et de civils russes, perpétrés dans Paris pas des
organisations étrangères. L'affaire Stavisky devait porter cette
tension au paroxysme, amenant la chute du gouvernement.
Chautemps
démissionnaire, Daladier lui succède. Il s'efforce péniblement de
former un cabinet ; les uns le poussent à s'appuyer sur
Chiappe, le préfet de police, les autres l'e détournent. Son
caractère et son destin étaient de toujours fluctuer. Au début de
ses consultations, il semble d'accord avec Chiappe ; soudain il
rompt avec lui. Mais il lui offre de le nommer résident général au
Maroc. Chiappe refuse. Le public de comprend pas Daladier : si
le préfet de police 'na pas démérité pourquoi le changer, à un
moment difficile ? S'il a démérité, comment peut-on lui
proposer le poste de Lyautey ?
Le
6 février (1934), « Croix de Feu » et jeunesses
Patriotes, anciens combattants, amis de Chiappe se soulèvent ;
les communistes eux aussi manifestent contre la Chambre. Les
émeutiers, mal contenus, sont sur le point de pénétrer dans le
Palais Bourbon, des députés s'enfuient par les portes secrètes,
les gardes mobiles chargent les manifestants qui coupent les jarrets
de leurs chevaux ; ils se défendent et tuent seize personnes.
La
foule continue à gronder, des autobus flambent aux Champs Elysées.
Daladier passe de l'energie au désespoir, il annonce qu'il se
démet ; le calme revient. On va chercher à tournefeuille
Doumergue, dont beaucoup d'augures avaient depuis longtemps annoncé
le retour. Il forme un gouvernement d'union nationale, avec Herriot
et Pierre Laval ; mais Laval sera ministre des Affaires
Etrangères, et Herriot, ministre d'Etat sans portefeuille,
c'est-à-dire rien.
Les
républicains comprennent qu'ils ont été joués, ils s'organisent.
Ils monteront en juillet une manifestation où les communistes
formant un front commun avec les socialistes et les radicaux,
Daladier, léon Blum, Maurice Thorez lèvent ensemble le poing.
Plusieurs cetaes de milliers d'hommes défilent, de la Bastille à la
Nation, pendant que, à l'Arc de triomphe, quelques milliers de
« Croix de Feu » manifestent dans un sens opposé.
Ainsi,
la droite et la gauche avaient senti, et fait sentir l'une à
l'autre, à la fois sa force et sa faiblesse. Celle du régime
n'était que trop évidente. Ses jours semblaient comptés, sa
succession déjà ouverte. Même les socialistes organisaient des
troupes de choc, des « jeunesses » arborant trois
flêches, pour contrebalancer celles des ligues factieuses et celles
des « jeunesses communistes ».
Doumergue
rétablit le calme, non pas la confiance ; encore moins la
concorde. Les Ligues continuaient leur action que le Front paysan
étendaient aux campagnes et que les « cagoulards »
propageaient dans l'armée.
Le
13 février 1935, alors qu'on commémorait les événements de
l'année précédente et que se célébraient les obsèques de
Jacques Banville, Léon Blum fut blessé par des étudiants d'Action
Française ; celle-ci était déjà condamnée par le Saint
Siège, ses associations furent dissoutes par le gouvernement.
Les
Français avaient pris pleine conscience de leurs divisions, chacun
s'interrogeait sur la conduite à tenir dans une guerre civile qui
paraissait à beaucoup inéluctable »
Joseph
comprit alors un truc et téléphona à Louis pour qu'il prévienne
Georges.
Alors
qu'il allait reposer le livre près de Louise, il s'aperçut que
celle-ci avait disparu : « N'était-elle qu'une fiction ?,
se demanda t-il. »
« Une
blague, plutôt, lui affirmèrent quelques heures plus tard Louis et
Georges alors qu'ils entamaient leur réunion pour action.
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