Martine essaye de lire une tribune signée Fleur PELLERIN, Ministre déléguée aux petites et moyennes entreprises, à l'innovation et à l'économie numérique, parue dans le journal Le Monde daté du vendredi 31 mai 2013.



« Partout dans le monde, dans les zones les plus dynamiques, l'innovation est le moteur de la compétitivité, de la croissance et des emplois. Faire du soutien à l'innovation une priorité est devenu un impératif pour la France et l'Europe. » « Bon, là, c'est un texte soupe pour chiens, se disait Martine, du brouet, mais rien de nocif, çà rentre, çà sort. »
« Cet impératif s'impose à nos entreprises, car la compétitivité hors coût passe par l'innovation » « Qu'est-ce donc que cette « compétitivité hors coût », se demandait Martine, sentant le mot valise piégée. « Et qu'est-de donc que cette « innovation » substantialisée ? ;Et toi, tu fais quoi dans la vie ? Ben j'innove ! Ah, bon mais t'innoves quoi ? Ah non ! mais moi j'innove tout court ! ah bon ! et tout au long ? » « N'était-ce point une grande innovation notamment d'ingénieurs français travaillant chez les anglo-saxons avec des salaires mirobolants bien que n'ayant pas à rembourser de pr^^ets bancaires ayant servi à financer leurs études et dans ces cas là l'état français devrait réfléchir à un moyen de se faire rembourser les frais de scolarité afin de préserver son modèle d'éducation placée sous le signe dynamique de la triade « liberté, égalité, fraternité », et donc n'était-ce pas une innovation notamment d'ingénieurs français au service du génie de l'industrie financière et bancaire, industrie dont il ne serait pas superflu de se demander ce qu'elle produit à part des milliardaires, des parvenus et des crises, n'était-ce pas une innovation à laquelle auraient participé des ingénieurs français bien que débauchés par des anglo-saxons, n'était-ce pas une innovation que les subprimes  et la titriisation? N'auraient-ils pas mieux fait les uns et les autres d'aller se coucher ou se torcher au pub d'à c^^oté ce jour-là ? » Se demandait Martine, en se grattant l'oreille. « d'ailleurs, plus personne n'évoque ce sujet aujourd'hui, ils ont sans doute de la m^^eme façon réussi à titriiser leurs responsabilités ces industriels de la finance dont il n'est pas saugrenu de se demander ce qu'ils construisent à part des milliardaires, des parvenus, des pauvres et des crises.
« Il s'impose aussi à l'Etat et aux collectivités territoriales, car l'enjeu est la création sur notre territoire d'activités économiques durables et à haute valeur ajoutée, dans un monde ouvert, où les talents et les investissements circulent. » « Bon là, cela fait déjà deux minutes qu'elle nous cause la madame la ministre et elle ne nous a toujours rien dit, sans compter le sérieux doute sur de ce quoi qu'elle nous cause ! Bon, partons de l'hyptothèse qu'elle nous cause de ce dont elle nous dit qu'elle nous cause : Donc « l'impératif de faire du soutien à l'innovation s'impose blabla car l'enjeu est la création sur nos territoires d'activités durables et à haute valeur ajoutée, blabla » ; Bon, Y a un proverbe du XIIe siècle qui dit qu'il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs et c'est pourtant ce que cette dame fait au début du XXIe ! »
Martine comprenait vaguement au travers de la phrase « la compétitivité hors coût passe par l'innovation » que madame PELLERIN et le public auquel était adressé ce texte, public auquel de toute évidence ne faisait partie Martine, Martine comprenait dans le pointillé qui suivait l'expression « compétitivité hors coût » que madame PELLERIN et ses interlocuteurs avaient en tête un modèle de business où l'argent coule à flots telle la téléphonie mobile française dans les années 90. Leur point de fuite pour dessiner la perspective économique c'est celui-là où se trouverait le jackpot, le point où le pekin moyen se fait le casino et donc martine n'a pas besoin d'être picasso pour comprendre que leur tableau ne pourra pas exister ! Madame PELLERIN, ses interlocuteurs et collaborateurs n'ont pas du tout en tête l « oïkos », le truc de l'économie de base, les communautés qui s'organisent pour utiliser au mieux leurs ressources (en effet, le verbe « optimiser » a aussi un sens propre autre que masquant des verbes tels « frauder » ou « exploiter ») et ce dans la perspective de produire leurs nourritures, leurs energies, leurs habitats, s'éduquer et s'amuser, respirer et faire des ricochets.
« Et pourtant madame Pellerin, ses interlocuteurs et équivalents, nous « foutent » de l' « écosystème » à tout bout de phrases et de slogans sans même comprendre de quoi ils causent ! », se disait martine. «Si, comme nous dit madame PELLERIN « l'enjeu est la création sur notre territoire d'activités économiques durables à haute valeur ajoutée »  il faudrait se placer dans la perspective de l'oîkos, et je ne parle pas de la récupération de ce concept par l'extrême droite sur laquelle je chie,  !La valeur ajoutée sera surtout la haute qualité des habitants à qui il ne sera pas seulement demandé de remplir des caddies de produits dont il n'ont pas besoin puis de rentrer chez eux regarder la télé ! »
Martine était déjà épuisée nerveusement d'avoir pensé tout cela afin d'essayer de sortir de toute la merdre de ce texte ceux et celles et dont surtout elle-m^^eme qui auraient pu ou pourraient s'y noyer mais aussi dans la tentative de trouver les vaccins immunisant contre ce genre de conneries performatives socialement. N'ayant pas la qualité de super-héros et notamment de leurs facilités quant aux conditions de vie, martine décida de reprendre son analyse de la tribune de madame Pellerin plus tard ou jamais.
Puis en allant au dehors, histoire de respirer et de regarder quelques arbres pour se laver les pensées, Martine se souvint que monsieur MOSCOVICi, ministre français de l'économie avait renoncé à contenir les salaires dans une échelle de un à vingt, soit grosso modo si le salaire minimum est à 1300 euros par mois, le plus haut salaire dans le pays de France n'aurait pu aller au delà de 26 000 euros par mois soit environ 170 000 francs français par mois. « C'est sûr, se disait Martine, la perspective de ne pas pouvoir gagner plus de 170 000 francs français par mois est complétement démobilisatrice, surtout pour les personnes de gauche politique ! »
Puis, arrivée dans le jardin, Martine regarda longuement un pin s'élançant vers le ciel bien que lourd et enraciné et oublia toute cette médiocrité. Puis des pies ont jacassé et sont allées de branche en branche, et martine a pu s'endormir sur l'herbe et rêver cet ailleurs si proche et déjà là où se trouve la vraie vie des humains.


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