Fictions Banalité de la révolte ordinaire.
I
L’écrivain
non publié souffre d’une révolte non identifié de ses papiers
imprimés. Ses écrits sommeillant sont pour lui l’œuvre accomplie
et celle à partir de laquelle agissant. L’écrivain non publié
souffre du déficit de reconnaissance de ses écrits dès lors
qu’entaille, il ne parvient à les incarner. Dès lors qu’écrit,
ses écrits circulant ne sont lus agissant, simple vecteur chargé de
réveiller. Paradoxe étant, bien qu’impubliés, les textes écrits
des années auparavant et bien que jamais reconnu comme étant de la
partie se révèlent étonnamment lucide des années plus tard, il
est à dire lisible. L‘écrivain non publié se dit dès lors
« chic, ils vont savoir que je l’avais dit, ils vont me dire
tu l’avais l’écrit, cela était juste ». Et cependant là
réside le malentendu foudre mentale entre le corps de la vie et le
corps de l’écrit.
-
Tu l’avais dit, et alors ? Cela t’a’t’il permis de
construire une maison, de bâtir une saison, de choisir des
lampions ?
L’écrivain
non publié possède une compétence qui le dépossède. Sa révolte
inutile car sa vision trop tôt lui nuit et l’expédie dans une
nuit qui cependant brille élégamment. Pourtant, l’écrivain non
publié ne peut se résigner à considérer ses écrits en tant
qu’inutiles. Car là réside le mystère de ses clercs invisibles ,
l’écrivain non publié se console aux sources de
l’infra-ordinaire, son travail, le sien, a été accompli, il le
constate chaque jour qui vient. Ce qu’il a fait, c’est écrire
des textes sommeillant, travaillant malgré elles les consciences
endormies , travaillant les parties cachées de nos réalités à
venir. Ainsi cet arbre tombé dans une forêt que nul n’avait vu,
ainsi ce papillon qui bat des ailes à Tokyo, ainsi ces textes
poussiéreux, papier rempli, phrases accomplies oubliés de tous dans
une armoire. Et de ce monde invisible des mots et des lettres qui
dansent la nuit, l’écho transporte et transforme, lui, l’écrivain
non publié n’est que le mineur, le fantôme de l’Opéra, le
négligé des opérations. Sa révolte s’apaise car dès lors il
poursuit ses écrits qui dansent et flottent et peuplent les déserts,
il peut dès lors en comprendre subtilement les merveilles de la
condition. L’esprit livre d’hommes libres bien qu’oubliés. Un
jour peut-être, un jour sans doute, les humains enfin conscient de
leur condition érigeront une tombe à la mémoire de l’écrivain
inconnu en reconnaissance de leur tâche sysiphienne.
II
La
simple ménagère utilisait sa révolte ordinaire contre tout et rien
pour trouver l’énergie nécessaire à passer tous ces aspirateurs,
ces dépoussiérants et ces vernis cirant. La révolte ménagère
consiste dans la transparence apparente de cette femme qui n’existe
plus qu’à travers le décor de sa maison. Elle achète des
miroirs, des casseroles, des dessous affriolants. Pourtant, rien,
rien n’égaye ce quotidien. Rien n’arrive si ce n’est les
vendeurs ambulants qui tentent leur chance pour gagner leur argent.
Sa révolte lui nuit car elle ne parvient simplement à chanter sous
la douche, à réciter de la poésie aux tâches rebelles. La
révolte de la ménagère trouve sa source précise dans un
instrument débilitant, j’ai cité ici ce cube rectangulaire,
sorcier sans diable et source tarissant, j’ai nommé la télévision.
Vissé à son intérieur, elle veut savoir et s’évader et ne
goutte qu’aux images d’une réalité frelatée, virus
contaminant. Ainsi, ces personnes gagnent tant d’argent, ainsi ces
femmes sont flattées et servies, et moi, et moi, et moi donc. Qui
fait quoi pour moi ?
