Josette ; l'espionne rousse du réel : nouvel épisode suivant le précédent,



Josette survolait les pages du magazine publicitaire « Next » machinalement, puis elle arriva sur des pages évoquant la sortie d'un film « retraçant les origines de la scène electronique française au rythme des fortunes et infortunes d'un jeune DJ de la french touch. » Devant ces pages et les textes, Josette éprouva une sorte de malaise tel celui ressenti face une réduction de tête. Dans sa mémoire, la « French touch » vient après l'émergence de la scène electronique. Qui d'ailleurs n'était pas qualifiée de scène mais de musiques techno et/ou house que l'on écoute dans des raves. Comme bien souvent et sans doute en raison de sa condition d'espionne rousse du réel, Josette n'y avait pas participé directement mais s'était trouvé à côté. Notamment lorsqu'elle avait sous-loué un été un appartement au 24 de la rue Myrrha à un étudiant en architecture dont les voisins étaient deux frères organisant des raves. Brigitte. qui à cette époque habitait également au 24, rue Myrrha de l'autre côté de la cour intérieure avait raconté à Josette avoir fait un jour le barman à l'une de leurs raves : elle servait sans arrêt des sodas ou des boissons énergétiques à des personnes aux yeux dilatées et toutes les heures, elle vidait une corbeille pleines de billets de banque dans un immense sac poubelle que les organisateurs allaient ensuite ranger dans un coffre. L'étudiant en architecture avait prévenu Josette que les voisins faisaient un peu de bruit mais qu'ils étaient rarement là. En effet, sur les deux mois d'été, Josette ne les avait entendu être dans leur appartement que deux jours « avec la musique « boum boum » à fond vingt quatre heures sur vingt quatre ». Ce qui en l'an peut-être 1995, apparaissait encore comme inhabituel.
Puis, Josette se souvient d'une fête de 31 décembre dans un appartement à République où elle avait pris pour la première fois un ecstasy qui lui avait ouvert les oreilles , elle se souvient de cette sensation de comprendre la musique, d'y nager. Elle se souvient d'un type venu danser derrière elle en la collant pour la chauffer, elle se souvient ne pas du tout être sur la même longueur d'onde, elle se souvient de ces potes homosexuels avachis dans les canapés à se foutre de sa gueule, et elle , tel Paul Claudel ou Charles Peguy à la cathédrale de Chartres ou de Rouen, elle est dans la musique, elle comprend la musique, la musique la comprend... Puis ensuite, ils sont tous sur un trottoir à République depuis lequel se voit le flanc gauche de la statue de la République. Il y a un type dont le surnom est la Palatine, son appartement a brûlé, il est graphiste, l'amant d'un des types de la bande, il porte un anorak blanc, Josette , toujours exalté, trouve qu'il ressemble à un Dieu grec, Josette le prend pour l'incarnation d’Apollon. D'ailleurs pour ce qu'en savait Josette, Apollon était , depuis,devenu camionneur et vivait avec une femme et son fils dans une sorte de communauté prenant soin de temples bouddhiques quelque part en France. Mais pour le moment, ils sont tous sur ce trottoir à République, c'est la nuit, puis Apollon en anorak blanc s'éloigne, et ils vont tous dans des taxis dans une boite à Montparnasse. Puis Dyonisos, ses frères et ses sœurs s'éloignent en char vers d'autres festivités. « Puis nous avons tous commencé la nouvelle année en enfer, lui avait fait remarqué Jérôme. » l'enfer, le nom de la boite de nuit, s'entend.
Josette se souvient avoir eu le lendemain toute la journée l'impression de mesurer deux mètres trente et éprouver cette difficulté à faire autre chose que rester allongé sur le dos bien qu'éveillée.
Puis, grosso modo, Josette se souvenait avoir fourni un DJ pour la soirée de la réunion de l'IETM à Paris à la Villette ; DJ qui avait été qualifié de « trop musique boum boum » d'après un mec du CNT ;
Puis Josette avait été sans raison de business à un colloque sur la musique techno à Poitiers où elle avait entendu Daniel Caux parler notamment de radio FG.
Puis la musique techno était partout, puis la musique techno était devenue electronique. Puis les médias parlèrent de la french touch.
« Bien sûr, ce n'est pas ainsi, que pourrait se raconter « l'émergence de la scène electronique française parmi les mondiales » puisque cette histoire est en réalité en mode virale. Il serait bien plus compliqué de nous souvenir et comprendre comment nous étions avant d'être immergés dedans. » se disait Josette, l'espionne rousse du réel.

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