J'ai été
très étonnée en regardant l'interview d'un rescapé du BATACLAN à
la télévision française,
T'as regardé
ou t'as écouté ?
Ben, la télé
se regarde et s'écoute, non ?
Oui, et c'est
beaucoup trop absorbant... Donc, euh, qu'est-ce qui t'as étonné
alors que tu regardais et que tu écoutais l'interview d'un mec qui
était allé voir un concert de rock le 13 novembre 2015 et qui
s'est retrouvé dans une tuerie perpétrée par des dingues affiliés
à DAECH ?
Ben,
justement, le mec ne s'en remet pas, il disait des trucs bizarres :
« ...on ne peut s'en sortir que tout seul, ce n'est pas
facile … »
L'imprimeur
de DAMARTIN qui avait été l'otage des frères KOUACHI disait un
peu la même chose, non ? Je me souviens l'entendre dire que
les personnes ont de la peine à comprendre pourquoi il est
difficile de reprendre la vie comme avant …
Et à ton
avis, pourquoi ce serait difficile ?
Ben, je ne
sais pas trop, ce que je sais c'est que lorsque tu sors de HP alors
que t'avais cru y passer le reste de ta vie, les gens de dehors te
paraissent beaucoup plus dingues que les dingues officiellement
enfermés en HP. Donc, par analogie, quand tu survis à un
attentat... euh... les gens te paraissent beaucoup plus mort que les
morts... euh... voyons, cela ne doit pas être cela...
Je ne suis
pas sûre que les raisonnements par analogie soient d'une pertinence
absolue au XXIe siècle...
Moi, dans les
différents discours des personnes qui étaient au BATACLAN ce soir
du 13 novembre 2015 et que j'ai pu entendre, ce qui m'a le plus
étonnée, c'était l'idée que lorsque les rafales de mitraillette
ont commencé, ils ont d'abord cru à une animation ! Genre « le
groupe de rock chante « kiss me the devil » et il y a
une petite animation de simulation d'attaque à la kalachnikov qui
est prévue » ! Dans quel monde vivent ces personnes pour être
capable de penser un truc pareil ?
Ben,
justement : dans un monde de simulations... et ce doit être le
choc de l'irruption du réel dans leur vie qui les a traumatisé.
Oh, attends !
tu remoues moultes clichés à la louche là.... « L'irruption
du réel »... comme tu y vas... « L'irruption
d'un réel », peut-être...
« Simulacres
et simulations » c'est un bien un bouquin écrit par
BAUDRILLARD et cité dans le film MATRIX des frères
KONLACHVSKYMACHINTRUC, non ?
Je ne sais
pas, je ne l'ai pas lu.
Dans
l'interview d'un rescapé du BATACLAN que j'ai vu sur France 2,
interview réalisée par nicolas poincaré, tu comprenais à demi
mot que le rescapé, genre ado en prolongation, avec un boulot à la
cool, genre graphiste, des potes sur facebook avec qui il discute du
sens de la vie, blabla, s'est soudain retrouvé face à un mec qui
était déjà mort plusieurs fois et qui a grandi dans le néant. Le
rescapé a dit que le terroriste était très calme et déterminé,
qu'il parlait sur un ton style « range ta chambre et fais
ce que je dis». Le mec ne se remet pas parce qu'il a vu une autre
version de lui-même, ce n'est pas un étranger qu'il a vu, c'est un
mec comme lui.
Les
terroristes de je ne sais plus où disaient cela, je ne sais
exactement mais il reprenait une rhétorique ésotérique classique
genre « il est en toi », « l'islamiste
de DAECH est en toi, il va se réveiller et tu vas nous rejoindre »,
blabla.
C'est un peu
comme la force dans STAR WARS. J'ai vu la bande annonce au
cinoche et la bande annonce, en version française, se termine par
la phrase « laisse-toi envahir par elle ». ...
Par qui ?
Ne sont-ce
pas des trucs de Q déguisés, tout cela ?
Tiens, tu te
réveilles ?
Je ne suis
pas d'accord avec vous, évoquer un ton « range dans ta
chambre et fais ce que je dis » renvoie plus à une image
paternelle qu'à une image de soi-même.
Une image de
quoi ? Une image d'autorité, tu veux dire ?
Moi, je vous
le dis, ce sont des trucs de Q ! Le mec, il se sent mal parce
que, tout à coup, il a compris que toute sa vie, c'était du flan,
et il aura beau parler avec bidule et truc, il y a eu une porte qui
s'est ouverte et il a vu un truc qui fait qu'il n'arrive plus à
croire à sa vie d'avant, que lorsque bidule et truc lui parlent, il
voit qu'elles ou ils ne sont que des ombres d'eux-mêmes...
Tu projettes
ou tu n'en sais rien. Mais ce que tu dis est intéressant même si
cela ne concerne pas le rescapé en question. Dans la version de
Blanche-Neige réécrite par Robert WALSER, le prince charmant,
à un moment donné, voit la méchante Reine faire l'amour
sauvagement avec peut-être un chasseur et cela lui fait envie,
c'est cela qu'il dit vouloir...
Je crois que
vous ne dîtes que des âneries. Voilà ce que je crois.
Moi, je
comprends qu'il soit possible d'être traumatisé quand tu fredonnes
comme un crétin « kiss me the devil » et que,
soudain, c'est l'enfer sur terre... non ? Vous ne trouvez pas
que cela puisse être traumatisant ?
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