Les années 70, la réforme HABY.


À la fin des années 70, lorsque je suis « rentrée » en sixième, soit la première année d'étude au collège (de Platon) après déjà cinq années d'études dans les écoles primaires sans compter les études au jardin d'enfants, lorsque je suis rentrée en sixième, la réforme HABY a commencé. Je suivais encore mes classes dans le pensionnat suisse où mon père enseignait la littérature française et la philosophie et nous devions acheter nous-mêmes nos livres. Mon père avait été intéressé par mon livre d'histoire qui était peut-être d'histoire-géographie. Il l'avait feuilleté et m'avait dit que j'allais apprendre l'histoire à la façon de l'école des annales, je n'apprendrais pas l'histoire comme celle des gens illustres et célèbres mais comme celle d'une suite de mouvements d'opinions, d'incidence des techniques, d'émergence d'idées, ou peut-être m'a t-il seulement parlé d'étude de structures, de Georges DUBY ou Fernand BRAUDEL que nous avions du voir à la télévision française, je ne me souviens plus trop. Je ne pense pas que mon père m'ait parlé ce jour-là du matérialisme historique ou du point de vue marxiste sur l'histoire, je ne rentrais qu'en sixième et j'avais deux ans d'avance, bref, j'avais neuf ans. Cette année-là, le prof d'histoire-géographie n'est jamais arrivé, ou alors n'avait pas été trouvé ou recruté, toujours est-il que c'était monsieur Philippe, un surveillant du pensionnat qui avait du suivre quelques cours d'histoire-géographie dans une université quelque part dans le monde et dans sa vie, monsieur Philippe nous faisait le cours d'histoire-géographie. Je me souviens très bien ne rien écouter du tout mais lire le livre pendant le cours. Il y avait toujours pleins d'extraits de textes pour illustrer des angles différents du thème principal du cours. Par exemple, pour le cours sur la préhistoire, il y avait un texte humoristique qui nous permettait de relativiser ce que nous apprenions et notamment les dates par la datation au carbone14 qui à l'époque devait être peut-être à dix mille ans près. Le texte racontait un chercheur de l'an peut-être 5000 qui par les datations au carbone 14 raconterait l'Europe de 1977, et c'était hyper drôle parce que le mec concluait par exemple que les égyptiens dominaient la France puisque les obélisques. Je me souviens de la prof de maths, qui nous enseignait aussi le français et qui était l'ancienne institutrice de ma sœur, je me souviens de la prof de maths qui nous avait expliqué que nous allions apprendre les mathématiques « modernes ». Nous ne comprenions pas vraiment quelle était la nuance. Si les profs pouvaient mesurer les modifications dans les enseignements, pour les élèves, à moins d'avoir redoublé, tout était, de toutes les façons, neuf. L'année suivante, pour ma cinquième, j'ai suivi ma scolarité dans une école publique à Evian-les-Bains en France et grâce à la réforme HABY, nos livres gratuits et fournis par l'établissement étaient neufs. Par contre, au Lycée (d'Aristote) à Thonon-les-Bains, à cause de la réforme HABY, nous ne trouverons pas nos livres à la bourse aux livres puisqu'il faudra les acheter neuf dans les librairies. Comme nous n'avions jamais vu le mot « HABY » écrit où que ce soit, et que nous n'étions pas au fait des processus de conception des réformes scolaires, il nous a fallu plusieurs années avant de comprendre que la réforme HABY n'était pas la réforme Habits, qu'il ne s'agissait pas du changement d'habits des enseignements mais du nom du ministre de l’Éducation Nationale de monsieur Valéry Giscard d'Estaing, président de la République Française. Je n'ai jamais eu l'idée d'aller dans les livres de ma sœur aînée voir comment lui était enseigné, par exemple, l'histoire-géographie mais je me souviens très bien me réveiller en pleine nuit dans les années 90 après une soirée où un garçon avait parlé, avec un sérieux de « constipé » comme disait notre père, où un garçon avait parlé ou peut-être écrit dans un article que j'avais lu, où un garçon avait évoqué la rigidité des enseignements scolaires en France, je me souviens me réveiller en pleine nuit pour comprendre que ce garçon plus âgé que moi avait fait ces classes avant la réforme HABY et que c'était pour cela qu'il disait cela avec une telle assurance imbécile.
Et ensuite, tout s'était plus ou moins englouti dans ma tête pendant quelques années.

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