les années 80




Les années 80 : Olivier D. et les mathématiques.
Olivier D. venait de Saint-Etienne, son père était peut-être mineur ou ex-manufrance, peut-être que j'invente, n'en ai jamais rien su ou confond avec Bernard Lavilliers, Olivier D. venait de saint-Etienne et étudiait le football à Thonon-les-Bains dans la classe de seconde où je me trouvais également bien que n'étudiant pas le foot avec le père de Magali que je ne connaissais pas encore et qui copiera l'année suivante mon devoir sur les rêveries d'un promeneur solitaire de Jean-Jacques Rousseau (cf un épisode précédent) devoir qui m'avait sans doute été inspiré par des bouquins trouvés dans la bibliothèque de mon père à moins que des conversations avec celui-ci qui enseignait la littérature et la philosophie, ce que ne pouvait faire Magali que je ne connais pas encore puisque son père enseigne le foot notamment à Olivier D. qui se trouve dans ma classe de seconde.
Dans ma mémoire, se trouve un souvenir que je ne comprends pas. C'est un vendredi après-midi, Olivier D. est assis , le dos au mur, les jambes allongées devant lui, son grand sac de sport est à côté de lui, il a peut-être des papiers dans les mains, moi, je suis assise contre la verrière qui fait angle avec le mur contre lequel s'adosse Olivier D. Il est sans ses potes et moi sans mes copines. Olivier D. m'explique que j'ai l'air de comprendre quelque chose aux mathématiques, que cela lui est complètement étranger, que les autres font semblant de comprendre. Si Olivier D. dit que j'ai l'air de comprendre quelque chose aux mathématiques, c'est parce que dans un cours, j'avais fait remarquer à la prof qu'elle nous disait des âneries. Or, cela n'avait rien d'extraordinaire, je suivais ce que disait la prof qui nous expliquait qu'une bijection est une fonction où tous les points de l'abscisse ont une image en ordonnée et elle nous montrait une fonction dessinée où un point de l'abscisse n'avait pas d'image en ordonnée, c'était visuel. Si un prof de dessin expliquait qu'un visage classique a toujours deux yeux, un nez et une bouche tout en montrant un visage avec trois nez, tout le monde se marrerait. Mais tout cela, je suis à l'époque incapable de l'expliquer à Olivier D. En effet, j'ai quatorze ans, je suis rousse, je vis seule avec ma sœur qui n'y est jamais et notre mère vient nous voir le week-end, mes parents n'ont pas de voiture et heureusement que je ne savais pas à l'époque que mon père avait été vicaire, cela aurait été trop compliqué à gérer, surtout pour quelqu'un qui n'a jamais fait de cathéchisme. Olivier D. a dix-sept ans, il est sexy et j'ignore tout des casseroles mentales qu'il se trimballe. Je ne peux pas lui dire non plus que jouer avec une balle à onze contre une autre équipe de onze dans le but de marquer des buts me paraît complètement incompréhensible (il me faudra encore attendre quatre années pour qu'un éclair me touche lors d'un cours de basket à l'institut national des sciences appliqués de Lyon où ,tout à coup, mon corps prendra plaisir à jouer à la balle.) A l'époque, si je peux facilement me représenter ce qu'est une bijection et une homothétie, il m'est beaucoup plus difficile de le faire pour ce que je ressentirais car il est possible aussi que je ne ressente rien. Les autres font semblant, m'explique Olivier D. Ils font semblant de comprendre les maths et ils font sans doute aussi semblant d'avoir des émotions. Lui, il joue au foot et ne se fait pas d'illusions. Aujourd'hui, ce garcon me semble terriblement intelligent. Terriblement.
Je ne sais pas trop ce que je lui dis, peut-être rien, puis le souvenir devient incompréhensible : Olivier D me tend son déo qu'il sort de son sac, je me mets du déo et nous allons ensuite en cours d'italien. Mais peut-être aurais-je tout oublié sans ce détail incongru.

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