Vincent DRUGUET.



Vincent m’avait dit que je devrais m’acheter le guide trucmuche, sorte de guide du routard gay, et qu’ainsi la lecture de mes feuilles de route lors des tournées de cette compagnie de danse, dans laquelle il dansait et moi « assistait » la production,  tournées sur les routes (mais surtout par les voies ferrées et aériennes) des villes de France et de Navarre, bref qu’ainsi mes feuilles de routes lui serait plus attractives.
Vincent m’invita un jour à dîner chez lui, il habitait alors à l’autre bout de Paris dans un immeuble moderne (ce qu’il déplorait) avec une fille dont il était l’époux afin de lui assurer sa nationalité française et aussi hébergeait provisoirement une autre danseuse de la compagnie dans une chambre d’ami. Vincent était généreux et aimait raconter les histoires qui ne se trouvent pas dans les livres. Il me raconta avoir fait partie d’un spectacle qui avait été créée dans les années 80 et dansé peut-être un mois dans une boîte de nuit en Allemagne un spectacle qui retraçait des éléments du matabarata, peut-être chorégraphié par Marceline Lartigue ou plus sûrement Josette Baïz, qu’ils étaient tous partis de Paris en bus et avaient failli ne pas être payés parce que le directeur de la boite de nuit s’était fait arrêté par la police pour trafic de drogue, plus ou moins, si ma mémoire ne m’abuse.
Il faisait partie de ces gays garçons que j’ai connu qui avait du d’abord rompre avec leur familles lors de l’annonce de leur homosexualité. Vincent adorait son métier de danseur et voulait danser toujours. Il était délicat. C’est lui qui m’apprit que le thé vert est un thé qui a été cueilli avant maturation. Un jour, alors qu’en Avignon, S. m’avait maquillé et Vincent dit que c’était horrible, que la beauté est au naturel, est à chercher dans le naturel.
Vincent faisait partie d’un groupe d’improvisations en danse qui se produisait certains dimanches à l’atelier de la danse, studio de madame Jacqueline Robinson dans sa maison à Montmartre. Les spectateurs inscrivaient des mots, une personne lisait un mot et les danses commençaient jusqu’à ce qu’un autre mot ne survienne et ainsi de suite. C’étaient de très belles fin d’après-midi de dimanche.
Vincent du faîre une procédure de reconnaissance de non paternité lors du divorce de son mariage blanc car entre temps son épouse avait eu un enfant. Vincent fut étonné d’avoir eu à payer presque 10 000 francs français pour que les administrations reconnaissent que cet enfant noir dont la mère était blanche ne pût être le sien selon les lois de la génétique puisque lui-même blanc. Vincent apprit alors que les lois confectionnées par les êtres humains eux-mêmes avaient été ainsi faites pour protéger d’abord les enfants des femmes mariées afin de leur assurer dans tous les cas un père.
Dans une pièce de danse, Vincent devait enfiler des chaussures de ski attachés à des skis dissimulés dans un décor afin de créer des impressions de trouble dans la gravitation, cela fonctionnait plus ou moins bien du côté des spectateurs mais Vincent n’y trouvait point de plaisir. Vincent faisait partie de ces personnes qui peuvent vous parler pendant des heures de toutes les blessures qu’ils ont reçues d’une personne et lorsque cette personne se présente d’être cependant profondément heureux que cette personne soit là.
Puis Vincent fût fatigué de sa vie de célibataire en quête de toujours nouveaux amants et s’installa avec un garçon qui s’occupait de lui.
Avec Vincent nous avions commencé de construire un jeu style monopoly en remplaçant le parcours du jeu dans l’acquisition d’immeubles par un parcours de danseur contemporain. Nous avions confectionné une grande carte en carton et commencé à rédiger les cartes à piocher. Je me souviens de « vous passez une audition pour Karine Saporta, vous êtes brûlé au quatrième degré, allez directement à l’hôpital, passez un tour sans toucher vos assedics ».
J’ai vu ,en contre-plongée, le cul, l’anus et le sexe de Vincent Druguet dans une pièce où il dansait nu sur le plateau médian d’une tour verticale où se superposaient deux danseurs et une danseuse sur des plateaux étroits et non propice au développement d’une danse bien léchée et non risquée. Pourtant, l’énergie calme et rentrée de Vincent, sa bourgeoise économie au bon sens du terme, transformait même ce non plateau de danse en un endroit où il aurait très bien pu danser des choses baroques et naturellement sophistiquées. Son côté chat ou lynx habitué à survivre dans les déserts.

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