PAPY MEUJOT (ne) passe (plus) son master II à l'Université.
Papy MEUJOT lisait le
journal. Même s'il n'y trouvait plus le même plaisir, il est
difficile de se débarasser de ses habitudes à l'âge de cent trente
deux ans. Papy MEUJOT lisait une lettre ouverte rédigée par descinéastes à la directrice de la télévision publique française :
« … Nous voulons vous faire part de notre inquiétude
s'agissant du sort que vous réservez au cinéma français et
européen qui semble avoir déserté votre discours... » Papy
MEUJOT ne pouvait s'empêcher de se souvenir d'époques où la
télévision ne commençait que le soir : pendant la journée, il était possible de contempler une mire à l'écran. Papy MEUJOT pensa aussi au laboratoire
de recherche de formes de l'O.R.T.F dirigé par Pierre SCHAEFFER ayant
formé des Jean-Christophe AVERTY ou des Michel POLAC. Papy MEUJOT
pensa à la télé de DESGRAUPES. Papy MEUJOT se demanda si déjà, à
cette époque, la télé participait au financement des films du
cinématographe. « … C'est là un enjeu majeur pour les
futures générations. Notre responsabilité est collective. A
l'heure où les possibilités de voir et de diffuser des images sont
infinies, où des images n'obéissent à presqu'aucun contrôle, le
service public doit garder, plus que jamais, cette voix qui est la
sienne, porteuse des valeurs de la République et soucieuse de
raconter le monde dans une vision universelle... » Papy MEUJOT
était toujours gêné lorsque des « artistes » se
mettaient à parler la langue de la propagande officielle. « Bah,
ce sont des cinéastes, pas des écrivains ! Il devrait alors
être possible de ne pas leur en vouloir d'écrire de tels puddings !,
se disait Papy MEUJOT pour se rassurer, ils surfent avec
opportunisme sur des discours d'idées générales véhiculées dans
les discours politiques afin de défendre leur cause et leurs
budgets. Ce serait, à mon avis, plutôt aux producteurs de se coller
à ce genre d'exercice ingrat ...» Papy MEUJOT ne voulait
s'avouer effrayé de lire un texte signé par des « artistes »
critiquant l'absence de contrôle sur des images afin de
défendre leurs budgets ! Papy MEUJOT poursuivait sa lecture :
« … Il n'a sûrement jamais été aussi important de mieux
regarder les images et de mieux les comprendre. Le cinéma dans toute
sa diversité et toutes ses formes d'humanité, a sa place au regard
de cet objectif... » Oui, et pour ce faire Papy MEUJOT
préférerait que les cinéastes fassent des films et critiquent les
films des autres en public afin de transmettre ce qu'ils voient, pensent
et aiment plutôt que d'écrire des textes insipides et indigestes au
sujet desquels des écrivains pourraient s'unir pour réaliser un
film expliquant qu'il n'a jamais été si urgent d'apprendre à
écrire et lire des textes... Puis Papy MEUJOT se souvint qu'il
s'agissait d'une lettre ouverte destinée à informer truc et machin
ainsi qu'untel et bidule mais aussi tout un chacun d'un sujet
d'inquiétude pour ces cinéastes. « N'est-il question là
que d'argent ? », se demanda Papy MEUJOT.
Il se souvint avoir entendu, plusieurs années auparavant, à la radio, Jean-Pierre BRISSEAU, sans paravent, raconter
qu'il avait pu produire son nouveau film « grâce » à Bruno KREMER : après sa mort, France 2 avait diffusé le film « Noces Blanches » en prime time pour lui rendre hommage et Jean-Pierre
BRISSEAU avait alors gagné 60 000 euros en droits d'auteur qu'il
avait aussitôt réinvesti dans un nouveau film. Papy MEUJOT avait
trouvé la somme astronomique pour des droits d'auteurs reçus pour une diffusion télé et maigrelette pour un budget de film du cinématographe. Cette somme était sans doute dûe à des
circonstances exceptionnelles de programmation télé, au dernier moment, sans négociations préalables ,la mort étant imperméable aux problématiques de la télé . Cependant, Papy MEUJOT s'était souvenu aussi
que Josette, à la fin du vingtième siècle, lui avait raconté
qu'une danseuse de la compagnie KERSMAECKER avait touché 10 000 FF
de l'époque (soit grosso modo 1500 euros) lorsque le film tiré d'un
spectacle dans lequel elle dansait avait été diffusé une fois sur la chaine
de télévision ARTE. Papy MEUJOT ne connaissait pas les règles de
calculs, il se souvenait que les droits des interprètes étaient
récemment apparus avec les vidéos cassettes, qu'il s'agissait
d'éviter la mouise à ces messieurs dames, acteurs et actrices,
alors que leurs bobines continuaient à être vues partout, mais de
fil en aiguille, tous ces droits d'auteurs et dérivés additionnés
doivent atteindre des sommes qui ne militeraient guère pour la
diffusion de ces œuvres d'auteurs. Papy MEUJOT pensait qu'à l'heure
où des administratifs du Trésor public peuvent estimer qu'avoir cinquante
euros dans un mois comme « reste à vivre », selon
l'expression consacrée des échéanciers de paiement, n'est pas un problème puisqu'il existe
les Restos du Coeur pour se nourrir, les cinéastes, défendant
leur art, devrait parler clairement et à découvert des gros sous afin d'être audibles
plutôt qu'écrire des phrases telles que « les films, à la
différence de beaucoup d'autres programmes, parce qu'ils on un
début, un milieu et une fin, sont structurés et proposent des
allégories de la vie qui rapprochent les gens » : il
serait possible d'arguer que la trop forte fréquentation
d'oeuvres bien structurées, ayant un début, un milieu et une fin,
une logique, des explications et une durée d'une heure trente,
éloignent les personnes de la vie dont tout un chacun ignore par définition la
fin et sa fin...Quant à la durée ... Papy MEUJOT s'était fait cette
réflexion à l'occasion des printemps arabes où des personnes
habituées à causer dans les postes des médias français tenaient
des propos hallucinés et hallucinant au sujet notamment des
révolutions tunisiennes et égyptiennes : Papy MEUJOT avait
compris peu à peu que ces personnes étaient habituées à voir « la
révolution » racontée au cinéma avec un début, un milieu,
une fin et pas du tout familiarisé avec le bordel erratique et tâtonnant dans le noir qu'induit un changement réel de structures
dans les pouvoirs...
Puis Papy MEUJOT lut « … Évidemment nous sommes conscients qu'il y a derrière toutes ces
ambitions la question centrale des moyens. A ce titre, nous réitérons
notre proposition de moderniser, étendre et équilibrer la redevance
audiovisuelle. Le service public doit bénéficier de financements
cohérents à la hauteur de ses ambitions et de nos attentes. Nous
réaffirmons notre volonté d'y œuvrer avec vous.... » C'est
parce que Papy MEUJOT n'avait pas envie d'avoir à tout nettoyer
lui-même par la suite qu'il ne vomit pas son petit déjeuner mais
ravala son renvoi. « Comme dirait Josette, en tant que
contribuable payant la taxe foncière et la T.VA sur les serviettes
hygiéniques et les croquettes pour chats, je veux que l'argent de
mes impôts aillent en priorité à la justice, à l'éducation, aux agriculteurs
ainsi qu'à financer la recherche historique, à payer les
publications de ces recherches et leurs diffusions vers un plus large
public, etc... blabla..., se dit Papy MEUJOT, Y en a marre
de ces enfants gâtés ! »
Puis Papy MEUJOT rota et se
sentit mieux.
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