J’ai réécrit un article signé Elie DURING intitulé « à contre-emploi ».
Opérateur
malin et facétieux affairé au détournement ludique des procédures
administratives ou des signes de la marchandise : telle était
peut-être la figure de l’artiste contemporain du XXe siècle. Son
schème aurait pu être celui de l’opérateur travaillant dans les
grands laboratoires de recherche, éternel second des grands savants
et qui, la nuit venue, hantant un laboratoire mental, se déployait
par lui-même mimant et singeant les activités du jour et rejouant
telle une Pénélope sans Ulysse le fil du sérieux de ce qu’il
avait du faire hors son propre chef afin de le défaire et de se
retrouver. Cependant, dans le même temps et dans un autre espace
d’activité écosocioculturelle resurgissait dans le langage usuel
une autre figure oubliée, celle de l’opérateur en
télécommunications, plus connue dans les années 40-50, sous le
vocable d’ « opératrice ». Dans les années
40-50, l’opératrice était cette personne qui assurait
manuellement les branchements nécessaires aux liaisons
téléphoniques. Cette figure a d’ailleurs pu subsister dans des
campagnes reculées de régions du monde oublié : par exemple,
dans les années 90, dans la campagne uruguayenne, des opératrices
assuraient encore manuellement le changement de sens des signaux des
télécommunications et devaient ainsi et pour ce faire écouter les
conversations des personnes désirant se parler. Ce qui
caractérisait à la fois l’opérateur oeuvrant dans les grands
laboratoires de recherche et l’opératrice dans les circuits des
télécommunications était leur rôle de tiers, leur nécessité
d’invisibilité, de neutralité, d’anonimie au sein même des
flux pour lesquels il leur était demandé d’œuvrer sans y être
nommé, et ce pour quoi peut être les oripeaux revêtus par
l’artiste signalaient leur existence de chair afin de ne pas les
gommer, afin de les éclairer, refusant avec eux leur devenir rouage
machine. Et sur le front de la connaissance (guerre contre
l’ignorance) et des télécommunications (guerre contre
l’isolement), l’artiste rappelait l’existence réelle des
soldats oeuvrant sur les lignes de front.
Cependant
à la fin du XXe siècle, paradoxalement, la figure de l’opérateur
en télécommunications a eu été réactivité dans le langage
courant afin de désigner en fait les groupes économiques qui
investissaient dans l’équipement des espaces publics d’antennes
de télécommunications pour le réseau des téléphones mobiles et
dans la publicité pour que chacun s’abonne aux dits-réseaux et ce
afin de faire de l’argent. Ainsi, le renversement de la figure de
l’opératrice, aux marges des grands flux sociaux et économiques,
bien qu’en en assurant le courant, en un opérateur, groupe
anonyme, armée d’invisibles colonisant les espaces réels de leur
antennes et les espaces de nos commerces de leur contrat bidon, afin
de « servir chacun dans la gestion de ses relations » et
que n’importe quel crétin puisse emmerder tout un peuple embarqué
par exemple dans un train en racontant sa vie privée à un
correspondant absent mais à toutes les personnes du wagon, était
aussi celui réalisé par l’appropriation des discours des pensées
de l’art et des artistes par les groupes anonymes financiers afin
d’assurer « la formidable intégration verticale de leurs
armées de salariés » faisant disparaitre des discours le
monde des classes sociales et de leurs conflits d’intérêt dans la
gestion politique de ..la Cité.. pour y chanter le monde glamour des
castes economicosociocul. Et pendant ce temps, le champ de l’art
et des arts s’appropriait le langage et les pratiques de l’économie
des marchés d’industriels, et pendant ce temps, les curators
curetaient, et les traders trad(y)aient les vaches à lait.
C’est
pourquoi peut-être le schème de l’opérateur ou de l’opératrice
ne pourrait plus fonctionner dans les jeux critiques mis en œuvre
par les arts et les artistes au début du XXIe siècle. L’artiste
au début du XXIe siècle ne peut plus se qualifier d’ opérateur
car il ne serait plus figuré au rang de second. L’artiste revêt
alors, peut-être, parmi d’autres, la panoplie du sans emploi, du
désoeuvré social qui désire participer activement aux jeux de
société alors qu’il ne lui est demandé que des rôles passif
d’exploité économique et d’abusé culturel, qui souhaite être
présent et non pas fluctuant, qui désire oeuvrer le jeu révélant
ainsi paradoxalement que personne n’y joue, les marges des mains
d’œuvres ayant y été considérablement réduite. Le
lifting ludique et fun du fascisme soft peut ainsi peut-être y être
petit à petit défait. Je rigole…
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