Martine et les choses atroces.


Au Mac Donald où elle se connectait par le service WIFI gratuit proposé à l'internet large et mondial, Martine assistait assez régulièrement à des scènes atroces, des tragédies familiales pourtant dépourvues du tragique grec ou de la farce rabelaisienne, des scènes atroces ne paraissant que dans la vulgarité de leur signification.
Ainsi, un père enjoignait ses enfants » de faire exactement ce qu'il leur disait de faire, que si il leur disait de lui prendre la main en sortant de la voiture, ils doivent lui prendre la main en sortant de la voiture, parce que leur père connaît les dangers, que le monde est très dangereux, qu'ils ne savent rien et ne doivent se fier qu'à ce que leur dit leur père. » Les deux garçons qui semblaient vifs, débrouillards et intelligents, ce qui se nomme communément par une bonne nature, ralèrent un peu « mais il n'y avait aucune voiture ! », restèrent bouche béée puis acquiescèrent et leurs présences réelles s'éclipsèrent au moins momentanément. La mère gloussait comme une grue aux paroles du père qui apparut faire preuve d'autorité abusive sur ses gamins, dépendants parce qu'enfants, pour exciter sexuellement sa femme.
Martine regardait les gamins qui étaient alors enveloppés par une chose atroce et hésita à leur dire « allez les fils, votre intuition est juste, votre père est un faible de la pire espèce, votre mère une imbécile, vous pouvez les assassiner ! » mais elle sentait confusément que ces paroles relevaient d'un autre monde que celui où on mange des Happy meal avec un cadeau en plastique débile dans la boîte.
Un autre jour, un gamin, qui visiblement aurait eu besoin de courir une heure avec des cerfs et des élans dans des clairières afin de mesurer sa force, était assis avec sa mère, les copines de sa mère et son petit frère sur des grands tabourets. Les femmes présentes ressemblaient à des caricatures de femmes névrosées par la télévision et la publicité. Elles étaient maquillées et habillées avec des parures conçues pour économiquement faibles, se voulant chic et donc de nos jours porno chic. Les nanas se parlaient et se rassuraient les unes les autres sur leurs étants de grosses salopes à la mode. Le gamin qui aurait eu besoin de grimper une heure dans les arbres avec un gorille lui apprenant comment se servir du poids de son corps pour prendre son élan et économiser ses forces ne tenait pas en place, ne comprenait pas pourquoi il devrait s'occuper de son frère, voulait aller chercher des hamburgers, etc.. La mère, qui semblait dominer le groupe de grosses courges,apparût alors comme totalement allergique à la vie de ce fils, elle lui professa ainsi des phrases absurdes comme « tu ne fais pas attention aux autres, tu es un égoïste, tu veux capter toute l'attention, j'en a marre de toi, j'en ai marre. Maintenant, tiens-toi tranquille, je ne veux plus t'entendre ! »
Le gamin se rassît puis pleura. Puis, comme un bon chien, il revint vers sa mère en s'excusant et se frotta à elle en pleurant. La mère arbora alors un sourire atroce à ses copines qui semblaient vaguement l'admirer depuis leurs yeux vitreux.
Martine bouleversée eut subitement une envie de kidnapping. Puis vint un dégoût atroce.
Quelques jours plus tard, Martine se dira qu'elle ne s'était jamais rendu compte en quels points ses parents étaient des personnes formidables.
« Pourquoi croirais-tu que tes observations seraient neutres ? », hurlera, un autre jour des mois plus tard, sur Martine, une voix en colère. Mais Martine sentira confusément cette voix comme relevant des choses atroces ou des faux pères essayant de se faire passer pour ce qu'ils ou elles ne sont pas.

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