Louise et les chics types en stéréo ou le bovarysme sifflera trois fois.




Le journal « Le Monde » publiait cette semaine-là une enquête « en six volets, sur les racines de la crise politique, cette défiance inédite entre les Français et les élites ». Louise avait lu le premier épisode mais elle n'était guère convaincue par l'angle d'approche qu'elle qualifiait d'amnésique. Le terme «  défiance inédite » lui semblait en effet une expression

totalement inadéquate. « L'histoire de France ne pourrait-elle pas se résumer grossièrement à une longue succession de crises de défiance des peuples de France envers leurs tentatives d'élite ?, se demandait Louise en buvant son quinzième café depuis l'aube.Pour se le prouver, elle alla chercher dans le bureau de son père, un livre d'images retraçant cent ans d'histoire de France publié aux éditions Arthaud en 1962. Le livre regroupait sept cent photographies documentant la France de Napoleon III à celle du Général De Gaulle , que racontait un texte d'Emmanuel Berl. Louise se souvenait encore feuilleter l'ouvrage alors que toute petite avec

son père qui lui montrait les images de Landru et de son four ou de monsieur Poincaré
recevant des fleurs de petites filles. Le livre évoquait aussi les révolutions cubistes et surréalistes ou le 6 février 1934.
Louise n'était pas gênée pour lire le texte de monsieur Emmanuel Berl par le motif de son antérieur pétainisme :« qui, en 1940, à part le général De gaulle et quelques jeunes ou marginaux, ne l'était pas ? »; se disait Louise tout en croyant se souvenir que le discours « la terre ne ment pas » ne tenait pas des propos horrifiques ou dénués de sens. Louise pouvait se tromper.
Bref, Louise relut l'article de la page 576 intitulé « Orage sur la République » :
« la restauration du franc, la signature spectaculaire du « pacte Briand-Kellogg » qui mettait « la guerre hors la loi », la rupture du Cartel, l'autorité de POINCARE, la victoire des modérés, tout semblait consolider le régime de la troisième république. En fait ; l'agonie du régime était proche. Au règne confirmé des « puissances d'argent » répond une montée des scandales financiers.
C'est d'abord lucien Klotz, ancien ministre de Clemenceau, qui se suicide, perdu de dettes. Puis Madame HANAU ; « la présidente », directrice de « la gazette du Franc », arrêtée pour escroquerie. Le scandale rejaillit sur le monde politique, Madame HANAU ayant commandité plusieurs journaux, dont l'organe du Cartel.
Au scandale de gauche répond bientôt un scandale de droite. Le banquier Oustric désirant introduire sur le marché des valeurs italiennes, avait obtenu un avis favorable de l'ambassadeur de France à Rome, Monsieur BESNARD, et du Garde des Sceaux, monsieur Raoul PERET, qui recevaient de lui des appointements.
C'est l'époque où Pagnol fait représenter TOPAZE ; la scandale reste gai. Mais avec la mort de Poincaré, la conjoncture change sa probité couvrait tout, ses successeurs ne seront pas aussi invulnérables, on n'est plus certain que TOPAZE se contente d'être conseiller municipal.
Dans ce climat orageux et confus, l'affaire STAVISKY allait démanteler la République.
Un escroc, sous le nom d'Alexandre, avait monté une incroyable machine, au Crédit municipal d'Orléans, puis au Crédit municipal de Bayonne : il faisait prêter des sommes énormes sur des bijoux faux, estimés par des experts complices.
A ce premier scandale, s'en ajoute un second : Alexandre qui s'appelait en fait Stavisky, avait déjà été condamné et vivait en liberté provisoire, bénéficiait d'inexplicables remises de la part des autorités judiciaires, trouvant partout des complaisances chez les directeurs de journaux, dans les ministères, à Orléans, à Bayonne, au Parquet … On retrouvera plusieurs de ses chèques et de ses obligés.
Troisième scandale : on va l'arrêter, il prend la fuite et se cache dans un chalet de montagne que la police cerne mais Stavisky est mort. S'est-il tué ? A-t'il été tué ?
Quatrième scandale : le conseiller Prince, chef de la section financière du Parquet qui avait eu à connaître de l'affaire Stavisky et devait déposer à ce sujet est retrouvé mort, sur une voie ferrée, près de Dijon. Suicide ? Assassinat ?
L'opinion, la presse, les Chambres s'exaspèrent ; le ministère Chautemps s'effondre, le beau-frère du président était procureur général. On se perd dans la confusion des pouvoirs et des polices. Chaque jour, des cortèges manifestent, boulevard saint-Germain, aux alentours du Palais Bourbon, au cri de : « A Bas les voleurs ! » »

« L'histoire tousse et bégaie, blabla, se disait Louise, c'est bien joli tout cela, mais quel serait le remède ? » . Ne t'attends pas à des miracles , mais procède à de petites actions agglomérées et s'agglomérant , lui conseillaient les sagesses populaires. 
 
L'article suivant relatait « le 6 Février 1934 »

(à suivre)

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