Les années 80
Dans les années
80, je me suis retrouvée partager mon logement étudiant sur le
campus de la DOUA à Villeurbanne (cf. les épisodes précédents)
avec une quatrième année étudiant le Génie Civil et l'Urbanisme.
Ma copine Marie Hélène ayant été virée en fin de première
année, le hasard m'avait conduit auprès de Virginie dont l'ancienne
coturne avait été virée en fin de troisième année, « Ce
qui est très rare, m'avait expliqué Virginie, qui venait de Sochaux
ou Montbéliard, mangeait de la concoillote, avait un jeu de Trivial
Pursuit, économisait l'argent qu'elle gagnait le week end comme
grouillot (entendez-veilleur de nuit et concierge dans les batiments
de logement d'étudiants du campus) afin de s'acheter une 205 ou 305
Peugeot que j'imaginais forcément rouge, sortait avec un cinquième
année qui faisait son stage au pays soit Sochaux ou Montbéliard.
Donc, dans les années 80, à l'Institut National des Sciences de
Lyon qui se trouve à Villeurbanne dirigée alors par Charles
Hernu...
L'affaire du Rainbow Warrior avait
déjà eu lieu. Le pape de l'Eglise catholique apostolique et romaine
s’apprêtait à venir dans la ville jouxtant Villeurbanne soit Lyon
. Cela faisait moins d'un an que j'avais appris par mon père que
lui-même avait fait sept années d'études de théologie, était
devenu prètre, avait eu des soucis avec sa hierarchie, avait
demandé sa réduction provisoire à l'état laïc, puis après
quelques péripéties avait rencontré ma mère. L'énormité de
cette information pour une personne qui n'a pas été baptisée et
n'a jamais été au catéchisme avait sans doute motivé ma décision
d'aller voir le concert gratuit que donnait Jean-Michel Jarre à
cette occasion, soit la venue du pape. Mais il est possible que le
concert ait eu lieu l'année précédente.
… L'ancienne
coturne de ma nouvelle coturne se prénommait Edith soit comme ma
première coturne en première année d'études à l'institut
National des Sciences Appliquées de Lyon qui se trouve à
Villeurbanne alors dirigée par Charles Hernu qui n'était déjà
plus ministre de la Défense. Bref, Edith était venue passer un week
end sur le campus et logeait avec nous dans la pièce de 9 mètres
carrés. Aujourd’hui, je me dis que cette Edith, qui ne sentait
pas ses collants avant de les enfiler et ne se faisait pas appeler
téléphoniquement par sa mère tous les soirs, avait tout de la
butch. Mais, question genre, sur un campus d'études de sciences dans
les années 80 du siècle vingt, il faut convenir que certains
individus, élèves ou professeurs, se situaient bien souvent par
delà l'homme ou la femme. Ou alors en deçà. Ou alors à côté.
Ou complètement ailleurs. Très loin de tout çà. Les sciences,
fondamentalement, n'ont pas d'avis sur la sexualité. Mais nous, nous
étions plutôt conformistes et avions tendance à nous moquer de
tels personnages tout en cherchant boussole quant à nous-mêmes dans
les magazines féminins même si au xième degré. Ou peut-être pas
encore. Ou déjà moins qu'avant.
Donc, je me
souviens être avec Virginie et Edith au réfectoire du campus. Nous
nous étions assises auprès d'une fille blonde qui finissait son
repas et qu'elles semblaient connaître. Elles échangeaient des
politesses et des propos convenues sur l'état des unes et des
autres lorsque je compris que la fille faisait ses études
d'ingénieur en section dite « Biochimie ». Je commençais
alors à l'interroger puisqu'en deuxième année d'études et devant
ainsi me soucier de la filière dans laquelle je poursuivrais mes
études. Mais bon c'était le début de l'année et je surjouais sans
doute mon rôle. La fille me dit que c'était très bien, vraiment
très bien, qu'il y avait beaucoup de débouchés dans l'industrie
cosmétique, elle avait l'air gênée et je la pensais timide. Puis,
ayant terminée son repas, elle partit avec son plateau à déposer
dans les chariots. Virginie m'expliqua alors que les Biochimies sont
comme une secte et qu'ils restent toujours entre eux. Edith sortit de
son point de vue d'indifférence total et généralisé sur le monde,
s'échauffa et tint des propos tranchés : plus qu'une secte,
les biochimies étaient des nazis et faisaient des expériences sur
les animaux.
La même année,
JF, qui n'avait pas encore passé l'été suivant à lire les frères
Kamazarov dans l'appartement de F et son frère, comme le dit la
légende, donc JF m'avait montré les photos de son projet
audiovisuel de deuxième année d'étude à l'institut National des
Sciences Appliquées de Lyon qui se trouve à Villeurbanne dirigée
alors... Sur une photo, se voyaient des singes avec une partie du
crâne ouverte et des electrodes dedans. Dans mon souvenir, JF m'a
alors raconté l'histoire des militants de Greenpeace venus libérer
les singes dans les labos des biochimies, ce qui avait été une
catastrophe pour les étudiants et les singes. Il est cependant
possible que l'histoire se soit passée par la suite ou que ce soit
quelqu'un d'autre qui me l'ait raconté. Et dans mon souvenir, le
film « l'armée des douze singes » n'avait pas encore été
projeté sur les écrans de cinématographe.
Au cours de
l'année, quand je passais à côté des bâtiments de Biochimie, par
delà les bruits dans les tuyaux de ventilation, il me semblait
parfois entendre un silence opaque, « feutré » comme
aurait dit mon père. Et 'il aurait suffit de trouver où , dans tout
ce « feutre », donner un coup de canif, pour entendre
alors des cris, des hurlements. Des plaintes.
Je ne saurais dire
quelle fût la part de cela dans ma décision de quitter l'INSA en
fin d'année.
Je crois
qu'aucune .
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