Les années 70 : Agnès B.
Agnès B. était dans ma
classe en huitième(CM1), septième(CM2), et sixième. Elle venait de
Côte d'Ivoire, elle était copine avec la fille du directeur de
l'école avec laquelle elle avait suivi les classes antérieures dans
un autre home pour enfants dans le village. Nous sommes dans les
années 70 et il y a encore beaucoup de pensionnats et homes pour
enfants dans le village soit Villars sur Ollon (cf. des épisodes
précédents), la restructuration se fera comme dans beaucoup de
secteurs de l'économie des pays du continent européen dans les
années 80. Agnès B. n 'était pas, comme les autres personnes
africaines de la classe ou de l'école, pensionnaire mais dormait
dans un home pour enfants tenu par peut-être un ami de son père,
mais ce n'était pas gratuit, avait un jour précisé Agnès,
si je me souviens bien (si ma mémoire ne m'abuse). J'ai un jour
raccompagné Agnès à son home. C'est un souvenir que je ne
comprends pas puisque je suis quand même petite, je dois avoir neuf
ans à tout casser, le home où logeait Agnès B. était assez
excentré, mais je me souviens très bien, monter sans cesse une
route qui n'en finit pas, alors qu'Agnès B. me parle. Agnès est
grande, elle a les cheveux crépus qu'elle porte ras et elle est,
dans mes souvenirs, toujours habillée d'un même pantalon de velours
côtelé bleu presqu'électrique, d'un pull quasi du même bleu,
d'une chemise peut-être à carreaux, avec des chaussures basses de
marche ou peut-être des clark's ou des baskets. Dans mon souvenir,
je ne sais plus quelle question j'ai posée mais Agnès B. m'explique
que son père n'est pas comme les parents des autres africains de la
classe ou de l'école. Je crois qu'à l'époque je ne comprends pas
que cela signifie que son père dispose de moins d'argent.
Aujourd'hui, je pense comprendre que son père était peut-être un
opposant politique ou peut-être un juste pas corrompu. Mais il n'est
pas évident de comprendre tout cela à l'âge de neuf ans. Je ne me
souviens pas d'Agnès parlant de sa mère, peut-être était-elle
morte. Peut-être suis-je ensuite allée dans le home, j'ai
l'impression de voir la chambre d'Agnès voire peut-être de déjeuner
avec elle et rencontrer l'ami de son père mais il me semble que ce
sont des faux souvenirs ou des rêves postérieurs.
Par contre, je
vois bien Agnès à mes côtés alors que nous gravissons cette
p'tain de côte, tel Pétrarque et son frère sur les flancs du
Ventoux, et Agnès dans son costume bleu avec un ciel bleu et des
montagnes en arrière plan me parlant de l'Afrique. Ou peut-être
juste de la Côte d'Ivoire, ou peut-être d'Abidjan. Ou alors
nous parlons du cours de géographie au cours duquel nous avons
étudié l'Afrique. Ou nous parlons des autres élèves de la classe.
Mais peut-être de la difficulté à grimper cette côte à
pied.
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