Dis, tu avais
 promis de nous raconter comment tu avais vécu les attentats du mois
 de janvier 2015...
 
C'est vrai,
 c'est peut-être un peu tôt mais il doit être bien de le faire
 avant que l'année ne se termine...
 
Raconte-nous !
 
C'était
 pendant la période des fêtes de Noël et de fin de l'année 2014.
 J'avais reçu une information de la plate-forme Dailymotion au sujet
 d'un concours organisé par un fabriquant d'appareils photos. Les
 prix étaient du matériel high tech et sophistiqué. Bien que
 n'ayant qu'une chance sur 10 000  de gagner, je m'étais dit que
 j'allais envoyer une vidéo car, comme dit le proverbe, celui qui
 n'essaie pas ne court pas vite,
 
Celui qui
 n'essaie pas ne se trompe qu'une seule fois !
 
Oui, voilà
 c'est cela. Pour participer au concours, il fallait envoyer une
 vidéo de 140 secondes sur le thème « je suis ___ ».
 
C'est-à-dire ?
 Je ne comprends pas. 
 
 
Je me
 souviens avoir regardé des vidéos qui avaient déjà été postées
 sur le site du concours. Par exemple, tu avais « je suis un
 coup de fil » ou « je suis une lumière dans la nuit »,
 etc..
 
C'est naze !
 
C'est aussi
 mon avis mais celui qui n'essaie pas n'aura pas la possibilité de
 gagner du matériel photographique sophistiqué !  A l'époque,
 je travaillais beaucoup sur l'idée ou le concept ou le schmilblick
 de « cut-up sonore ». Je constituais une banque de
 données de phrases récupérées dans des podcasts, principalement
 d'émissions de radio, puis je les lisais en mode aléatoire, et
 quand, à l'écoute, cela prenait plus ou moins forme et/ou sens,
 quand cela « congruait », je laissais tourner encore un
 peu puis je remontais toute la liste pour noter toutes les
 références des phrases pour ensuite les monter dans un collage.
 J'ai mis plusieurs mois à trouver cette procédure et elle n'est
 pas encore très au point, dernièrement, mon lecteur ne gardait
 plus en mémoire que trois phrases antérieures et je ne pouvais pas
 reconstruire les séquences. Bon, ensuite lorsqueje fais le montage,
 il arrive que je ne retrouve pas la phrase ou que je me trompe ou
 que je colle ensuite la suivante dans la liste pour que cela sonne
 bien, etc... Je fais du cut-up à ma sauce, ce n'est pas une
 procédure juridique mais bien sûr, l'idée est de parvenir à
 « travailler avec le hasard », c'est difficile.
 
C'est
 chouette, c'est une sorte du Yin Qing …
 
Exactement.
 Bref, je fais un cut-up que j'ai du couper ensuite un peu pour qu'il
 cadre avec plus ou moins cent quarante secondes, je suis allée me
 promener et là, j'ai trouvé le titre « je suis du langage ».
 Peut-être, d'ailleurs, avais-je trouvé le titre avant de faire le
 montage... Bref, je suis hyper contente de ce titre que je trouve
 génial, dans la foulée, je trouve quelles images placer et je
 monte la vidéo. Ensuite, je crois que lorsque je veux poster la
 vidéo pour le concours, je comprends qu'il y a un souci technique
 quant au format demandé, je place alors la vidéo sur mon compte
 dailymotion, puis les jours suivants, je trouve comment régler ce
 problème technique de format et adresse ma vidéo au concours.
 Pendant ces quelques jours, peut-être deux, je suis persuadée que
 je vais gagner le concours ou du moins avoir un prix et je me
 réjouis d'avoir accès ainsi à un meilleur matériel photo et
 vidéo.  
 
 
Donc, en
 fait, t'es pas blasée, t'y crois !
 
Pourquoi
 dis-tu cela ? 
 
 
Pour rien,
 continue...
 
