« Nous nous sommes amusées à récrire l’interview de monsieur POIVRE d’ARVOR réalisée par monsieur DARDENNE, parue dans art press 357 (TD débusquer, désherber et refleurir la langue de bois).



Quel est, pour votre institution subventionnée et sous tutelle du ministère des Affaires Etrangères l’enjeu de la biennale d’art contemporain de Venise, Italie ?

La biennale d’art contemporain de Venise, Italie est historiquement la première du genre et elle a d’ailleurs été conçue comme un événement politique puisque chaque pavillon est censée représenter une nation et ce dans l’héritage direct des pensées des états-nations du XIXe siècle.
Bien sûr avec la dominance de la pensée du marché qui règne dans les esprits, tout cela paraît obsolète.

Que pensez-vous du concept de pavillon laboratoire ?

C’est un concept. A un moment donné dans l’histoire triviale des arts, il a existé du côté des réceptionneurs d’œuvres et des organisateurs de manifestations un sérieux doute sur la finalité des œuvres. Cela faisait déjà belle lurette que ce doute existait chez les artistes mais il fallait bien de temps en temps bon gré mal gré finir une œuvre pour l’échanger contre de quoi se nourrir et se loger. Et puis également, l’émergence de personnalités dont les discours et la fréquentation étaient plus intéressant que les œuvres qu’ils produisaient. C’est pour cela que le concept de laboratoire a fait son apparition, c’était juste l’idée de montrer au public l’atelier et de l’y inviter, de faire salon. C’est aussi , je crois, une période où tout le monde avait envie de s’amuser et s’envoyer en l’air à l’abri d’une solide couverture sociale.

Le système promotionnel de l’art rend-il obligatoire la création du concept d’art français ?

Oui, bien sûr, cela est complètement absurde. Van Gogh a peint et vécu en France, était-il pour autant français ? sa peinture était-elle hollandaise pour autant ? Une chose dont il est à peu près sûr est que son frère payait des impôts en France, je crois. Par ailleurs, il est aisé de comprendre que cette question de la nationalité de l’art renvoie d’abord à la concurrence que se faisaient les cours européennes au XVIIe siècle. S’il devait exister un art dit français, ce serait historiquement alors peut-être le ballet classique et la littérature générale. Qu’en pensez-vous ?

Moi, rien du tout, je ne fais que poser les questions.

Oui, m’enfin, elles sont un peu bêtes vos questions, non ?

Franchement, je n’ai pas trop d’avis, ce sont des questions que des personnes autour de moi se posent ou que j’ai entendu par ci par là . Donc, en tant que personnage public chargé de la diffusion de la culture française, quelle est aujourd’hui votre position ?

Debout, mais la plupart du temps assis.

On reproche à culturesfrances de ne pas être une structure autonome, allégé de la tutelle étatique, à l’image du Bristish Council... ?

Oui, le Bristish Council a toujours eu une politique très forte pour aposer son logo ici et là, même en ne donnant pas un sou, si c’est de cette image dont vous parlez. Et puis, c’est un reproche qui ne fait pas sens  dans la mesure où il n’existe plus en France d’art au service de l’Etat, et ce depuis 1945 sans doute, et pour les raisons que l’on sait. Après le risque du clientélisme, des copinages, etc..c’est toujours un peu pareil. La corruption qui est la gangrène possible de nos démocraties n’a pas de raison d’éviter les milieux de l’art, cela n’est pas une histoire d’organisation administrative, j’ai même tendance à croire qu’une tutelle étatique est un meilleur remède contre ces dérives, mais je peux me tromper. En France, les milieux dits culturels fonctionnent encore trop souvent selon les lois de l’Ancien Régime, en principe disparu depuis 1789, je vous le rappelle, alors que la démocratie est en principe le meilleur garant pour l’avénement de l’aristocratie, au sens étymologique, dans les arts.

N’avez-vous pas à travailler avec trop d’acteurs ? centre d’art, résidences, alliances françaises à l’étranger … Une nébuleuse peu homogène.

Je ne travaille pas avec des acteurs. Nous ne faisons pas du cinéma. Bien que parfois un peu de théâtre comme tout le monde, bref, j’ai autour de moi une équipe dont chacun est entouré d’une équipe dont chacun est entouré d’une équipe, etc…. Après les structures juridiques, organisation d’administrations, et imputation des lignes budgétaires, c’est le résultat d’une histoire et aussi de beaucoup de bricolages ; il ne faut pas trop y chercher de la signification ; heureusement que tout cela n’est pas homogène, ce ne serait plus de la culture, mais de l’élevage !

Nous serions entrés dans une période de crise de valeurs matérielles, après que celles-ci auraient été transcendées. Comment vous situez- vous dans cet univers nouveau ?

Je ne comprends pas bien ce que vous dîtes. L’univers n’a pas vraiment changé même si on apprend chaque jour à mieux l’observer. Que Pluton ne soit plus considéré comme une planète du système solaire n’a pas modifié le système solaire que je sache ! Donc dans cet univers qui n’a pas changé et dont on ne sait toujours à peu prés rien, je me sens toujours aussi petit et ignorant. Pas vous ?
Par ailleurs, le propre de l’art est d’être une valeur de l’immatériel et je ne sais pas comment on fait pour « transcender » une valeur matérielle ? on en fait une valeur spirituelle ?
Non, la méconnaissance de l’orthographe, de la syntaxe, de l’usage et du vocabulaire de la langue française par la quasi-totalité des personnes qui occupent les espaces médiatiques me semble une crise culturelle beaucoup plus grave. Déjà que les humains ne savent pas grand-chose mais en plus s’ils ne savent plus le dire ou n’ont plus d’espaces pour le transmettre, alors …

Ne croyez-vous pas plutôt que la masse de flux langagier véhiculé par x plus un support au cours d’une journée créé une masse critique qui fait que le langage s’est déconnecté de l’expérience individuelle  et fonctionne désormais presque uniquement en mode quantique ?

Ce que vous dîtes n’est pas faux, cependant si on regarde d’un autre point de vue, il pourrait se dire que les populations sont de plus éclairés, ils savent mieux lire, entendre, voir. Or il y a un hiatus avec les personnes qui se considèrent comme une élite et qui continue de parler aux autres en voulant les gérer par des illusions, des bobards ou des programmes neurolinguistiques. C’est sans doute pour cela que certains voudraient enterrer le postmodernisme, car il offre la liberté à chacun de se bricoler sa propre histoire de l’art et rend caduque la primauté d’un discours dominant et inutile la notion de prescripteurs. Le problème de ces personnes qui voudraient dire aux autres ce qui est et ce qu’ils devraient penser est un peu celui de la tenancière de bordel qui ne supporte pas que ces clients choisissent selon leur goût sans se soucier de ses conseils.  Ce devrait être par conséquent une période plus riche pour les individus, et  la chute des médias de masse nous permettrait d’être sûr d’en avoir fini avec Goebbels.

Oui, mais de quoi allons-nous parler dans les dîners en ville ? .

Disons plus prosaïquement que le silence avait des vertus dont il n’est pas sûr que soient dotées les cellules de soutien psychologique.

Çà ne sonne pas un peu vieux con comme discours ?

Vous savez lorsqu’on a passé un certain âge la peur d’être un vieux con vous rend surtout démago, falot, imbécile et aveugle. Ce qui peut constituer un handicap lorsqu’on travaille dans les arts plastiques où il s’agit d’abord de voir.

Etes-vous sûr de ce que vous dîtes ?

Bien sûr que non ! Comment le pourrais-je ?

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