Papy MEUJOT range son atelier.
Papy
MEUJOT rangeait des bouts de bois qu'il avait coutume de ramasser sur
la plage afin de les assembler par la suite en de magnifiques
tableaux d'art naïf. Auparavant, il les traitait avec le même
produit chimique qu'il utilisait pour protéger les volets de bois de
sa maison et les poutres du grenier, dernièrement il s'était risqué
à un traitement écologique et naturel dont Josette, la fille de son
ami Victor, lui avait donné la recette. Recette était toutefois un
bien grand mot puisqu'il s'agissait simplement de mélanger de
l'huile de lin avec environ 10% d'essence de térébenthine. Ce
produit était « du tonnerre » comme aurait dit
son ami Victor, le père de Josette, par ailleurs espionne rousse du
réel, mais il était long à sécher et demandait plusieurs couches
d'application : du « slow bricolo », en quelque
sorte. Josette lui avait apporté un stock de sept litres d'huile de
lin qu'elle avait acheté hystériquement lors d'une promotion à
-90% à 0,40 euros le litre. « J'aurais pu en acheter
plus, disait Josette, mais j'éprouvais bizarrement de la
honte. » Puis Papy MEUJOT et Josette avait discuté de la
possibilité de l'existence d'une date limite d'usage pour l'huile de
lin et avaient clos leur conversation sur l'idée qu'au bout d'une
dizaine d'année, le produit doit être moins efficace mais qu'à ce
prix là, soit 0,40 euros le litre, il y a de la marge pour en
appliquer plus. « Tu te rends compte, répétait
Josette, des soldes à -90 % ! Je deviens complétement
hystérique dans ces cas-là ! » Papy MEUJOT s'était
demandé quelques secondes s'il serait possible d'aller plus loin et
il avait envisagé le moment où les produits n'ayant plus de valeur
comptable deviendraient gratuits afin que les clients les enlèvent
du magasin sans que le magasin n'ait à payer quelques heures de
travail à des précaires pour les ranger dans les stocks.
Papy
MEUJOT toussa. Avec tous ces litres d'huile de lin, il avait pu
traiter un gros stock de bout de bois de différentes formes et
textures qu'il avait amassé au fil des années dans son atelier.
« Je me demande bien pourquoi j'essayais de suivre un master
II à l'université , ou un MOOC cuisine alors que j'ai tout un
travail plastique en attente à réaliser ! » se
demanda Papy MEUJOT. Se demanda formellement, puisqu'il savait bien
que tout cela n'était pas aussi simple. Papy MEUJOT fût alors
attiré par le titre d'un article imprimé sur les vieux journaux
qu'il avait utilisé pour disposer les bouts de bois à enduire
d'huile de lin : « SARKOZY sur TF1 : passe-plats
et vieilles recettes ». L'article
datait du vendredi 11 février 2011 et il résonna dans l'esprit de
Papy MEUJOT avec le récent exercice télévisuel de l'actuel
président de la République Française, monsieur François HOLLANDE,
sur la chaine de télévision France 2. L'article était signé par
un monsieur Nicolas CORI : « Nicolas SARKOZY et
les vraies gens de TF1, deuxième édition. Après un premier opus
qui avait réuni 8,6 millions de téléspectateurs, il y a un an, la
chaîne privée offrait hier soir une seconde version de « Paroles
de Français », une émission animée par Jean-Pierre PERNAUT
avec neuf Français. Un exercice destiné, dixit l'Elysée, à
permettre au Président d'expliquer sa politique, de montrer qu'il
est à l'écoute des citoyens et peut les rassembler. Mais
contrairement à l'année dernière où le casting avait privilégié
des caractères, cette fois-ci, les Français invités sont sans
saveur, permettant à SARKOZY de monopoliser la parole. Dès le début
de l'émission, on se rend compte que TF1 a fait bien les choses.
PERNAUT aborde le thème de prédilection de SARKOZY, la sécurité.
