Louise et les chics types en stéréo, ou le bovarysme sifflera trois fois.
Le
Paris de 1900 regorge de cabarets de flonflons et de chansons :
cabarets de Montmartre : le Ciel, l'Enfer, l'Abbaye de Thélème,
le Rat mort, bals musette de la rue de Lappe ; cafés chantants
de Ménilmontant, de Belleville. Il possède et mobilise pour
l'Exposition une équipe de chanteurs sans rivale : BRUANT
d'abord, puis les « quatre grands », MAYOL, DRANEM,
POLIN, FRAGSON, qui chantent « cousine », « les
petits pois », « ma tonkinoise », « vous êtes
si jolie »... Tout le peuple de Paris fredonne ces chansons, le
monde entier les répète. A chaque carrefour, on entend, sur les
orgues de barbarie, les refrains célèbres qui « se vendent un
sou ». après un demi-siècle, et quoique les paroiers français
aient conclu avec les poètes des alliances efficaces, l'année 1900
reste la « grande époque » de la chanson. Si elle a ses
quatre grands, le music-hall a ses trois grandes : la Belle
Otéro, Liane de Pougy, Emilienne d'Alençon, couritsanes illustres
et comblées ; leur prestige rappelle celui des « lionnes »
du second Empire et annonce ceu des « vamps » que
produira le cinématographe. Jean de TINAN se promettait d'écrire un
livre sur « Cléo de Mérode, considérée comme symbole
populaire ». Paris est fier que ces dames soient les amies des
rois, de Léopold II, d' Edouard VII, d'Alphonse XIII. Il a besoin de
ces légendes, il ne se lasse pas d'entendre arler de leurs caprices,
et de leur luxe, de savoir qu'Otéro s'est enfuie de chez le
grannd-duc Nicolas en sautant par le fenêtre, de contempler son
collier de perles qui, écrira Colette, « vaut un royaume ».
Ces dames laissaient sur les tables de casino plusieurs milliards de
francs légers. Et les grands de ce monde avaient à cœur de
subvenir à leurs dépenses illimitées. Car elles ne sont pas
seulement des objets de désir (sans doute « les déshabiller
était une vaste entreprise qu'il fallait préparer de longue main,
comme un déménagement ») mais elles sont aussi l'incarnation
du luxe parisien, la rue de la Paix faite femme, l'éclat pierreries
et des perles que déversent sur elles BOUCHERON et CARTIER. On
admire leur biographie non moins que leur beauté : Liane de
POUGY qui épousera le prince GHIKA , divorce, se remarie avec lui,
et finit dans un couvent de Lausanne, offre au public un type parfait
de ces destins hors série. »
Louise
s'était endormie à côté du livre d'images.
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