PAPY MEUJOT passe son Master II à l'université.
Papy MEUJOT
s'émerveillait d'être toujours en vie. Il avait complétement
laissé tomber son master II qu'il jugeait profondément morbide de
suivre à cent trente deux ans et s'était inscrit à un MOOC(massive open on line course) de cuisine gratuit dispensé parl'AFPA. « Tant qu'à étudier à mon âge, autant étudier
quelque chose qui va m'intéresser et m'être utile !
s'était-il dit.
Papy MEUJOT avait
revu Josette qui lui avait raconté s'être engueulé avec
Georges au sujet de l'idylle qu'ils auraient vécu au bord de la mer.
Josette avait raconté à Papy MEUJOT que Georges avait découvert
dans un dictionnaire que le mot idylle désignait une relation
chaste : Georges en avait été bouleversé, avait dit ne pas
vouloir de cela mais d'une vraie relation. Josette lui avait
répliqué que, dans le dictionnaire de sa copine LAROUSSE, la
dimension sexuelle du mot idylle n'est pas précisée et qu'ainsi il
n'y avait pas lieu de se soucier à se laisser vivre une idylle avec
elle au bord de la mer. Ce à quoi Georges avait répondu que le
dictionnaire LAROUSSE n'a pas été rédigé par une femme mais par
Pierre LAROUSSE. Josette n'avait pas revu Georges depuis et elle
était très inquiète.
Papy MEUJOT avait
beaucoup de mal à comprendre les problèmes de ce couple. « A
mon époque, on ne parlait guère de ces choses-là, mais quand on
les faisait, on savait bien qu'on les faisait, qu'elles soient
nommées ou pas ! » s'était-il dit. Papy MEUJOT
soupçonnait ne plus du tout appartenir à l'époque. Il ne lui
venait pas à l'idée qu'il était possible que ce soit Josette ou
Georges qui n'aient en fait jamais vraiment existé. Il se souvint
d'un souvenir rapporté par un critique de cinéma, peut-être
LABARTHE : Quelqu'un avait fait croire à Anna KARINA qu'un
autre cinéaste venait la nuit dans son lit remplacer GODARD pour lui
faire l'amour. Et Anna KARINA l'avait cru ! Cette histoire avait
toujours frappé Papy MEUJOT puisqu'elle en disait long sur les
conditions de production des ébats de ces messieurs-dames de la
nouvelle vague ! Cette histoire était peut-être fausse après
tout ! Et quel était le cinéaste remplaçant déjà ?
RIVETTE ?
Josette semblant
vraiment affectée par l'absence de Georges, Papy MEUJOT s'en était
sorti par une pirouette : « Mais, Josette, avait-il
dit d'une voix grave, es-tu sûre qu'une espionne rousse du réel
peut s'engager dans une relation conjugale ? » Il
avait tout de suite senti que Josette connaissait mal le mot conjugal
et ses conjugalités et qu'ainsi il l'avait aiguillé quelque temps
vers de nouvelles fréquentations langagières qui pourraient
peut-être l'aider à s'en sortir.
