FORUM « forfaiture et gageure sont dans la mouture ».
- Franchement par moments, je ne comprends plus du tout le monde qui nous est présenté dans les médias.
- C'est-à-dire ?
- Ben, l'autre jour, j'entendais à la radio que NADAL, le champion de tennis, avait fait une conférence de presse pour expliquer pourquoi il renonçait à poursuivre sa participation à la compétition de Roland Garros, et bon, le mec a une entorse ou une inflammation au poignet, blabla, donc OK, mec, pas de problème, t'as mal à la main, tu ne peux pas jouer, tu joues pas. Pourquoi faire une conférence de presse pour un truc aussi banal ?
- Ben, ce n'est pas banal, c'est un champion de tennis, il a gagné Roland Garros plusieurs fois et..
- Ouais, mais bon, on est au XXI e siècle, les scientifiques viennent de se rendre compte qu'il y a une calotte glaciaire qui fond plus vite que prévu et que nous allons nous prendre vingt mètres de montée des eaux dans le nez, les mecs et les meufs de l'industrie nucléaire se comportent quasi comme des dealers irresponsables qui refourguent de la drogue trafiquée, t'as les jeunes à qui non seulement on ne promet plus rien mais à qui on ne dit plus rien et qui tournent en rond, bref j'en passe et des meilleurs et pendant ce temps, t'as un mec qui organise une conf de presse pour expliquer qu'il a un problème au poignet et qu'il ne pourra pas jouer au tennis !!!! non, mais, pince-moi je rêve !
- Ben, le mec NADAL représente beaucoup d'argent, et j'imagine que sa présence permet de vendre des billets pour la compétition sportive, donc il doit justifier son absence parce que des personnes comptent sur lui pour gagner de l'argent …
- Ouais, mais bon, nous sommes au XXIe siècle, on ne peut plus faire croire que l'on va construire une société sur la seule base de « que chacun gagne sa croûte selon ses propres moyens et ses propres besoins »
- Quelle croûte ?
- Tiens, à ce sujet, j'ai trouvé pourquoi il est parlé de « daube » au sujet de trucs qui sont nuls : cela n'a aucun rapport avec le plat « daube » mais avec le mot anglais « daub » signifiant une « croûte » en peinture.
- C'est-à-dire ?
- Ben, quand un tableau ne marche pas, tu ne vois que la croûte, les amas de peinture, tu n'y vois nulle image, l'opération magique n'a pas lieu.
- Quelle opération magique ?
- Mais alors l'expression « gagner sa croûte » voudrait dire « gagner son mauvais tableau » ?
- Ou « gagner sur le mauvais tableau » .. HAHAHAHA... Non, dans ce cas, l'expression fait référence à la croûte du pain...
- Ouais, enfin à notre époque de dingues l'idée de « gagner de l'argent sur le mauvais tableau » plutôt que de parvenir à « gagner sa vie » fait écho ..
- Tu pourrais être concret, s'il te plait...
- L'autre jour, je vais à l'hypermarché et dans le stand des promos du moment, je vois un pack de quatre bières blanches et une étiquette indiquant le prix habituel de quatre euros et des bananes et la promo de cinquante pour cent « immédiate » permettant de ne payer que deux euros et des cacahouètes,
- Vraiment super passionnant ce que tu nous racontes !
- Je suis d'avis qu'il n'est pas assez parlé de ce qui se passe dans les super et les hyper marchés. C'est aussi politique ! Et peut-être plus qu'un discours de truc much je ne sais où devant un public de vieux et de vieilles !
- Bon, Ok, et alors ?
- Ben, une voix me disait « laisse tomber t'en as pas besoin » et une autre me disait « cela fait cinquante centimes la bière, çà vaut le coup et cela fait longtemps que tu n'as pas bu de bière blanche, blablabla ». , j'ai eu d'autres discussions internes sur le fait qu'il s'agissait de bières en bouteille et que j'étais en vélo mais je vous épargne les détails.
- Merci beaucoup.
- Bref, je prends « la décision d'achat » comme se dit en théorie du marketing, et là, je vois surgir de derrière le stand où les bouteilles de bière étaient amassées, une meuf, genre vendeuse animatrice, et elle me propose de prendre un deuxième pack pour lequel elle me donnera un bon de réduction d'un euro cinquante.
- Ah, ouais, t'aurais eu huit bières blanches pour deux euros cinquante et des poussières.
- Ouais, mais bon, je n'ai pas réfléchi comme cela. J'avais l'argument « vélo » bien en tête qui rendait l'achat d'un deuxième pack tout à fait impossible et j'ai aussi l'arrière plan « alcoolisme familial » qui m'empêche psychologiquement d'avoir des stocks d'alcool chez moi.
- C'est-à-dire ?
- Ben, j'avais entendu que les chercheurs scientifiques supputaient qu'il existait un gène relatif aux addictions. Alors je ne sais pas où ils en sont de cette recherche mais je trouvais l'idée assez juste. Il y a des personnes qui sont sujettes aux addictions plus facilement que les autres et cela n'est pas du domaine de la psychologie.
- Ouais, c'est comme dans le film GATTACA, ton truc !
- Mais non, je dis que le psychologique entrera en ligne de compte dans ma lutte intime contre cette tendance personnelle et non pas pour expliquer les raisons de cette tendance.
- C'est-à-dire ?
