Forum « longtemps, longtemps, longtemps après que les poètes aient disparu ... »





  • Tu nous as parlé de poésie à propos de Johnny HALLIDAY, est-ce que tu pourrais développer ?
  • Bon, c'est un gros dossier, il faudrait d'abord parler de rapport au langage :les personnes qui l'ont croisé ou cotoyé disent que Johnny HALLIDAY a un rapport au langage spécifique, à savoir que bien souvent il se taisait, ce qui est le signe d'une grande sagesse quand ce silence s'accompagne d'observations, or apparemment, c'est ce que disent les uns et les autres, Johnny HALLIDAY parlait peu mais il regardait, il écoutait et il se souvenait.
  • Oui, je suis assez d'accord. Par exemple, moi ce qui me frappe à chaque fois, c'est cette anecdote où Johnny HALLIDAY a dit à un journaliste que « ce disque ou cette chanson va remettre les pendules à leurs places ». En ce qui me concerne, j'ai entendu cete anecdote plusieurs fois puis je l'ai oublié et, à chaque fois, j'ai du faire un effort pour comprendre ce qu'il y avait de drôle car « remettre les pendules à leurs places » n'est pas un acte incohérent ou inexistant dans la vie réelle et ce n'est pas non plus une expression imagée dénuée de sens.
  • Je ne comprends pas.
  • OK. Il existe une expression partagée dans le langage commun qui dit qu' « il faut remettre les pendules à l'heure ». Bon, il est fort possible que cette expression puisse tomber dans l'oubli puisque, de nos jours, ce sont les machines qui coordonnent les horloges numériques de nos ordinateurs, de nos téléphones, etc.. Bon, concernant les objets déconnectés, cela reste un opération réalisable occasionnellement. Cependant, dans un passé récent et chez les antiquaires, remettre les pendules à l'heure est une activité concrète, tu prends une clef, tu remets les aiguilles à l'heure et tu remontes la mécanique de la pendule qui s'est arrêtée car le mouvement perpétuel, graal de tous horlogers, n'a pas encore été inventé. Ceci dit, je me souviens d'un type dans un train qui m'avait montré sa montre basée sur l'energie cinétique, elle n'avait pas de pile et pas de système mécanique à remonter mais elle utilisait le mouvement que le type réalisait avec son poignet pour récupérer l'energie nécessaire à son fonctionnement et j'ai du oublié de lui demander s'il fallait quand même remonter la mécanique de la montre ou la remettre de temps à temps à l'heure.
  • Quel rapport avec Johnny HALLIDAY et la poésie ?
  • Bon, j'y arrive... tout le monde connaît l'expression « remettre les pendules à l'heure » mais tout le monde ne fait pas le lien avec le travail concret auquel fait allusion cette expression, ils n'ont pas de doute quant au langage, pas de rapport personnel au langage, ils croient l' « utiliser », ils pensent marcher sur un sol solide. Johnny HALLIDAY, c'est-à-dire Jean-Philippe SMEDT lorsqu'il parle de « remettre les pendules à leurs places » démontre qu'il a un rapport personnel au langage, c'est-à-dire qu'il se réfère non pas au langage commun comme monnaie d'échange mais ce à quoi se réfère le langage. Je devrais parler ici en langage scientifique de « signifiant », de « signifié », etc.. mais j'ai un peu oublié et n'ai jamais vraiment maitrisé cette représentation du langage.
  • Nous, non plus, ce n'est pas grave, les spécialistes traduiront dans leur jargon.
  • Bref, Jean-Philippe SMEDT c'est-à-dire Johnny HALLIDAY évoque une autre activité qui consiste à replacer les pendules à leur place. Par exemple, si tu changes la pile d'une pendule murale, tu la déplaces, et si tu ne la remets pas à sa place et bien la pendule ne sert à rien puisque personne ne la verra, donc les pendules donnent l'heure et ont une place. Ce dont Johnny HALLIDAY soit Jean-Philippe SMEDT est conscient. Tu ne poses pas une pendule dans les toilettes par exemple, enfin dans le monde postmoderne si, mais tu le feras par exemple pour des raisons esthétiques ou philosophiques pas pour des raisons pratiques comme dirait Emmanuel KANT que je n'ai toujours pas lu...
  • Donc tu veux dire que Johnny ne disait pas des âneries.
