Merci à Marcella IACUB pour sa chronique publiée dans le Libé daté du 02 et 03 décembre 2017 qui tente de formuler un problème Hâaachement compliqué. Moi je dis « Balèze ! » [et pas « palme d'or » puisque certaines personnes contestent notre usage sans jury des dénominations des prix du cinéma d'auteur et commercial qui est aussi une industrie.]




  • Puisque tu as lu le Libé de ce week-end, est-ce que tu peux m'expliquer la phrase prononcée par une professeure d'université à Chicago « Les femmes n'obtiendront pas l'égalité salariale en continuant à subir l'affront de devoir céder la propriété de leur propre corps à des hommes de pouvoir. » ?
  • Oui, alors euh … Je ne comprends pas vraiment ce que vient fiche la problématique de « l'égalité salariale » là-dedans qui reste un problème pour moi secondaire puisque s'inscrivant dans un système économique de toutes les façons inégalitaires …. les hommes de pouvoir qui violent des femmes ne le font pas pour faire la nique à « l'égalité salariale » mais pour faire la nique à l'égalité entre les êtres humains, soit « je te viole parce que tu n'es pas un être humain comme moi et que tu dois être à mon service », c'est beaucoup plus grave qu'une simple différence de salaire.
  • Ben, justement c'est exactement le problème dont parle avec justesse la IACUB. Tant que les femmes se considèrent comme des marchandises, la société ne peut pas avancer vers l'égalité hommes-femmes. Bon, elle le dit beaucoup mieux que cela.
  • Je ne comprends pas.
  • Ce que je comprends c'est que le problème de l'inégalité des salaires est hétérogène aux inégalités entre hommes et femmes.
  • Je ne comprends toujours pas.
  • Ben, si tu veux, la répartition des rémunérations est de toutes les façons injuste, ce n'est pas comme si la seule injustice concernait la différence entre les hommes et les femmes. Par exemple, les personnes qui bossent à la télé gagnent beaucoup trop d'argent, elles ont ainsi tendance à se prendre au sérieux alors que d'un certain point de vue, elles n'apportent pas grand chose à l'humanité et produisent beaucoup trop de CO2 contrairement aux agriculteurs bio ou équivalent par exemple...
  • Moi, je ne suis pas d'accord avec la IACUB, les mecs aussi peuvent jouer à être des marchandises à acheter, c'est d'ailleurs un peu le problème de nos sociétés traversées par une crise écologique sans précédent : tout le monde parmi les chacuns et les chacunes jouent à être la marchandise à acheter et personne ne joue à la nature qui produit gratuitement tout un tas de trucs sans pesticides !
  • Dans tous les cas, moi, si j'ai envie de faire l'amour avec un homme, je ne considère pas que je lui cède la propriété de mon corps.
  • Tu proposes quoi alors ? un viager ?
  • Arrête de te fiche de moi. Je ne comprends pas cette représentation où la femme parce que pénétrée disparaitrait. Pour reprendre tes métaphores à deux balles, quand tu rentres dans une maison, celle-ci ne s'écroule pas sur toi !
  • Il peut même arriver que ce soit celui qui pénètre qui disparaisse ..
  • Mais dans tous ces cas-là, nous sommes dans des trucs faux, des arnaques de part et d'autre. Comme nous sommes gavés de représentations, on peut croire longtemps qu'on a fait l'amour alors que l'on ne l'a toujours pas fait, on peut croire qu'on avait du désir alors que précisément c'était « on » qui en avait et « on », on ne sait pas qui c'est …
  • moi, je dirais pour parodier BECKETT : « Qui baise ? Qui baise qui ? Peu importe qui baise... »
  • je ne suis pas d'accord.
  • Alors je ne sais pas si cela rejoint vos préoccupations, mais dans le même journal, il y a un type critique de cinématographe américain, Todd Mac Carthy, qui raconte qu'il a aimé le pouvoir du cinéma à explorer et éclairer la sexualité et les comportements humains mais qu'il faut pouvoir aujourd'hui considérer toutes ces oeuvres d'un autre point de vue. Or pour moi, le problème n'est pas celui-là, le problème est que cette exploration était toujours faite du point de vue du corps masculin. Les femmes ne produisaient pas de films.
  • Ouais, enfin, c'étaient bien elles qui avaient raconté des histoires aux réalisateurs ou aux producteurs quand ils étaient gamins afin de les endormir, alors l'un dans l'autre …
  • Mais, tu voulais dire quoi ? Que quoiqu'il en soit, la façon dont les femmes vivaient leurs corps et le monde a été écrasée par les représentations que les hommes en ont donné pendant près d'un siècle dans les images animées, c'est cela ?
  • Je ne sais pas. Peut-être.
  • Ben, en littérature, c'est un peu pareil, y a pas vraiment de femmes qui ont écrit des trucs à la façon de MONTAIGNE ou de ROUSSEAU. Bon, t'as bien La SEVIGNé qui parle à sa fille ...mais à part, elle …
  • En poésie, la Louise LABBé est une farce de Clément MAROT et ses potes !
