les années 80 (suite)

les années 80,

Je ne me souviens plus du nom de cette fille, elle était souvent ma voisine de classe en première année de sciences politiques. Grande, blonde, elle voulait devenir hôtesse de l'air, exerçait comme hôtesse au sol deux ou trois aprés-midi par semaine pour une compagnie aérienne sans doute air france puisqu'avant la grande dérégulation à moins que tout juste après, bref elle sortait avec un mec de dix ou vingt ans son aîné, gagnant plein de fric et voulant l'épouser. J'ai du toujours oublié de lui demander pourquoi elle faisait sciences po parce que malgré tout, on était à Lyon, on ne se la jouait pas, il y avait eu quand même des bouquins à lire et un concours à passer, bref je ne me souviens plus du tout de ce qu'il est advenu de cette personne après la première année : si je me souviens encore d'elle c'est en raison d'une crise de fou-rire que nous avions eu ensemble dans un T.D de droit constitutionnel , le genre de fou-rire irrépressible et irrésistible où le moindre minuscule événement advenant (une crotte de nez dépassant du nez du prof, une mouche bizarre se posant sur les cheveux de l'éléve juste devant, des soudains bruits inconnus sortant dont ne sait vraiment où, etc..) ne fait que nourrir le moteur à explosion de rire qui s'est soudain enclenché ; j'aurais bien sûr oublié ce fou-rire même s'il compte parmi les très grands de notre existence, ceux où commence à être perçu que ce qui rit en nous est bien grand que nous et où même le corps commence à éprouver de la fatigue à rire, juste avant de connaître la paradoxale douleur d'en rire, bref j'aurais oublié ce fou-rire s'il ne venait en contrepoint de l'exposé que je devais faire ce jour-même dans ce cours précisément sur le statut des lois anti-juives émises par l'Etat de Vichy.
Tout ce dont j'avais à parler était sordide, affreux et devrait marquer suffisamment les mémoires de ceux et celles à qui je le raconterai afin qu'ils et elles se souviennent longtemps longtemps comment des lois peuvent être iniques, pourquoi il ne faut pas obéir aux lois aveuglément en se reposant constamment la question « cette loi protège t'elle bien les individus et leurs communautés vivantes? », Et en lieu et place de la gravité de circonstance nécessaire à , mon corps était secoué d'un rire énorme et tellement plus grand que lui.
Le prof qui était de droite et avait raté quatre fois l'E.N.A me demanda assez pathétiquement si j'avais trouvé les lois anti-juives si drôle que cela. Bref ce n'est qu'après m'être calmé toute seule pendant peut-être cinq minutes en dehors de la salle que je pus commencer mon exposé en prenant bien soin de ne regarder que mes papiers et jamais la salle ni les êtres humains la composant afin que ce je dise fût assez édifiant.
C'est pourquoi lorsque des années plus tard, mon cousin devenu historien sans doute brillant paradoxalement de ce fameux soleil noir familialement hérité (c'est-à-dire historien sans doute brillant sans que personne ne s'en aperçoive vraiment sauf ceux et celles qui en profitent abusément c'est-à-dire en le masquant), un de mes cousins donc me raconta avoir eu besoin de faire beaucoup la fête alors qu'il travaillait sur la spoliation des biens juifs en France afin de ne pas trop sombrer par contamination avec son sujet d'étude, il me semblait que je le comprenais parfaitement mais presqu'à l'envers.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog