Ma contribution au schmilblick ou Papy MEUJOT passe son master II à l'université :
Cornélius CASTORIADIS a écrit
un texte en l'an peut-être 1979 qui pourrait être une bonne base de
travail pour la préparation du congrès des personnes qui veulent
des sociétés gouvernées plutôt à gauche. Le texte s'intitule
« la pensée politique » et commence ainsi : « Voici
le point central de l'affaire : il n'y a pas eu, jusqu'ici, de
pensée politique véritable. Il y a eu, dans certaines périodes de
l'histoire, une véritable activité politique – et la pensée
implicite à cette activité. Mais la pensée politique explicite n'a
été que philosophie politique, c'est-à-dire province de la
philosophie, subordonnée à celle-ci, esclave de la métaphysique,
enchaînée aux présupposés non conscients de la philosophie et
grevée de ses ambiguïtés. Cette affirmation peut paraître
paradoxale. Elle le paraîtra moins si l'on se rappelle que par
politique j'entends l'activité lucide qui vise l'institution de la
société par la société elle-même ; qu'une telle activité
n'a de sens comme activité lucide, que dans l'horizon de la
question : « qu'est-ce que la société ? Qu'est-ce
que son institution ? En vue de quoi cette institution ? Or
les réponses à ces questions ont toujours été tacitement
empruntées à la philosophie – laquelle, à son tour, ne les a
jamais traitées qu'en en violant la spécificité à partir d'autre
chose : l'être de la société/histoire, à partir de l'être
divin, naturel ou rationnel ; l'activité créatrice et
instituante, à partir de la conformation à une norme à une norme
donnée par ailleurs.
Mais le paradoxe est réel. La
philosophie naît, en Grèce, simultanément et consubstantiellement
avec le mouvement politique explicite (démocratique). Les deux
émergent comme mises en question de l'imaginaire social institué.
Ils surgissent comme interrogations profondément conjointes par leur
objet : l'institution établie du monde et de la société et sa
relativisation par la reconnaissance de la doxa et du nomos- qui
entraine aussitôt la relativisation de cette relativisation,
autrement dit, la recherche d'une limite interne à un mouvement qui
est, en lui-même et par principe, interminable et indéterminé
(apeiron). La question : pourquoi notre tradition est-elle vraie
ou bonne ? Pourquoi le pouvoir du Grand roi est sacré ?,
non seulement ne surgit pas dans une société archaïque ou
traditionnelle, elle ne peut y surgir, elle n'y a pas de sens ?
La Grèce fait exister, crée, ex-nihilo, cette question. L'image
(représentation) socialement établie du monde n'est pas le monde.
Ce n'est pas simplement que ce qui apparaît diffère, banalement, de
ce qui est (esti) ; cela, tous les primitifs le savent – comme
ils savent aussi que les opinions ( doxai) diffèrent de la vérité
(alètheia). C'est que, dès qu'il est reconnu dans une nouvelle
profondeur – dès que cette nouvelle profondeur est, pour la
première fois, creusée -, cet écart entre apparence et être,
entre opinion et vérité devient infranchissable, renaît
perpétuellement de lui-même. Et il en est ainsi parce que nous le
faisons exister, par notre simple existence elle-même. Nous n'avons
accès par définition qu'à ce qui apparaît ; et toute
apparence nous doit quelque chose. Toute organisation de l'apparence,
ou signification conférée à celle-ci, aussi. [...] .»suite
du texte in Ce qui fait la Grèce, 1. , D'homère à Héraclite
Séminaires 1982- 1983 La création humaine II, collection la
couleur des idées aux éditions du SEUIL, page 274 et suivantes.
[nota bene : cette communication peut éventuellement s'envisager comme une note technique en direction de ceux et celles qui préparent le congrès du Parti Socialiste français.
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