  • J'ai regretté que Louise BOURGEOIS meurt au moment où elle commençait à aborder la question de la représentation de la maternité parce que bon, la gentille CAMILLE qui nous parle d'elle en fontaine de lait dans une chanson, cela ne m'intéresse pas vraiment...
  • C'est parce que t'es tordu(e)...
  • Peut-être, de toutes les façons, je me considère « out » désormais. Par exemple, dans le film « Blow up », à un moment, le photographe revient à son studio après du boulot ou je ne sais quoi et il y a deux petites starlettes qui voudraient qu'il les photographie. Bon, le mec n'a pas envie du tout de bosser et il se dit qu'il va s'amuser, il les chatouille un peu violemment mais ensuite ils rient l'un avec les autresses plutôt de bon cœur puisque le désir des starlettes était ridicule. Dire que le film Blow up véhiculerait là « une culture du viol » est un peu réducteur, le film Blow up interroge précisément « la représentation », son rapport au réel, son pouvoir et ses impuissances...
  • On en revient toujours à la même question, pourquoi la mère de la jeune fille avait amené sa fille à POLANSKI sur un plateau ?
  • Parce qu'elle croyait qu'il était un grand artiste.
  • Non, parce qu'elle croyait au pouvoir de l'art et voulait que sa fille y participe …
  • C'est dégueulasse ce que tu dis … La mère de la jeune fille était aliénée par des discours majoritaires de la société dans laquelle elle vivait et tentait d'exister tout en espérant le meilleur pour sa fille… Si je suis ton raisonnement, les parents des enfants de choeur qui se sont fait violer par des prètres pédophiles seraient alors coupables …
  • Je ne crois pas. L'Eglise catholique véhicule une parole et une promesse. La société de consommation ne promet rien.
  • Si, du confort !
  • C'est bien ce que je dis : rien !
  • Oui mais alors le cinéma ? Il véhicule quoi ?
  • Ben, justement du cinéma …
  • Mais c'est quoi « la culture du viol » ?
  • Ben, moi, en tant que femme, je dirais que la culture du viol c'est cette idée que l'on t'immisce dans la tête dès que t'es enfant selon laquelle il serait normal qu'une femme se fasse violer et donc que tu dois faire avec, c'est-à-dire avoir des comportements qui t'éviteront de te faire violer et que tu dois avoir peur de te faire violer. C'est un conditionnement social. Quand j'étais petite, dans mon souvenir, je n'ai jamais vu une fiction à la télé, où une meuf filait un coup de poing à un mec qui essayait de la violer, lui riait au nez en lui fichant un coup de pied dans les couilles, ou je ne sais quoi encore... Or c'est la peur qui excite ce genre de mecs !
  • Bon, essayons de nous poser les bonnes questions : Y a t'il une si grande différence entre le désir des hommes et le désir des femmes ?
  • Ben, ils n'ont pas le même corps et les mêmes attributs.
  • Oui, mais en disant cela, tu n'explores pas ma question, tu la clos. Or tout outil est un potentiel d'usages.
  • Bon alors, réfléchissons, reprenons cette séquence de « Blow up » dont tu nous a parlée et inversons en les genres. Je suis une femme photographe célèbre, je rentre à mon studio et deux éphèbes m'attendent à la porte désirant être photographiés par moi pour booster leur carrière. Je suis fatiguée, j'en ai rien à fiche, je ne les connais ni d'Eve ni d'Adam, je me dis que je vais m'amuser et je joue de mon autorité d'artiste reconnue pour les faire se déshabiller et me montrer leurs fesses et leurs sexes. C'est cela ?
  • Ouais, mais tu es obligée d'admettre que si les mecs font 1m 90 et 100 kg chacun, tu feras peut-être moins la maligne...
  • Bah, si je suis une femme mûre, cela pourra peut-être m'intéresser...
  • Tu es dans le cliché...
  • Oui, c'est vrai... je te l'ai dit, je suis out.
  • Moi, je dis « le type critique de cinématographe Todd HARRIS est un voyeur, il dit qu'il a aimé le pouvoir du cinéma d'explorer la sexualité humaine, il ne dit pas qu'il a aimé explorer par lui-même la sexualité, ce n'est pas du tout la même chose ... »
  • Oui, il ne faut pas oublier que Alfred HITCHKOCK était sexuellement impuissant...
  • Oh, là là là, c'est compliqué.
  • Pas vraiment en fait : la femme est un être humain au même titre que l'homme, aussi bête et intelligente que lui, aussi ignorante et savante que lui, aussi sensible et insensible que lui...
  • Oh, là, là là c'est compliqué...
  • C'est bien pour cela que j'estime pour moi qu'il est tant de prendre ma retraite.
  • Pourquoi, n'es-tu pas déjà retirée du monde et de ses affaires ?   

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