  • Il est très rare de dire des âneries. Même ceux ou celles qui ont été désignés fous disent des choses sensées. Il est juste qu'ils disent des choses un peu désaxées par rapport au socle dit commun de compréhension des choses ou, pour le dire autrement, leurs façons de parler sont déconnectées du taux de change de la monnaie du langage quant à sa traduction du réel dit commun, et personne n'a envie d'essayer de comprendre ce qu'ils ou elles disent car c'est d'une certaine façon une perte de temps et d'énergie.
  • Oui, et dans des mondes sociaux industrialisant désormais jusqu'aux relations, le langage dans sa force poétique libératoire quant aux chaines du langage commun tyrannique doit survivre tant bien que mal...
  • Ne nous éloignons pas. Je croyais pour ma part que ce qui était intéressant dans la réflexion de Johnny HALLIDAY soit un album de musique qui « remet les pendules à leur places » est aussi qu'il rappelle, l'air de rien, que les pendules sont des objets, qui donnent l'heure, soit, mais ce sont juste des objets et que « donner l'heure » n'est pas plus important que « permettre de bêcher » ou « permettre de se raser », etc..
  • Tout à fait ! Je me souviens avoir entendu à la radio un colloque où des historiens rappellaient très bien que, dans un temps passé pas si éloigné, il existait un cadran solaire dans les villages placé sur la mairie ou sur l'église, que les cloches des églises sonnaient plus ou moins toutes les heures ou juste pour marquer le matin, le midi et le soir et point barre. Les paysans, eux, se référaient directement au soleil pour leur travail. Ainsi, il était possible d'avoir des différences d'heure entre les villages puisque concrétement le soleil n'est pas au même point de sa course. C'est à cause du chemin de fer et des trains qui doivent partir et arriver à l'heure, qu'il a été alors nécessaire d'avoir des pendules à l'heure et de les coordonner à la même heure dans tous les villages, dans tous les pays...
  • Ah, « l'indicateur des chemins de fer » ! J'ai toujours été fasciné par ces espèces de bottin que transportaient les contrôleurs de train, ces sortes de bibles où sur du papier très fin étaient inscrit tous les horaires de tous les trains quasiment d'Europe. Parfois, pour des raisons diverses, il pouvait arriver qu'ils regardent dedans afin de nous renseigner sur une corrrespondance. Il est arrivé que ma mère achète des versions abrégées disponibles chez des marchands de journaux. J'étais complétement fascinée par toutes ces tables d'horaires et de destinations avec tous ces sigles cabalistiques à déchiffrer : jours ouvrables, jours fériés, vacances scolaires, etc... j'aimais voir les représentations des trains omnibus par toutes ces heures de départ inscrites en colonnes, et les trains directs qui snobent toutes ces petites villes aux noms inconnus de ceux qui n'y habitent pas et qui, dans un trait vertical, glisse rapidement d'une dite grande ville à une autre, etc...
  • Donc « remettre les pendules à leurs places » voudrait dire « remettre l'heure donnée par les pendules à sa juste place quant à la course du soleil » par exemple, c'est cela ?
  • Ou « quant à la musique » ! Dans la musique, ce qui importe c'est le tempo, pas l'heure ! Et dans les expériences de concert ou de rave qui reprennent des pratiques des sociétés traditionnelles mais avec un bar et vente de produits dérivés, tu peux pratiquer une autre relation à l'espace temps...
  • Vous voulez dire que Johnny HALLIDAY parlait de « remettre les pendules à leurs places » comme il est question de « remettre quelqu'un à sa place » quand il ou elle « pète plus haut que le trou de son Q » par exemple... Sa musique remettrait « les pendules à leurs places »...
  • Souviens-toi, dans « les temps modernes », Charlot devenu ouvrier se bat avec une pendule. Le monde moderne a été obsédé par l'emploi du temps...
  • Disons « le taylorisme »... et j'ai déjà oublié ce qu'est le « toyotisme »...
  • Donc, Johnny HALLIDAY, parce qu'il est un poète, continue à nous parler du monde tel qu'il est par delà les pendules, c'est cela ?
  • Moi, je dirais « qu'il nous parle depuis le monde tel qu'il est par delà les pendules ».
  • Il faudrait peut-être alors s'entendre sur la définition de ce qu'est un poète …
  • Disons que la poésie est un vaste pays et que, dans chaque pays, il existe différents habitants et différentes façons de l'habiter. Et que le climat peut être différent d'un point à l'autre d'un grand pays.
  • Nous voilà bien avancé !
  • Bon, alors on marque une pause et on reprend cette conversation plus tard, voire ailleurs suivant la conception de l'espace-temps de chacun ou chacune, ok ?
  • Quoi ? Qui a le hoquet ?   
un peu de musique pour la route : https://youtu.be/1cIjiBWYZp8

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