une histoire politique [extraits]


à l’internat, quelqu’un dit « aujourd’hui, ça va royer » et nous nous demandions bien ce qui allait se passer. Puis il plût et quelqu’un dit « ça roye ». Un autre jour, quelqu’un parla des melons, et comme nous ne comprenions pas on nous expliqua que les melons sont les arabes qui vivent dans les foyers SONACOTRA. L’année précédente, nous étions dans le pensionnat suisse où notre père enseignait la philosophie et où les arabes étaient libanais ou syriens, s’appelaient Paul ou Amer et avaient des équipements de ski dernier cri. Notre mère, qui avait grandi en Tunisie au hasard des postes attribués à son marin de père, m’avait un jour expliqué à l’occasion d’un documentaire passé à la télévision que les petits blancs, les pieds noirs  avaient découvert lorsque revenus en France qu’ils n’étaient que des petites gens, et que c’était surtout cela qu’ils n’avaient pas supporté. J’en avais compris implicitement que le racisme est le résultat d’ un rapport masqué à l’économique, une mauvaise béquille donnée à des petites gens pour ne pas se sentir en bas de l’échelle sociale [ et pour qu’ils y croient à cette fameuse échelle ; à l’époque, il était encore question de grimper l’échelle sociale, n’avaient pas encore été installés systématiquement les ascenseurs sociaux modernes – et dîtes-moi  une fois que vous serez en haut, vous ferez quoi, vous regarderez en bas ? – ascenseurs qui ensuite tomberaient en panne afin de restaurer les canapés de la lutte sociale avec prime à la bandaison ou au mouillage, période de la Restauration politique, hautement contre révolutionnaire et heureusement pour nous aujourd’hui terminée]. Donc à l’époque,  Lutter contre le racisme nous avait alors semblé plus efficace par le truchement de la disparition de l’échelle sociale, par le retour à  l’horizon social du monde qui se fait chaque jour dans les cales, sur les ponts et depuis les mats, puis le soir survenu, tout le monde et chacun ira danser où il lui siera le mieux, puisque la nuit, c’est bien connu, tous les chats sont gris. Puis nous étudiâtes Marx à l’université et la promesse d’une classe ouvrière émancipée. Puis nous étudiâtes Bourdieu à l’université et la promesse d’une culture décomplexée de toute intimidation ou injonction. Puis Margaret Thatcher cassa la grêve des mineurs au Royaume Uni et toute la culture syndicale qui n’avait pourtant pas attendu la bienveillance des penseurs bourgeois se penchant sur leur cas  pour se construire et se propager, se délita dans l’espace européen. Puis l’action culturelle s’institutionnalisa sous la tutelle et l’or des ministères et la bienveillance des filles de bourgeois en mal de rayonnement social, phagocytant et énucléant la culture populaire qui n’avait  pourtant pas attendu les discours énarchiques sur la transversalité pour se savoir vivante et germinative . Tout semblait partir en fumée, jusqu’à ce que.

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