Trés
 rapidement, je reçois un mail qui douche mes espoirs de gagner un
 bon appareil photo. Le mail m'explique que ma vidéo « je suis
 du langage » n'a pas été retenue parce qu'elle n'exprime pas
 un « choix ». « du langage » n'exprime pas
 un choix. Je renonce à argumenter que précisément choisir quelque
 chose qui vous a été imposé est un choix bien plus intéressant,
 blabla, préjugeant que la minette qui m'a envoyé le mail doit
 chausser des talons de douze centimètres, s'inscrire dans des
 énergies libidinales de surface et ne pas être dans une recherche
 intellectuelle « profonde » qui, de toutes les façons,
 est aussi un leurre. Le mail m'indique que j'ai toutefois jusqu'au
 quinze janvier pour leur faire parvenir une autre vidéo. Je me
 souviens m'être dit qu' « ils pouvaient se la mettre
 dans le Q ma prochaine  vidéo ! ». Bref, je clos le
 dossier. Et puis, c'est le 7 janvier 2015, le premier jour des
 soldes et je tiens à trouver un ordinateur portable digne de ce nom
 puisque le mien n'a plus qu'une moitié d'écran valide et beaucoup
 de touches de clavier arrachées et surtout c'est un tank, il pèse
 lourd  dans mon sac et je me connecte au wifi du mac do près de
 chez moi c'est-à-dire à six kilomètres. Donc, le premier jour des
 soldes, le 07 janvier 2015, je vais faire un tour à l'Intermarché
 et là, il y a des ordinateurs hp 4Go de mémoire vive, 1To de
 mémoire de stockage, avec un processeur de 1,90Hz configuration
 intel i3core soldé à 240 euros. C'est génial, je les ai mais sur
 mon compte car je n'ai, bien sûr, pas de cartes de crédit. Je vais
 à la banque puis je reviens à Intermarché, je fais tout le chemin
 à pied évidemment, etc, blabla.. Je rentre chez moi en milieu
 d'aprés-midi, je suis hystérique, je mets mon nouvel ordi en
 marche, blabla, juste avant 18heures j'allume la radio, europe 1, et
  je comprends qu'il y a une édition spéciale, qu'il y a eu un
 attentat à Charlie-Hebdo. Quand j'entends que Cabu et Wolinsky sont
 morts, je me souviens que quelqu'un en moi a dit « Fucking
 Hell ! » puis de la montée d' une ambiance « caserne
 en mobilisation » dans ma tête ou peut-être dans tout mon
 corps. « C'est la guerre, il va falloir jouer serré ! »
 est une phrase qui m'est peut-être parvenue. Bon, je vous passe les
 détails et les montagnes de coïncidences et de trucs bizarres ;
  par exemple, je me souviens que lorsque toutes les polices
 cherchaient les frères KOUACHI, quelqu'un avait dit à la radio que
 les polices avaient du matériel pour voir dans la nuit alors que
 les KOUACHI, non, et le lendemain, à la recherche de cables pour
 mon nouvel ordi, j'étais allée à pied à Saint-Malo et, au ALDI
 où je cherchais de la limonade à 0,30 euros pour me désaltérer
 et reprendre un peu de sucre, j'étais tombée sur des jumelles
 « pour voir la nuit » qui coûtaient peut-être quarante
 euros en solde. Puis, quand j'étais allée au Conforama, chercher
 mes cables, tout le monde regardait les infos sur les écrans des
 télés en vente et j'avais plus ou moins plus ou moins compris que
 les frères Kouachi s'étaient retranchés dans une imprimerie. Et
 sur le chemin du retour, alors que j'écoutais sur mon téléphone
 portable les éditions spéciales de la radio europe 1 racontant et
 la prise d'otages de l'hyper Cacher et le siège de l'imprimerie, 
 j'ai réalisé que la vieille bâtisse délabrée devant laquelle je
 passe très souvent est une ancienne imprimerie, je n'avais
 auparavant jamais vu les incriptions « sérigraphie »,
 « cartonnage », « glacage ».. Etc... Bref,
 le lendemain, il y avait des feuilles imprimées « je suis
 charlie » affichées partout dans les boutiques, dans les
 voitures et  une petite voix m'a dit « vas-y, filme, tu le
 tiens ton film de 140 secondes ! » et là, j'ai
 freiné à fond et me suis dit :  « Ce n'est pas une
 voix à suivre, ce n'est pas une voie à suivre, c'est beaucoup trop
 gros, c'est beaucoup trop gros comme ficelle ! ». 
 
 
Pourquoi ?
  
 
J'ai déjà
 fait un séjour de trois semaines dans un hôpital psychiatrique et
 même si l'expérience est intéressante, je ne souhaite pas la
 renouveler. 
 
Bref, ensuite,
 c'est le 11 janvier 2015, les grandes manifs dans toute la France,
 l'Europe et le monde, j'écoute les compte-rendus et les échos à
 la radio, sur Europe 1. Ensuite, j'ai mis dix kilos de papier
 journal sur tout cela. Pour bien boucher le trou. Et j avoue ne pas
 trop regarder la vidéo
 « je suis du langage » parce
 que, malgré tout, cela me fait drôle. 
 
 
 
Cela est
 drôle. 
 
 
Oui, c'est
 cela, cela est drôle.
 
Et les
 attentats  du 13 novembre 2015 , comment les as-tu vécu?
 
Je ne suis
 pas sûre de pouvoir le raconter un jour. Ou de le vouloir.
 
Hahahahaha !
 
Commentaires
Enregistrer un commentaire