Martine à pole Emploi, épisode 67





Martine était dans les locaux de Pole Emploi à Saint-Malo et actualisait sa situation de chômeur et, non, elle n'avait pas été en stage, non, elle n'avait pas touché de pension d'invalidité de deuxième ou troisième catégorie et oui, elle était toujours à la recherche d'un emploi. A côté d'elle, une « hotesse d'accueil » deversait des formules de propagande novlangue à un nouveau chomeur et lui montrait le fonctionnement des ordinateurs mis à disposition des ch^^omeurs pour qu' ils puissent consulter les offres d'emploi parues sur le site pole-emploi.fr et d'ailleurs il est plus confortable qu'ils le fassent depuis chez eux . Martine se souvint alors avec émotion du début de sa période de ch^^omage où les offres étaient encore physiquement affichées dans les locaux de l'agence nationale pour l'emploi, punaisées sur de grands panneaux en bois où pouvait se lire un descriptif de l'emploi et un numéro à relever si l'offre vous intéressait afin de la communiquer au conseiller qui après une attente vous recevait dans son bureau, vous hurlait dessus le descriptif de l'offre afin de vérifier que vous ne vous étiez pas trompé de numéro, puis vous donnait un papier qu'il ou elle venait d'imprimer et où serait inscrit les personnes à contacter pour postuler à l'offre d'emploi, le tout en vous ayant glissé une ou deux phrases à leur propre gloire personnelle et comme il ou elle était débordé(e) dans leur travail. Dix ans avait passé et l'h^^otesse d'accueil expliquait au nouveau ch^^omeur qu'il pourrait constituer son « espace personnel » sur le site de p^^ole emploi afin de naviguer plus facilement sur tous les services du site et mieux communiquer avec ses conseillers, le tout sans avoir bessoin de se déplacer. Une musique pop douceureuse se faisait entendre comme un écho pléonasmique. Martine avait trouvé insupportable l'introduction des flux de musique muzzak dans les locaux des assedics puis de pôle emploi. Martine se souvenait d'une matinée particulièrement grise où nombre de nouveaux chômeurs attendaient leur tour alors qu'une voix diffusée par haut-parleur chantait très fort « JE JE JE SUIS LIBERTINE, JE SUIS UNE CATAIN ». C'est ce jour là que martine avait compris la différence entre tragi-comique et comique triste. « Une telle scène, s'était-elle dit, ne para^^itrait pas crédible dans un scénario m^^eme pour un téléfilm diffusée sur la troisième chaine de la télévision française un samedi soir. » Puis comme tout le monde, martine avait pris l'habitude de devenir sourde à la musique avant sans doute de devenir sourde tout court. En attendant, Martine entendait le nouveau chomeur raconter à l' h^^otesse d'accueil industriel qu'il avait travaillé dans les services après-vente et qu'il avait bien compris en discutant avec d'autres collègues que son secteur était mort puisque maintenant aucune enseigne ne veut réparer quoi que ce soit et qu'ils veulent vendre, juste vendre du matériel neuf, qu'ils ne veulent plus des gens qui savent réparer, qu'ils veulent embaucher des gens qui savent vendre des glaçons à des groelandais. Martine se disait que ce serait dommage si personne en France ne serait plus capable de réparer des télévisions, des aspirateurs ou des chaines HIFI, que Arnaud Montebourg et Benoit Hamon devraient y réfléchir et faire en sorte que ces savoirs ne se perdent pas. Puis elle se dit qu'il devait déjà exister nombre de tutoriels expliquant comment réparer sa machine à laver sur internet avec l'adresse d'imprimantes 3D les plus proches afin d'y fabriquer les pièces de rechange. Tout cela, bien sûr, à la condition que les données comme par exemple les plans de construction des lave-linges soit ouvertes et accessibles sur le net, ce qui n'était pas encore une guerre gagnée puisque même martine avait entendu dire que certaines imprimantes 3D étaient passées en mode propriété d'industriels. Les journaux oublient toujours de nous informer sur ce qui est important. Quoique. Pendant ce temps, l'hôtesse d'accueil industriel avait commencé un monologue en novlangue sur les formations proposé aux ch^^omeurs en général. Et martine n'écouta pas la suite. Elle devenait violemment et physiquement allergique à la novlangue.



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