Les mythologiques.
Dans les années
70, au cours d'un aprés-midi, les programmes télévisés habituels
avaient été interrompus par un flash spécial des services de
l'information télévisée. Se voyait à l'écran un tapis rouge qui
se perdait dans un fond noir et devant il y avait quelques personnes
peut-être des militaires et des messieurs en costume. Et aussi peut
être des micros. A vrai dire, je me souviens surtout du tapis rouge
qui se perd dans le fond noir. Les journalistes qui parlaient étaient
très excités puisqu'il s'agissait d'un événement historique et
mondial ; les journalistes parlaient beaucoup d'un tas de trucs
mais, à l'écran, dans mon souvenir, ne se voyait que ce tapis rouge
immobile se perdant dans le noir. Cela a été assez long, puis notre
père est arrivé dans la salle où nous étions ma sœur et moi avec
la télévision et peut-être ma sœur a expliqué à notre père
pourquoi il n'y avait pas les programmes pour enfants sur l'écran,
peut-être était-ce un mercredi. Notre père s'est assis dans son
fauteuil et, dans mon souvenir, une fois que notre père a été
assis alors l'événement a eu lieu. Alors que les journalistes se
« pissaient dessus » dans d'excessives logorrhées,
Sadate ou Begin est sorti du noir et est apparu sur le tapis rouge
alors que Begin ou Sadate allait à sa rencontre, ils se sont serrés
la main et peut-être se sont pris dans les bras. Je ne sais plus,
les journalistes hurlaient « c'est historique ! C'est
historique ! » ou peut-être « c'est fantastique !
C'est fantastique ! » ou peut-être les deux. Dans
mon souvenir, nous n'avons pas vu l'avion arriver, ni soit Sadate ou
Begin en sortir. Non, ce qui était étrange c'était ce surgissement
du noir comme dans les peintures de l'art orthodoxe ou des tableaux
de Goya. Et toujours dans mon souvenir, (mais que vaut ce souvenir?)
il y a la joie de Sadate. Je me rappelle ne pas vraiment mesurer
l'importance de l'événement, ne pas comprendre sa signification
mais je me souviens de la joie de Sadate. De son visage éclairé.
C'est sans doute la raison pour laquelle j'ai été triste quand il a
été assassiné.
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