Les questions qui se posent : les morts sont-ils vivants dans le réel ?
Josette
lut dans le journal que monsieur Clément ROSSET serait mort le 27
mars 2018. Josette éprouva un sentiment qui devait ressembler à ce
qui est traditionnellement nommé « du chagrin » mêlée
à une sorte d'indignation joyeuse. « ah, ben non, alors ! »
s'était-elle exclamée. Ce début d'année 2018 était
particulièrement morbide, tant était nombreux ceux et celles qui
n'avaient pas passé l'hiver ou à peine, sans compter ceux ou celles
qui dès l'hiver survenu n'avait même pas pu franchir le passage
vers la nouvelle année. « Ce doit être l'âge qui donne
cette perspective, se disait Josette, un adolescent de l'an
2018 ne doit pas éprouver cette sensation d'habiter un coin de forêt
où les arbres tombent un à un. »
Bien
sûr, le fait qu'il existe un lieu dit « en Rosset » où
habitait une de ses tantes,soit une des sœurs de son père, le fait
qu'il existe un lieu dit « en Rosset » dans un village
suisse près de la ville de Fribourg, avait peut-être un rapport
fortuit mais alors très ténu avec l'oeuvre de ce philosophe
« discret » comme disent les critiques littéraires et
cependant profondément « déprimé » comme disent les
secrétaires.
En
l'honneur de ce monsieur qui avait l'habitude de se noyer
régulièrement dans les écluses entre le langage et le vivant,
Josette, l'espionne rousse du réel, décida de décortiquer le texte
d'une chronique parue dans ce même journal où Josette avait donc
appris la possible disparition de ce monsieur ROSSET de son corps
physique au cours de la journée du 27 mars 2018. La chronique avait
été rédigée par un type nommé Thomas CLERC qui se situait par
ailleurs ostensiblement dans le champ littéraire sans vouloir
réellement admettre que ces champs étaient désormais modifiés par
les épandages des productions audio-visuelles et cinématographiques
et les OGM médiatiques, un type s'affirmant littéraire comme si
nous existions encore au XIXe siècle où une forte censure morale
règnait sur les consciences,les écrits et les tableaux, bref, un
monsieur du XXIe siècle fortement influencé par les écrivains du
XIXe tout en étant vaguement conscient de la déconstruction de la
littérature survenue tout au long du XXe siècle racontait une de
ses journées sous une forme brillante, smart, courte, percutante, un
bon gros fil conducteur, trois poils d'auto-dérision et deux de
chameau, çà pétille, çà chatouille. Çà passe bien sans
constiper. Aucune gène à la lecture.
« Just
remix and shake it », Josette se mit à la tâche. «
Voyons, mettons de côté l'aspect reconstruction du réel,
rapport à la vérité romancé, etc..blabla, Considérons le texte,
« rien que le texte » comme dirait des activistes du réel
dans les années soixante-dix du siècle vingt. Voyons, ce monsieur
nous explique s'être levé tard, se sentir flasque quoique peut-être
bandant puisque désirant non pas sa copine mais un rapport sexuel
avec sa copine qui est déjà partie, sans doute au boulot, ce
monsieru CLERC nous fait part de son abstinence sexuelle, sans qu'il
ne précise si cela est contre sa volonté ou malgré son désir,
depuis cinquante-trois jours qui est à peu près le titre d'un
ouvrage posthume de Georges PEREC en hommage au cinquante-trois jours
à moins que cinquante deux où un écrivain célèbre français a
dicté à sa secrétaire l'ouvrage « la chartreuse de parme ».
à peu près. grosso modo. Sans pectoraux. »
Josette
continuait son analyse serré du texte. monsieur Thomas CLERC
qui ne doit pas être confondu avec Thierry CLERC, batteur célèbre
dans l'underground profond genevois ou juste dans les squatts de
MONTBRILLANT derrière la gare CORNAVIN qui n'est pas à confondre
avec PONTBRIAND qui est un lieu-dit proche de la maison où habite
Josette. Bref, monsieur Thomas CLERC nous explique au début de son
texte s'être levé ce jour-là tard, frustré et non performant.
