Bref, Donc, Dans les années 80, (suite).


Dans les années 80, à Thonon-les-Bains, nous étions allées voir Diva, le film de Jean-Jacques Beinex à la maison des Arts et Loisirs. A la sortie du film, nous avions regardé les panneaux de bois où étaient exposées notamment les photographies du film. C. en avait volé une et nous une autre, puis parties en courant, C. s’était ensuite roulée dans l’herbe d’une pelouse en hurlant qu’elle était amoureuse du héros du film.
Il se passait plein de choses à la Maison des Arts et Loisirs de Thonon-les-Bains, plus communément désigné sous l’acronyme M.A.L., ainsi la Mal.  Il s’y déroulait notamment chaque année le festival du film fantastique où pouvaient se croiser tous les lycéens de cette moyenne commune de quantité moyenne d’habitants moyens et non moyens, avec moyens ou sans moyens mais conscient de la moyenne bien que proche de la frontière avec l’Helvétie. Bref, nous y étions allées la première fois sous l’égide de notre sœur et son chéri. Nous y avions vu notamment martin un film racontant la vie quotidienne  d’un vampire à  notre époque puis Jubilee, un film postapocalyptique avec des punks, la Tamise rouge et des visions de l’époque élisabéthaine. Nous n’y avions compris goutte, nous ne l’avions pas cherché d’ailleurs, cela nous étonnait et c’était bien cela que nous recherchions, l’étonnement.
Un autre soir à ..la M.A...L., nous avions raconté à P. les vols de photographies et P. en avait alors volé plusieurs qu’il avait glissé dans sa parka à moins que nous les ayions volé et glissé dans sa parka. Toujours est-il que P. nous raconta plus tard, qu’alors qu’il était assis sur un des radiateurs, le directeur de ..la M.A...L était venu lui parler et lui se levant, et les photographies glissant, et le directeur les ramassant pour les lui donner, et le directeur les reconnaissant, et le directeur outré, etc…  P. était souvent confronté au retour d’un certain « réel ». Ainsi, un jour d’été, pour des raison trop longues à développer, nous dormions avec C., une parisienne de passage, dans la chambre de P. et nous fûmes réveillés par les hurlements des parents de P. qui venait de rentrer un jour plus tôt de vacances, étaient outrés de l’état de leur logement où ils venaient de croiser deux parisiens de passage dont l’accoutrement ne les avait pas rassurés, parents qui ne se doutaient qu’il y avait encore deux filles qui avaient dormi sagement dans la chambre de leur fils. A cette époque du moins, les adultes avaient toujours plus d’imagination sexuelle que leurs enfants. Il y avait aussi une histoire de photos auxquelles les parents de P. tenaient et que P. avait non seulement oublié de faire développer mais fait tomber dans le lac en  secouant son mouchoir à l’embarcadère où il faisait signe réellement ou référentiellement à notre sœur qui voguait vers Lausanne dans un beau bateau blanc.  P. envoya ses  parents chez le photographe chercher leurs photos qui n’y étaient pas et pendant qu’ un ange visita le photographe afin d’expliquer aux parents de P. qu’il était désolé d’avoir perdu leurs photos, nous prenions la fuite avec C. sans petit déjeuner. Puis, nous apprîmes qu’un des grand héros de P., un cinéaste reconnu avait lui aussi volé des photos de film, se faisait engueuler par ses parents et s’en sortait in extremis pas des interventions de Deus ex machina dans ses années d’apprentissage. Il nous chiffonait alors souvent de découvrir parfois souvent que ce que nous avions cru vivre réellement spontanément personnellement singulièrement était déjà écrit ou raconté quelque part parce qu’ainsi alors nous serions ainsi alors dépourvu de pouvoir le raconter nous-mêmes. Le croyions nous, ainsi, alors.
Bref, Un autre soir, ce devait être juste avant l’été, au mois de juin, le film était 1941, après le film, nous tombions sur un ancien chéri de ma sœur, celui qui quelques lignes plus haut était encore son chéri, bref, celui-ci me raconta qu’il sortait du commissariat où lui et notre chéri de l’époque avait passé beaucoup de temps. Les RG à moins que les brigades anti drogues, « des mecs en civil », les avaient suivi depuis des mois, les avaient photographiés et voulaient leur poser quelques questions sur leurs fournisseurs. Mon chéri de l’époque étant encore mineur, c’était son père qui avait été le chercher au commissariat et les vis allaient être serrées de près  pour lui les mois d’après. Puis après avoir entendu ce récit inattendu et quelques appréciations sur les talents photographiques des policiers, nous avions tourné la tête et vu la mère de R., madame J. qui était assise dans le fauteuil jouxtant le mien, prise de panique bien que ne touchant nous-même à aucune substance illicite et que madame J. ne soit notre mère, nous étions allée voir R. pour lui raconter et lui dire que nous avions peur que sa mère ait tout entendu. R. alla la voir puis revint nous dire que rien n’était à signaler. Avoir à vivre son adolescence dans la même ville que ses propres parents nous avait alors semblé une expérience émotivement complexe.
Il y avait aussi des pièces de théâtres, des concerts, une médiathèque et une bibliothèque à la M.A.L de Thonon-les-Bains. Nous avons du y voir et entendre notamment une version d’Antigone écrit par Sophocole et interprétée par des marionnettes,  Les portes du paradis conçu par Cimino mais monté par les studios, peut-être chanter Maxime le Forestier le jour de ses quarante ans et bien sûr  les Quilapayuns souffler dans leurs flûtes confiées par Pan et faire vibrer l’air des paroles livrées par Neruda.


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