Who cares about people ? [notre blague préférée]
Jonathan
se croyait directeur d’une petite et moyenne entreprise dans une
ville moyenne d’une campagne reculée. Il se croyait en négociation
pour le rachat de sa structure par une multinationale pour laquelle
il avait longtemps sous-traitée et qui, cherchant à éviter les
futures taxes sur la main d’œuvre délocalisée dont les
multinationales avaient été averties par leurs potes œuvrant dans
les ministères, se dépêchaient de racheter quelques
sous-traitants, histoire de pouvoir exhiber dans les statistiques
quelques salariés dans les campagnes reculées, et ce à peu de
frais, puisque bien sûr les potes des multinationales œuvrant dans
les ministères avaient négligé d’en informer Jonathan et ses
semblables afin que l’argent que les multinationales ne donneraient
à Jonathan et ses semblables soient économisées par les dites
multinationales moins leurs pots de vin. Bref, Jonathan, se croyant
en veine de cet intérêt si soudain porté à sa petite et moyenne
entreprise, apprit que le président des Républiques souhaitait
visiter sa petite et moyenne entreprise à l’occasion d’une
partie de campagne en prévision des campagnes pour la remise en jeu
des mandats.
Jonathan
fût fort surpris lorsque le service du protocole lui précisa qu’à
cette occasion, le président des républiques voudrait rencontrer
monsieur DUPONT. Jonathan demanda des renseignements auprès de sa
femme qui assurait le secrétariat, les ressources humaines et le
département logistique à elle-seule et celle-ci lui répondit qu’il
y avait trois DUPONT dans leur petite et moyenne entreprise.
Le
jour venu, Jonathan prit soin de placer les trois DUPONT côte à
côte dans la haie d’honneur et le président salua les uns les
autres serra quelques mains et là devant Victor DUPONT, le président
fit l’accolade :
- Ah, Victor, quel plaisir de te voir ! justement je suis venu dans cette ville inconnue d’une campagne reculée pour te visiter. Aurais-tu un peu de temps à m’accorder après toutes les obligations dues à ma fonction ?
Victor
DUPONT lui assura qu’il était disponible à la fin de sa journée
de travail et qu’il l’attendrait chez lui.
Le
lendemain, Jonathan rendit visite à Victor Dupont dans les
vestiaires de sa petite et moyenne entreprise. Il découvrit alors
une ambiance virile et douce où régnait l’atmosphère des hommes
fourbus qui après une journée de labeur s’apprête à regagner
leur foyer. Jonathan retrouva là quelque chose de son enfance qu’il
avait complètement oublié et surtout ces jours derniers à force de
fréquenter les petits chef et cheftaine des services commerciaux,
financiers et autre intitulés modernes.
- Ah, bonjour, Victor, dit Jonathan
Victor
Dupont fronça les sourcils.
- Oui, monsieur le directeur ?
Jonathan
était un peu gêné par tous ces hommes aux corps fatigués
revenant d’un chantier, d’une journée quasi silencieuse de
travail manuel, où ils n’avaient point eu à se battre et se
débattre contre quelques hydres de langage téléphonique toute la
journée comme lui. L’atmosphère lui paraissait cristalline et il
pouvait même respirer sans ambage.
Et
là machinalement, il dit :
- vous n’avez pas de poster de femmes nues dans vos vestiaires ?
- Non, monsieur le directeur, nous aimons les femmes, pas les images, et puis certains d’entre nous préfèrent les hommes. C’est pour cela que vous êtes venus nous voir monsieur le directeur ?
Jonathan
se ressaisit :
- Non, non, bien sûr, je m’égare. Dites-moi, Victor, dit-il reprenant ses réflexes langagiers paternalistes, comment se fait-il que vous connaissiez le président des Républiques ?
Victor
le regarda bizarrement, avec méfiance :
- et pourquoi donc, monsieur le directeur, ne le connaîtrais-je point ?
- Oui, oui, bien sûr, dit Jonathan très surpris, vous avez raison.
Jonathan
baissa les yeux et se remit à respirer d’une manière qui lui
sembla presque surnaturelle tant cela était naturel.
Victor
sembla alors amusé.
- Mais nous connaissons beaucoup de monde, vous savez, venez à Rome pour la Pâque, vous m’y verrez, le Pape nous a invité.
Jonathan
le regarda, se demandant si du lard ou du cochon et après les « oui,
oui, bien sûr, bon je ne vous embête pas plus longtemps » de
circonstance, Jonathan sortit du vestiaire. Il marchait erreusement
sans trop savoir où il allait quand soudain sa femme lui apparût et
tel un dragon :
- Les scrogneugneu ont téléphoné, ils demandent à être rappelé.
- Qui sont les scrogneugneu ? hasarda Jonathan
- Jonathan ?
- Qui sont les scrogneugneu ?, insista Jonathan tout en se disant qu’il ne connaissait pas sa femme.
- Les scrogneugneu avec qui tu négocies le rachat de ta boîte depuis une semaine, voyons !
- Oui, et bien, ils attendront.
Jonathan
partit alors d’un pas décidé vers la sortie de sa petite et
moyenne entreprise. Pâques était dans une semaine.
[ce post a été initialement publié sur myspace]
Commentaires
Enregistrer un commentaire