En vedette, une pharmacienne de Nice de 62 ans, Fatiha DJEGAOUD, qui
s'est fait cambrioler quatre fois en quelques mois. Elle permet au
chef de l'Etat, une fois s'être inquiété de savoir si les
coupables avaient été arrêtés, de se lancer dans un tirade
interminable sur ses réussites, et ses échecs, en matière de
délinquance. L'ancien ministre de l'intérieur, « responsable
de la sécurité des Français grosso modo depuis 2002 », se
glorifie d'avoir fait baisser « la délinquance générale »
de 17%, mais reconnaît deux points « qu'on n'a pas réussi » :
la délinquance des mineurs et celle des récidivistes. Et de mettre
en avant « l'hyper violence » de certains, ou le cas des
« gamins de 17 ans » qui ont l'air de majeurs. Sa
solution ? « Il faut que nous changions la législation »
sur les tribunaux pour enfants, assure le Président, tout en restant
assez flou sur ses intentions. Il se contente de promettre
d' « apporter avant l'été une réponse à la
délinquance des mineurs. » Quant aux multi-récidivistes... »
La suite de l'article était imprimée sur une autre page et Papy
MEUJOT ne la chercha pas parmi les autres feuilles posées au sol. Il en avait assez lu comme cela.
« On
a complétement oublié à quel point cette période était
affreuse ! » dira Papy MEUJOT à Josette quelques
heures plus tard. « Non, lui dira Josette, le monde
était plus ou moins le même, les discours des personnes en place
diffusés majoritairement dans les médias étaient insupportables,
mais à l 'époque, il y avait de l'espoir ! Et « l'espoir
d'un changement », cela fonctionne comme un point de fuite dans
un tableau, cela permet la perspective, cela donne une image au réel
proche de notre vision. A notre époque, tout est devenu plat et
chaotique, le réel ressemble plus à ce qui se passe dans la matière
en infiniment petit ou ce qui s'est passé juste après le big bang :
c'est à la fois incroyablement dense et vide, plat et
multidimensionnel ! Bref, c'est le bordel dans les faits et dans
les têtes ! » Papy MEUJOT trouvait inquiétant qu'une
espionne rousse du réel parle de la sorte. Mais il la soupçonnait
d'être biaisé par des sentiments affectifs qui la dépassaient
complétement.
Le
soir, en tentant de poursuivre le rangement de son atelier, Papy
MEUJOT trouva une autre page du journal Libération de ce vendredi 11
février 2011 : « Coup de com réussi pour DSK :
Objectif de communication réussi pour Dominique STRAUSS-KHAN. La
petite phrase d'Anne SINCLAIR, souhaitant hier que son époux ne
brigue pas un second mandat à la tête du FMI et accréditant ainsi
l'idée d'une candidature DSK en 2012, a suscité une salve de
réactions contradictoires. François BAYROU, le président du MODEM,
a dénoncé un « type de pipolisation [..] qui est le comble de
l'artificiel ». Avant de vanter la capacité de DSK « à
gouverner les choses au lieu de les laisser aller ». De son
côté, le ministre des Affaires Européennes, Laurent WAUQUIEZ,
trouvait « incroyablement old school de demander à sa femme de
s'exprimer sur sa propre carrière ». « J'ai compris que
DSK se rasait le matin, par la voix de sa femme », a ironisé
François BAROIN, le porte-parole du gouvernement, tout en
reconnaissant que « l'évolution de la perspective de la
candidature » de DSK « n'est pas indifférente au
gouvernement ». De quoi faire de cette déclaration par
procuration conjugale un tournant « il faut entretenir la
braise, cette fois, on a jeté un fagot », notait hier un
député proche de DSK ». Papy MEUJOT ne put s'empêcher
d'éclater de rire. « HAHAHAHA, « entretenir la
braise » ! HAHAHA, et après tout a pris feu !
HAHAHA, c'était vraiment un monde avec de tous autres points de
fuite, pour parler selon Josette ! »
Puis
Papy MEUJOT médita sérieusement le concept de « Futur
antérieur» avant d'aborder celui du « Futur postérieur ».
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