Papy MEUJOT passe son master II à l'Université, nouvel épisode.
Papy
MEUJOT se détendait à la campagne. Tant de questions assaillait son
simple esprit (son esprit dans sa simplicité) : Etait-il bien
sérieux de passer un master II à l'âge de 130 ans ? Que
pouvait-il attendre d'un diplôme universitaire visant à la
professionnalisation et l'insertion dans le monde du travail ?
Pourrait-il démarrer une nouvelle carrière professionnelle à
l'âge de 130 ans ? Il ne parvenait plus à se souvenir comment il
s'était embarqué dans cette histoire, peut-être avait -il juste
désiréparfaire ses connaissances et une stagiaire-vacataire de
l'éducation nationale l'avait mal orienté puis quelqu'un
d'une autre administration lui avait collé une bourse d'argent
public afin d'augmenter les statistiques de fonds employé à l'aide
à la réinsertion professionnelle des seniors ? Papy MEUJOT avait
besoin de prendre un peu de distance et de respirer. C'était, de
toutes les façons, le mois de décembre, bientôt les fêtes de
noël, tout le monde avait commencé « à lever le pied ».
Papy MEUJOT, qui n'avait pas le permis de conduire, avait mis
plusieurs années à comprendre que l'expression « lever le
pied » ne faisait pas référence au chien qui lève la patte
pour uriner ou à la danseuse des folies Bergères qui lève le pied
et tourne du mollet en soulevant ses jupes pour faire baver mais
correspond au conducteur de véhicule motorisé qui appuie sur la
pédale situé au sol des véhicules pour accélérer et lève le
pied pour décélérer. « Ouais, enfin, faut quand même
qu'il appuie avec l'autre pied pour freiner !, avait dit
papy MEUJOT qui n'aimait guère que les expressions imagées se
réfèrent à l'imaginaire technique.
Après
trois jours à dormir, se promener, se nourrir, le tout sans
presqu'aucune parole entendue ou prononcée, Papy MEUJOT se sentit
mieux et recommença à s'intéresser au monde contemporain. Il
écouta un journal diffusé sur des ondes radiophoniques qu'il
captait sur son téléphone portable sans trop savoir comment cela
était possible et de temps en temps, ce non savoir l'empêchait
d'entendre ce que les journalistes disaient depuis leurs studios de
radio, assis sur des fauteuils et lisant leurs notes. Mais ce
jour-là, Papy MEUJOT se sentait arbre et aimait entendre le bruit du
vent et de la rumeur des humains. Un incendie avait dévasté des
entrepôts et des locaux des Restaurants du Coeur dans une ville du
Nord de la France et des journalistes avaient interviewé des
bénévoles. La première expliquait que c'était une catastrophe
parce que la ville se situait dans une région économiquement faible
et que beaucoup de familles avaient besoin d'aide alimentaire. Une
seconde interviewée tint un discours pour le moins bizarre qui
dérangea Papy MEUJOT : cette seconde bénévole interviewée
expliquait que l'incendie était une catastrophe car « ils
(les bénévoles) n'avaient plus d'outil de travail »
Outil de travail ?. Papy MEUJOT oublia ce détail jusqu'à ce
que, trois jours plus tard, il entende à nouveau un reportage sur
cette histoire d'incendie d'entrepôts et de locaux de Restaurants du
Coeur dans une ville du Nord de la France : la solidarité des
commerces, de la grande distribution, des institutions publiques
avait bien fonctionné et les stocks avaient été peu ou prou
reconstitués dans de nouveaux locaux mis à disposition. Un
journaliste interviewait à nouveau une bénévole qui tint à
nouveau un discours des plus étranges : en lieu et place de
citer toutes les entreprises et institutions qui les avaient soutenus
et de saluer leur générosité envers les plus pauvres de notre
société française, la femme dit « qu'ils s'étaient tous
mis à notre service, qu'ils avaient répondu très vite à toutes
nos demandes afin que nous puissions continuer notre travail ». Leur travail ?
Papy MEUJOT , qui avait passé quelques années à raconter sa
vie allongé sur un divan à un psychanalyste assis sur une chaise,
ne pouvait s'empêcher d'entendre dans de tels propos, parfaitement
déplacés quant à ce dont ils étaient censé évoquer, le délire
de puissance de la dite bénévole. Papy MEUJOT se l'imaginait à
grand trait : parée dans sa noble cause, la névrosée
travaillait à son délire de puissance jusqu'au bout grâce aux
pauvres. Pauvres, exploités jusqu'au bout du bout.
Trois
jours plus tard, Papy MEUJOT passa en vélo devant la « maison
du partage » qui avait été construite ,dans le village d'à
côté sa campagne, pour accueillir les remises gracieuses de colis
alimentaires. La construction avait nécessité de raser une petite
cabane en bois abritant un atelier informatique pour les jeunes du
quartier ; Papy MEUJOT n'y avait pas vu un signe de grande santé
sociale mais il avait voulu croire que l'atelier n'avait été que
déplacé. Devant la « maison du partage », plusieurs
femmes, leur cabas à la main, attendaient l'ouverture. Toutes
avaient des clops au bec. « Combien coûte un paquet de
tabac de nos jours ? Comment font-elle pour se payer des
cigarettes ? », se demanda Papy MEUJOT » « Faut
bien qu'elles fument pour supporter les dames patronnesses ! »,
lui cria une voix.
Papy
MEUJOT se demanda alors sérieusement s'il n'allait pas retourner à
Paris. Peut-être y avait il encore quelque chose à y faire .
« Passer ce Master II n'est peut-être pas une si grande
idiotie ? », se disait Papy MEUJOT.
Cependant,
Papy MEUJOT avait déjà 130 ans.
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