Papy MEUJOT
respira et bu un café tout en survolant le journal. Il du toutefois
se forcer pour lire des articles. « Tout cela m'intéresse
de moins en moins »
Papy MEUJOT
commença la lecture de l'article écrit par Camille LAURENS intitulé
« De l'archaïque mysoginie ordinaire ». :
« Je pense
aux événements de Cologne, la nuit de la saint-Sylvestre, les
paroles des victimes me reviennent : « je parle pour
toutes les femmes », dit l'une d'elles. Peut-être est-ce une
définition a minima du féminisme : souffrir des violences
faites aux femmes parce que femmes, partout dans le monde. Ne pas les
supporter [...] »
Pour sa part, Papy
MEUJOT pensait que la base du féminisme, soit le socle sur laquelle
s'appuie cette revendication est le sentiment de l'égalité. C'est
parce que les femmes et les hommes sont pour les chacuns et chacunes des êtres
humains que les femmes revendiquent à sortir de l’œil de l'homme
qui en fait les objets de son désir sexuel, et à exister aussi par
ailleurs au même titre que lui. Soit dit sous une autre forme et
dans une perspective féministe, il serait que les hommes demandent à
exister comme autre chose qu'un pénis sur pattes. « Bien
sûr, il faudrait alors aborder toutes les problématiques liés à
la sexualité des sujets parlants... »
Papy MEUJOT reprit
la lecture de l'article : « […] Il ne s'agit pas pour
autant d'occulter le problème posé par ces événements, encore
moins de les excuser au nom du relativisme culturel. Mais j'en fais
une lecture plus basique, qu'on pourrait résumer ainsi : des
hommes se sont sentis autorisés à attaquer des femmes. [...] »
« J'avais
cru comprendre que ces hommes avaient voulu s'amuser avec des femmes
et qu'en l'absence de connaissances et de connaissance, ils s'en
étaient tenus à des mœurs d'un autre âge où ces messieurs
avaient encore le droit de se servir. » Papy MEUJOT se
souvenait de conversations avec Josette où celle-ci lui racontait à
quel point, les femmes inconsciemment s'inculquaient entre elles et
par les générations l'idée qu'elles étaient des proies
potentielles transformant ainsi de mauvaises habitudes culturelles en
destin et empêchant par là-même l'émancipation. « Je le
répète, c'est par la revendication de l'égalité que les femmes
s'émanciperont. L'agression sexuelle est un crime d'une nature
particulière. Donc, d'après ce que j'en comprends, il
n'est pas que ces hommes se sont sentis autoriser à « attaquer »
des femmes, il est que ces hommes se sont sentis autorisés à les
baiser. Ce qui n'est pas la même chose. Leur crime n'est pas
l'attaque mais le viol ou la tentative de viol. »
Papy MEUJOT se
souvint alors d'un récit que lui avait fait Josette. Un an ou deux
voire trois après l'occupation de l'église Saint-Bernard dans le
XVIIIe arrondissement de Paris (et de son évacuation par la force),
les maliens avaient fait une sorte de fête devant l'Eglise sur la
place. Tout le monde était en cercle et tapait dans les mains
marquant un rythme de base. Il y avait deux ou trois tam-tams en
lisière du cercle où se tenaient deux jeunes mecs, lunettes
miroirs, jean et jambes demi-pliés : ils haranguaient
silencieusement la foule, ils glissaient, ils étaient souples, ils
« appelaient» les femmes. Une femme sortait du cercle et se
présentait alors en faisant un pas et les deux jeunes demi-dieux
l'accueillaient et rejoignaient le rythme de la foule du cercle en
tapant dans leurs mains, la femme alors s'accordait avec les
musiciens et dansait. Des occidentaux auraient pu dire qu'elle
faisait un solo, mais pour Josette, il était que chaque femme
déployait d'abord et ainsi son energie et sa violence dont elle se
libérait tout en l'offrant au groupe qui la recevait. Josette
n'avait pas vu de jeunes filles se livrer dans le cercle mais elle
n'était pas restée jusqu'au bout. Elle avait été émerveillée par
le haut degré de codage et de beauté de ce qu'elle avait vu et
resenti. Papy MEUJOT était persuadé qu'il y avait dans les cercles
de ces jeunes syriens et irakiens entourant des femmes la trace ou la
recherche inconsciente de ces sortes de rituels, forme codifiée
d'échange de violence et d’énergies sexuelles qui permettaient aux
hommes et aux femmes de s'harmoniser, de s'égaliser. Les Hommes
veulent recevoir la puissance des femmes, ils ne les violent que
lorsqu'ils ne savent pas ou plus comment la recevoir. Et/Ou que les
femmes ne savent plus comment la leur donner.
Une
fois ce récit remémoré, Papy MEUJOT eut beaucoup de peine à
poursuivre la lecture de l'article rédigé par mademoiselle LAURENS
tant il s'était éloigné des mondes mentaux où les propos de la
damoiselle seraient intelligibles.
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