Alors
une nuit, les textes oubliés viennent la visiter. Au lendemain, elle
est emplie d’histoires que nul ne connaît. Elle devient une
curiosité populaire dans le périmètre de son quartier, chacun veut
connaître la suite, qu’est donc est-il arrivé à saperlipopette
et ôtetoilàquejmymette. Le soir, ils font des grandes veillées, et
raconte, raconte toutes ses histoires merveilleuses. Les poètes font
de l’or avec la boue du quotidien. Ce n’est pas moi qui l’ait
dit. Ainsi le bonheur de passer l’aspirateur par la particulière
ordinaire ménagère a à voir avec le contact nuitamment des
inspirateurs du singulier.
III....
L’écrivain
devenu personnage ne peut plus écrire de romans, il écrit ce qui
lui traverse la tête, il écrit des textes qui répondent à
d’autres textes. Le texte est devenu sa matière première et non
plus son expérience. C’est la question du rideau qui se pose à
tout moment dans une vie d’artiste, telle une momie l’écrivain
se retrouve personnage emmêlé dans un enchevêtrement de fils dont
même une mère poule n’y trouvait son poussin, dont même une
araignée n’en connaîtrait la trame. Le roman peut alors devenir
prétexte à un dispositif d’apparences, les lecteurs consignés
non plus dans l’espoir d’un interlocuteur qui vous comprenne mais
comme masse nécessaire dans le dispositif de gestion industrielle de
production d’être désirants manufacturés. Amour, Amitiés,
stratégies des jeux de rôles, régulation monétaire, volonté
hiérarchique des désirs. Cependant, l’écrivain peut aussi
utiliser sa plume pour retrouver des ailes mais en cela il se perd,
mais en cela il y perd ses pairs, et en cela ses pairs deviennent
ceux qui sont mort avant lui. Et de ce fait, il devient l’esclave
de ce tapis à tisser où nombres d’enfants sont mort à l’ouvrage,
ce tapis sans fin où chaque génération poursuit la recette du
tapis volant. Oui, mais il vole quand le tapis ? bientôt,
bientôt, dirent quelques voix sage de visages vieux et endormis mais
dont le regard pétille du désir et du feu qui ne meure jamais. Sous
les cendres, le voilage, Sous les braises, l’étincelle. Sous le
corps mort, la vie sommeille.....
III
Ils
n’avaient plus rien à dire, ils n’avaient plus rien à se dire.
Ils ressentaient un décalage entre cette matière qui les fonde et
les paroles qui leur parviennent. Une sorte de sac de ciment
s’attelaient à leur cervelle, une sorte d’esprit mangeant leur
refusait la possible appropriation de ce qu’ils apportaient. Les
paroles, des vers de poésie oublié, la musique de la vie leur
revenait, emplis d’une grâce et ils étaient ensuite rapidement à
nouveau vilipendé par la mauvaise femme, la mauvaise vieille femme,
esprit méchant et circulant qui se venge sur les vivants de la vie
qu’on lui a fait mené. Ainsi, vous n’aurez droit vous non plus
au plaisir d’être, je vous mange et je mange votre esprit, je vous
possède afin de vous déposséder, vos désirs doivent être les
miens, vous n ‘êtes plus que ma Chose. Pourtant, Ils sentaient
bien qu’ils seraient simple de revenir à ce qu’était. Il
s’agirait simplement de prendre les choses comme des sujets. Nous
ne voulons pas de l’esprit de diable, pas plus que nous ne
cherchons de Dieu unique, nous sommes des humains, c’est là notre
révolte, c’est là notre désir, c’est là notre volonté. Ils
parvenaient à faire disparaître les esprits envahissants, ils
retrouvaient le goût, la liberté, la civilité, le plaisir à
distance, la joie des mots comme une musique savante. Ils parvenaient
à comprendre le poids et la légèreté du monde. Leurs images se
faisaient corps et le néant s’excusait d’avoir pris tant de
place pour rien, et le négatif s’estompait sans que les photos ne
nous parviennent. ....
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