Des histoires de femmes.
C’était l’époque où nous
portions des tampons hygiéniques.
Une telle avait laissé la moitié de
l’applicateur sur le tampon et ayant eu mal au vagin lorsqu’assise,
avait décidé de n’utiliser que des tampons sans applicateur.
Jusqu’à ce qu’elle comprenne sa méprise, alors qu’une de ses
copines l’avait dépanné d’un tampon avec applicateur en raison
d’un débarquement prématuré des anglais. Chacune
connaissait l’histoire de la fille amie de l’amie de l’amie
(…tu sais celle qui a toujours un chignon en pétard…) à
qui le gynécologue avait sorti du vagin un oublié tampon moisi et
puant de ses précédentes règles. Chacune trouvait cette histoire
ignoble jusqu’à ce qu’un jour, en enlevant un tampon, nous
découvrions avec horreur, un deuxième en sale état qui traînait
par là. Des questions s’étaient posées à la prime adolescence
sur l’utilisation des tampons super maxi, « il paraît
qu’après on ne sentira plus rien », et sur la véracité de
la possibilité de nager à la piscine avec un tampon super maxi « ne
va-t-il pas absorber l’eau chlorée et cela ne pose t’il pas de
problème pour les parois du vagin ? ». F. dont la mère
fréquentait des camps de naturistes vers le Cap d’Adge lui avait
demandé si on voyait la ficelle pendre lorsque les femmes nues
avaient leur règles. A quoi il lui avait été répondu que des
strings très légers étaient tolérés dans les camps de naturistes
et par lesquels la ficelle pouvait être calée. F, par ailleurs, se
posait la question pratique du viol d’une femme qui a ses règles.
Elle nous demandait si à notre avis, le violeur voit la ficelle et
arrache le tampon ou si il viole la femme alors qu’elle a le tampon
dans le vagin et si cela change quelque chose. Nos entourages
manquaient d’expériences en la matière. Sa sœur avait émis
l’hypothèse du mec renonçant à violer la femme qui a ses règles
car trouvant cela trop dégueulasse : il ne faut pas oublier,
disait-elle à l’appui de son hypothèse, que les mecs qui
violent les femmes sont des détraqués. Sont des détraquées de se
poser des questions pareilles, aurait dit notre mère, qui
s’exclamait, quant à elle, au souvenir de toute la camelote
achetée à un représentant vendeur placier de produits NAHRIN :
« Quand j’y pense, qu’est-ce qu’il a bien pu
m’enfiler ! »
La sœur de F. était, pour sa
part, préoccupée par la mystérieuse disparition de ce qu’elle
nommait le petit bout de caca qui ne réapparaît pas. Cela était
relatif à l’expérience partagée d’être à la selle et
de ne parvenir à expulser jusqu’au bout un étron bien compact.
Le temps n’étant alors pas illimité, l’expérience partagée
menait à couper soi-même l’étron en question et à réintégrer
la partie restante à l’intérieur pour une expulsion ultérieure.
Or, nous alertait la sœur de F.,cette expulsion ultérieure, si
vous y prêtez attention, n’a jamais lieu. Où donc disparaît
le petit bout de caca qui ne réapparaît pas ? Nous ne voyions
pas d’à priori à l’ exclusivité féminine de cette expérience
bien qu’il ne nous venait pas à l’idée d’aborder la question
avec les garçons que nous connaissions.
La prof de gym avait expliqué à F.
que faire de l’aviron faisait une belle poitrine et elle se
demandait si en ce qui concernait les garçons cela leur faisait un
bel instrument bien que nous n’utilisions pas ce terme et jusqu’à
ce que nous lui fassions remarquer l’absence de liens entre
muscles des bras et des épaules et entre jambes bien que nous
n’utilisions pas celui-ci non plus. F. avait alors émis
l’hypothèse de l’équivalence avec le vélo ; nos
connaissances restaient floues, nos amis avaient des
mobylettes. Que chacun d’entre eux entamait le début d’un long
compagnonnage avec leur propre kéquette [« qué
quête ? »] ne nous effleurait pas. C’était, en ce
qui nous concernait, l’époque où nous commencions à nous enfiler
des tampons hygiéniques afin d’éponger le sang que nous perdrions
trois, quatre, cinq jours chaque mois jusqu’à ce que nous ne
saignons plus. Les tampons semblaient une révolution prometteuse par
rapport aux couches nommées serviettes hygiéniques, annihilant
l’exceptionnalité que constituait ces quelques jours par mois (ne
pas se baigner, ne pas prendre froid, ne pas manger de glaces,
etc..). Que ce sang résulte de la perte de que ce notre utérus
avait mis en place pour recevoir un œuf fécondé n’affleurait,
n’affolait, n’affinait point nos consciences.
Commentaires
Enregistrer un commentaire