Dans les années 90,



Dans les années 90, j'étais allée avec ma boss à une réunion technique de coordination pour la venue de la grande réunion de l'IETM à Paris. Je ne voudrais pas dire d'âneries (quoique je n'en sois pas à une près) mais il me semble que la réunion se tenait au Quai d'Orsay. Nous étions dans une salle assez sombre qui devait servir habituellement de débarras, il y avait une grande table rectangulaire, nous étions entourés de dossiers entassés et peut-être de chaises empilées, nous pouvions nous même à peine bouger nos chaises. Mais il me semble bien, que depuis une fenêtre grillagée proche de la porte, se voyait la Seine... mais c'était peut être juste un bout de ciel. Il y avait là peut-être une dizaine de personnes issues de différents ministères ou directions machin et truc réunies un peu en catastrophe par le directeur de l'office national de diffusion artistique à moins que celui de l'association française d'action artistique de l'époque pour faire un point sur l'organisation essentiellement financière de la venue de la grande réunion de l'IETM à Paris. Je ne me souviens pas vraiment pourquoi j'étais là, sans doute parce que ma boss avait l'habitude de ne jamais prendre de notes et que ces réunions étaient quand même censées faire avancer des schmilblicks et qu'il s'agissait de ne pas être prisonnier du rapport officiel de réunion où des points auraient pu être omis, il se peut aussi que ma boss était déjà mon ancienne boss tout en continuant à m'employer via mon association loi 1901 et entrepreneur de spectacles pour des missions et des trucs machins et, donc là, pour la venue de la grande réunion de l'IETM à Paris. Jean DIGNE avait fait circuler une feuille pour que chacun écriva son nom et sa qualité, je me souviens ne pas écrire mon nom estimant être là en qualité de non-être là mais de gratte papier et je me souviens de Jean DIGNE me renvoyant la feuille en me demandant d'y écrire mon nom. Puis a commencé un rapide tour de table pour savoir combien chacun cracherait au bassinet : un type de la direction du théâtre a annoncé qu'il avait trouvé 100 000FF dans un tiroir, puis les uns et les autres ont donnés des chiffres qui étaient plus ou moins déjà connus. Si je me souviens bien, l'enjeu de la réunion était de faire cracher je ne sais quel service culturel du Quai d'Orsay car l'organisation de la réunion coûtait plus cher que prévu et qu'il s'agissait quand même de réunir des directeurs de théâtre européens, donc internationaux, donc relevant du champ de compétences du Quai d'Orsay. Grosso modo. En fait, ce qui coûtait cher, était qu'il avait été plus ou moins imposé par je ne sais plus qui d'organiser la réunion à la Villette qui est un lieu vide dont il faut payer l'aménagement : « vous demandez quatre chaises, et vous en avez déjà pour 10 000 FF ! ». Je me souviens avoir pensé qu'il aurait été plus adéquat d'organiser la réunion au théâtre de la Cité internationale mais la directrice réclamant plus d'argent pour son fonctionnement annuel, le sujet avait du être évité. Ou personne n'y avait pensé. Ou il s'agissait de donner un peu d'activité et d'argent à La Villette en période creuse... Tenter d'essayer de me souvenir de tout cela me donne de violents maux de tête. C'est comme retrouver un sac rempli de pelotes de laine défaite et emmêlée. A quoi bon, essayer d'y mettre de l'ordre ? Bref dans mon souvenir, si je me résume, la réunion avait pour objet de forcer je ne sais quel service culturel du quai d'Orsay à donner de l'argent à La Villette, sous le prétexte de la réunion de l' IETM. Mais il se peut que je me trompasse...
Puis, un membre du cabinet ou conseiller du ministre de la culture que j'avais déjà rencontré à Budapest quand il y dirigeait le centre culturel français a demandé quand il serait opportun pour le ministre de la Culture, qui était peut-être à l'époque encore un chirurgien (je n'arrive même plus à me souvenir qui de la droite ou la gauche était au pouvoir), Puis, un membre du cabinet ou conseiller du ministre de la culture a demandé quand il serait opportun pour le ministre de venir et avec qui il pourrait être en dialogue pour les questions de protocole. Je me souviens avoir éprouvé cette sensation de décalage total.
En effet, l’acronyme I.E.T.M signifiait (signifie) International European Theater Meeting. Un soir, dans une petite ville italienne, après avoir vu un spectacle sans doute calamiteux, cinq directeurs de théâtre de cinq villes d'Europe se sont retrouvés et ont cherché ensemble un bon restaurant pas trop cher et typique, histoire de ne pas avoir perdu complètement leur temps et leur argent. Au cours du repas, ils se sont dits qu'ils devraient mettre en commun et leurs informations sur les compagnies et leurs informations sur les bons restaurants abordables. Enfin, c'est ce que m'a raconté un des cinq. A cette époque, internet n'existe pas et la pensée en réseau n'est pas généralisée, formalisée et banalisée hors des milieux francs-maçons, jésuites, de services secrets ou de multinationales. Grosso modo. Ne prenez pas tout ce que j'écris au pied de la lettre. Sur ce, ou juste avant, le mur de BERLIN tombe et tous les milieux artistiques et culturels de l'Est de l'Europe avides d'informations et de rencontres s'engouffrent dans cette organisation informelle qui correspond tellement à leur désir de liberté retrouvée loin des cadres administratifs directifs des états dits communistes, des dites démocraties populaires, soit dans les faits des oligarchies bureaucratiques et corrompues. L'IETM organisait une grande réunion annuelle très ouverte et des réunions plus informelles avec des membres d'un bureau qui réfléchissaient au développement et de leur organisation et des arts en Europe. L'IETM avait peut-être aussi un service de publications. Et les cinq directeurs qui avaient imaginé une telle organisation informelle autour d'un bon repas et de bons vins n'y étaient, bien sûr, presque plus impliqués. Donc, au début des années 90 ou à sa mitan, l'IETM était devenu une grosse machine à laquelle s'intéressaient les agents artistiques : c'était un lieu de business, de rencontres, d'amitiés, d'amours, sans oublier, bien sûr, la baise, bref un lieu de vie, et, à ma connaissance, dans les années 2000, l'IETM était officiellement devenu un marché, une sorte de foire.
Toutefois, le principe informel des réunions et de l'organisation est dans les années 90 assez revendiqué surtout par les membres issus des ex-pays de l'Est à qui toute administration d'Etat de la culture donne encore des boutons. Or, dès lors que la grande réunion informelle se tient à Paris, par je ne sais quelle magie, l'administration française est là et gère. Et personne ne trouve cela problématique. J'ai du penser à Colbert. Je ne me souviens plus vraiment de ce qui s'est dit dans cette réunion technique. Il me semble que, peu à peu, Jean DIGNE a détendu l'atmosphère et surtout la représentante de je ne sais quel service culturel du Quai d'Orsay qui a semblé convaincu et promis une somme. Elle s'est ensuite éclipsée en emportant des documents et en s'excusant encore de la salle de réunion après avoir mentionné envoyer prochainement « une lettre-cadre ». A peu près. Puis, tout le monde a un peu blagué et s'est serré la main. Et c'est peut-être en sortant de la réunion, que j'ai alors vu la Seine.

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