- Par exemple, je ne serais pas alcoolique ou drogué ou tabagique parce que dans mon enfance bidule et truc ou encore machin chouette mais parce que j'ai une tendance physiologique à être addictif. Le sachant, je peux ainsi ne pas céder à cette pente de ma constitution physiologique et, par mon caractère, me défaire de cette façon propre à mon fonctionnement quasi organique.
- P'tain, mais tu penses à tout cela lorsque tu es au supermarché ?
- Non, mais j'essaye de vous familiariser avec le traitement et la gestion personnels des données personnelles, afin de vous libérer des machines.
- Bon, continue ton histoire... Donc t'es au supermarché, t'as décidé d'acheter quatre bières blanches en promo à deux euros, une animatrice machin truc te propose un deuxième pack de quatre bières à cinquante centimes, tu refuses parce que ta rationalité économique n'est pas que financière...
- Voilà... mais en fait, je suis surtout effrayée parce que je comprends que c'était déjà elle, l'animatrice vendeuse, qui précédemment discutait avec moi dans ma tête en cherchant à me convaincre d'acheter le premier pack !
- Quoi ? Qu'est-ce que tu racontes ? ...
- Si ! Moi , je comprends... Il m'est arrivé quasi le même truc. J'étais dans une zone promo d'un hypermarché, et j'ai été attirée par les eaux dentifrice, et c'était des eaux-gel dentifrice, c'était nouveau, en plus il y avait des paillettes, c'était joli, blabla et c'était une promo de 50% sur un produit qui coûtait habituellement presque cinq euros.
- Vraiment passionnant.
- Tu as tort de ne pas chercher à t'y intéresser...
- D'abord je me dis « oh super ce produit, en plus j'en ai besoin, blabla », et puis soudain, je me réveille et une grosse voix me dit « n'importe quoi, Manu, t'es pauvre, c'est cher et t'as pas du tout besoin de cette merdre. ». Je repose le produit et là, t'as une minette genre animatrice en tenue qui surgit de derrière le panneau où étaient rangées les eaux-gels dentifrice et je la vois prendre le flacon que j'avais eu entre les mains. Je me suis étonnée moi-même de penser qu' « elle réinitialisait un scénario positif avec décision d'achat en lien avec le produit » pour le prochain gogo qui passerait par là.
- C'est cela que certains désignant par le capitalisme magique ?
- Peut-être.
- Mais alors le marketing électoral, c'est pareil ? T'as des animatrices machin et truc qui vont se cacher dans les isoloirs et essayer de guider et d'influencer les personnes dans leurs votes ?
- Je ne crois pas que nous en soyons déjà là... enfin, disons que je l'espère...ce qui est sûr est que le traitement des données personnelles peut permettre des conditionnements plus raffinés, plus subtils voire plus efficaces.
- Et en lieu et place de demander à ce que les architectures des systèmes d'exploitation soient libres et ouverts et que les bases de données soient accessibles à tous, dans les médias, nous est parlé de NADAL et de son problème au poignet …
- Voilà.
- Je crois que vous exagérez.
- Je ne sais pas, moi je m'étais dit que toutes ces histoires au sujet de la loi travail machin truc étaient du au fait que cette loi a été taillée pour correspondre aux besoins des entreprises qui font leur fric sur internet. Ce sont ces boites-là qui ont besoin qu'à terme le contrat remplace la loi.
- Pourquoi ?
- Ben d'abord pour que tous les contrats d'utilisation blabla bidon que t'as signé sur le net soient effectifs et non pas litigieux voire caduques...
- Vouloir donner la primauté au contrat sur la loi n'est-ce pas plutôt une tentative de conversion de toute la société aux rapports sado-masochistes ?
- Moi, je croyais que le capitalisme était surtout lié au fétichisme ...
- Je crois que vous êtes tous et toutes dingues...
- Non, je crois que nous sommes lucides. Un pervers t'oblige à penser dans sa logique et t'empêche de trouver une issue qui te convienne en te persuadant que tu es tombé(e) dans un piège, qui en fait n'existe pas et n'est qu'un cadre mental.
- Et alors ?
- Et alors ce n'est pas parce que les entrepreneurs du net ont intérêt à ceci ou cela et ont besoin de trucs et de machins que ceci ou cela et trucs et machins constituent forcément et l'avenir et l'intérêt général de nos sociétés. …
- Je crois qu'il faut rappeler haut et fort que l'internet et les nouvelles technologies ne créent pas de richesses : ils optimisent, ils rationalisent, ils organisent, ils rendent plus efficaces, plus visibles, plus lisibles, etc..mais il n'y a pas de création de richesse …
- Je ne comprends pas.
- Moi, je suis fan de LAVOISIER et je comprends. « Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme ». Et les nouvelles technologies de même. C'est juste l'accélération qui peut leurrer, comme dans l'ingénierie financière, mais tôt ou tard, il y a toujours un rétablissement.
- Quel rapport avec LAVILLIERS ?
- LAVOISIER ! pas LAVILLIERS !
- Ouais, c'est bien joli leur internet et leur nouvelles technologies mais sans électricité, ils pourront se les fiche dans le Q !
- Ouais, et le métier de te faire acheter par proximité des produits dont tu n'as pas besoin ne servira à plus rien .
- Disons plutôt, afin de rester poli et fréquentable, que la civilisation des loisirs a échoué et qu'il nous faut revenir à la civilisation.
- N'est-ce pas plutôt à la nature qu'il faudrait revenir ?
- Laquelle ?
(à
suivre).
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