Georges, maurice, Lucy et les autres.
Georges
feuilletait des livres dans un dépôt-vente.
Cela faisait
plusieurs jours qu'il n'avait de nouvelles de Josette. « Quelle
drôle d' idée d'avoir voulu vivre au bord de la mer une idylle avec
une espionne rousse du réel ! » s'était dit
Georges. En effet, c'est en ouvrant le dictionnaire par hasard sur le
mot « idylle » que Georges avait compris sa méprise :
« (XIXe ) Petite aventure amoureuse naïve et tendre,
généralement chaste. », « Ce n'est pas du tout ce
que je veux vivre, s'était dit Georges. »
Georges aimait
bien acheter ses livres chez les bouquinistes des marchés et dans
les dépot-ventes : outre les prix bas, il était aussi possible
de trouver des livres que plus personne n'aurait idée de lire.
Ainsi, Georges lisait :
« Le
monde de la violence.
La dureté du monde moderne, la
vitesse croissante avec laquelles les techniques s'y rénovent et les
hommes se mulitplient, l'angoisse que développent la concurrence de
l'Est et de l'Ouest et l'accumulation terrifiante des armes atomiques
ont déchainé une nouvelle vague de violence. On s'est accoutumé
aux combats sans espoir, et même sans raison. On ne s'étonne même
plus d'incarcérations dont la moindre eût provoqué naguère le
scandale et la révolte. La jeunesse reconnaît une de ses images
dans les parachutistes, et une de ses caricatures, à peine chargée,
dans les blousons noirs. Alors que, avant 1914, c'était un lieu
commun de craindre que la civilisation diminue la violence jusqu'à
détruire les instincts élémentaires de l'homme, la violence
aujourd'hui semble plutôt un mode, voire une condition nécessaire
de la civilisation, qui exige toujours plus d'audace de ses
cosmonautes.
Et comme, en
histoire, il n'est pas de courant qui ne détermine un courant
induit, de sens opposé, au progrès de la violence répond, en
France et hors de France, une prédication de la non-violence. Aux
conflits sanglants des races répond une répudiation du racisme ;
au progrès de l'armement, une haine croissante de la guerre. Il est
possible que les deux grands partis qui diviseront le plus, demain,
chacun des grands peuples occidentaux – et même orientaux –
soient celui des violents et celui des non-violents ; les uns
voyant dans la violence une accoucheuse, les autres une avorteuse des
sociétés en travail. Qu'elle puisse les détruire, personne
aujourd'hui n'en doute ; mais, depuis la fin des guerres de
Religion, l'Europe l'avait oublié, et même la guerre mondiale de
1914 n'avait pas ralenti sensiblement l'essor démographique des
peuples qu'elle avait éprouvés. Comme on avait, en 1916,
« découvert que le feu tue », on découvre aujourd'hui
que la violence, elle aussi, peut tuer. Elle est sans doute accrue
par la vertigineuse montée démographique de l'humanité. La France
elle-même, qui souffrait de se sentir un pays de vieillards et de
fils uniques, est devenue un pays de jeunes et de familles
nombreuses. Mais le prix de la vie individuelle, malgré les appels
au bonheur que propage la culture de masse, a subi une baisse assez
consternante quand on se réfère à l'humanisme qui semble être
mort avec BRIAND. »
Le texte était
illustré de photographiess de jeunes parachutistes défilant,
mitraillettes à la main, de jeunes garçons fumant des cigarettes ou
de garçons et filles assis face à des policiers. Ce texte signé
par Emmanuel BERL concluait un ouvrage retraçant cent ans d'histoire
de France publié en 1962 par les éditions ARTHAUD.
« Pourquoi
ai-je l'impression de connaître ce livre ? », se
demanda Georges. Il se mit alors en quête d'en connaître le prix.
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