« monsieur Thomas CLERC ne nous précise pas ce qu'il fait
de son désir d'un rapport sexuel. S'est-il branlé pour se décharger
d'une trop forte pression exercé sur lui par le réel. ?, se
demandait Josette, l'espionne rousse du réel»
Nous
apprendrons plus tard au cours du texte analysé que ce monsieur
CLERC suit une psychanalyse au XXIe siècle. Si la psychanalyse a
constitué, d'après Josette, une des grandes aventures
intellectuelles structurant et parcourant tout le XXe siècle,
Josette a quelques doutes sur la poursuite d'un rôle central de
cette pratique pour le XXIe siècle. « L'état d'esprit
psychanalytique fait désormais partie de l'héritage intellectuel !
La pratique de la cure où un être humain en paye un autre pour
l'écouter me semble une pratique dépassée. Après tout, la
confession, aussi, est tombée en désuétude.. »,
proclamait Josette qui était consciente de pouvoir se tromper.
Dans
le texte, monsieur Thomas CLERC disait aimer son psychanalyste qu'il
paye pour l'écouter parler notamment de ses projets littéraires
dont l'actuel serait à propos à propos de la pénurie sexuelle.
D'après le texte, monsieur Thomas CLERC est reconnaissant à son
psychanalyste de l'écouter parler notamment de la pénurie sexuelle
qui est le thème de son prochain bouquin. En suivant le texte, nous
comprenons que monsieur Thomas CLERC reconnaît du talent à son
psychanalyste avec lequel il parle de sexualité et dont il a
d'ailleurs ce même jour reconnu la femme dans le bus qui le mènait
à sa scéance sans toutefois la situer sur son échiquier personnel,
et pour cause. « Là, la Chose devient hilarante,
rigolait Josette, si j'en crois le texte, voilà un monsieur qui
parle avec un autre de la sexualité sous l'éclairage de la
« pénurie » (depuis que les bordels ont fermé, et les
bonnes à tout faire disparues, les bourgeois ne savent plus comment
faire « tenir » dans leur mode de vie) et ce monsieur va
ensuite reconnaître dans un transport en commun la personne objet,
ou ayant à faire avec l'objet, du désir de l'autre monsieur, puis
discute avec cette personne tout en trouvant cela agréable mais
incongru et devant par conséquent s'arrêter avant la fin prévue
par le trajet du transport en commun les conduisant tous deux vers le
même homme, etc... HAHAHAHAHA ! »
Bref,
quand, dans le texte, vient la fin de la journée et qu'enfin la
copine du type « rentre à la maison », nous, lecteurs,
sommes haletants et impatients du déferlement sexuel du monsieur qui
va enfin s'abattre sur la damoiselle et en fait rien du tout, le
monsieur écrit avoir été ému et ensuite avoir écrit la dite
chronique. « Plusieures hypothèses s'offrent à nous, se
disait Josette, le type a fait l'amour à la dame mais est pudique
et ne veut pas le raconter aux lecteurs de sa chronique ; le
type a fait l'amour avec la dame mais cet événement ne rentrait pas
dans la mise en scène du réel qu'il effectuait pour sa chronique
qui serait alors devenue vulgaire, le fil rouge étant
l'auto-évaluation et les notes que chacun se donne pour tout ce
qu'il fait ; ce type soupçonne sa copine de mal le noter dans
ses performances sexuelles et a écrit sa chronique pour lui faire
passer un message ; le type demande de façon occulte aux
lecteurs de sa chronique de sauver son couple de l'abstinence
sexuelle qui le mine ; le type a demandé à sa copine d'écrire
sa chronique car il n'avait pas d'idées et elle a essayé de lui
faire passer un message ; le type sublime sa sexualité par
l'écriture mais continue à croire qu'il peut faire jouir des
femmes ; monsieur Thomas CLERC a été chargé d'encadrer la
publication des œuvres complètes de Guillaume DUSTAN et s'y croit
étanche ... » Josette commenca à avoir mal à la tête.
« Je suis une espionne du réel pas une propagandiste des
motifs homosexuels, je ne suis pas une rabatteuse vers le bordel
gay où Proust laisse les lecteurs à la fin de la Recherche ! »
« çà
va toujours mieux en le disant ! », se disait le chat
de Josette, en voyant sa maitresse parler dans le vide.
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