Papy MEUJOT passe son master II à l'Université.
Papy MEUJOT se reposait dans son jardin. Sa boite aux
lettres était remplie de courriers de l'université qu'il n'avait
pas encore ouvert. Suite à son malaise qui l'avait conduit à
l'hôpital, Papy MEUJOT n'avait pas pu se présenter aux examens de
fin d'année et à vrai dire avait totalement oublié qu'il passait
un master II à l'Université. Il avait toutefois lu la carte postale
envoyée par Josette ; « tout va bien, sommes au bord
de la mer, ne sais pas encore quand le bus repartira, à bientôt,
Josette » avait écrit Josette au dos d'une reproduction
d'un tableau de Gauguin récemment acheté par l'Etat du Qatar.
« Nous voilà bien, se disait Papy MEUJOT,
une fille qui se lance dans une carrière d'espionne rousse du
réel et qui se fait détourner de sa voie comme une bleue par un
bus ! » Papy MEUJOT était toutefois rassuré en son
for intérieur par les mouvements récents des agriculteurs et
éleveurs bretons qui réclamaient de pouvoir vivre de leur métier
et travail et qui, pour être entendus, bloquaient des sites
touristiques comme le Mont Saint-Michel et des autoroutes comme
l'A68. « Tant qu'il y aura des paysans, il y aura du réel !,
se disait-il, on ne liquide pas une profession qui a plus de deux
millions d'années comme on a pu en liquider d'autres qui n'avaient
que deux ou trois cents ans... faire pousser des plantes et s'occuper
des animaux obligent à être dans le réel, du moins c'est ce que je
crois... » Papy MEUJOT se
demandait toutefois qui était donc ce « on » opaque
qu'il évoquait lui-même faute de mieux. Parfois, il en venait à
élaborer la théorie de l'ectoplasme généré par la lâcheté des
uns et des autres, par les mesquineries des unes et des uns, bref, par
la somme de toutes les saloperies que plus d'un et ses autres
cherchent à maquiller derrière un tas de discours et qui tel un
golem devient ce « on » accusé d'être responsables de
tous les maux et les vilenies.... Papy MEUJOT se souvint de Josette
lui racontant s'être toujours méfiée de ce « on » dont
il lui avait été répété plus d'une fois alors qu'enfant et
pré-adolescente que « On » disait que les roux puaient.
« C'est bien cela,
se disait Papy MEUJOT, « on » est ce lâche
bourreau en chacun de nous qui ne veut pas construire un monde
meilleur mais juste sadiser et se distraire des effets du mal qu'il
répand ...» Conscient qu'il
broyait du noir, Papy MEUJOT respira profondément afin de retrouver
joie et entrain. Il tenta de se distraire en avançant en aveugle
dans ce qu'il savait de la masse noire qui nous entoure, constitue
80% de notre environnement et dont nous ne savons et ne voyons rien.
« est-ce que lorsque je suis dit « broyer du
noir », suis-je en fait vraiment en train de mâcher de la
matière noire ou enveloppé de matière noire ou broyer de la
matière noire ? » ,
se demandait Papy MEUJOT.
Papy MEUJOT respira
profondément et son esprit chercha à le distraire avec le souvenir
d'un article lu quelque part : il s'agissait d'une interview
du chorégraphe Angelin PREJLOCAJ qui, enthousiaste, parlait dans son
parcours de danseur de sa découverte de Merce CUNNINGHAM, et se
faisait objecter par une jeune journaliste que CUNNINGHAM avait rendu
« la danse abstraite », objection qui sonnait tel un
reproche. Papy MEUJOT en avait été tout étonné ; en effet,
ainsi que le lui avait expliqué Josette et pour ce que Papy MEUJOT
en avait compris, Merce CUNNIGHAM avait libéré les corps et la
danse en faisant basculer le « ballet » dans
l'abstraction. « Les jeunes ont oublié, mais la
danse était soumise à des récits psychologiques en sous-texte ou
en dérivé de rythmes musicaux qu'elle se devait d'illustrer !
Même les danses de GRAHAM étaient farcies de grosses références
mythologiques !
Rendre la danse abstraite signifiait la débarrasser de ce
qui n'est pas de la danse et la faire apparaître pour ce qu'elle
est : des corps et du mouvement, motion is emotion. That's it !
Et qu'ainsi, aussi, elle, la danse, puisse, ainsi, aussi, être
reconnue comme présente dans le spectacle du monde ! N'y a t'il
pas encore en France sur les déclarations des droits d'auteurs des
chorégraphes qui déposent leurs danses cette question de l'argument
qui traîne ? C'est de la danse chérie ! Pas de l'argu
qui ment ! La musique est-elle critiquée pour son abstraction ?
Tel un musicien travaille son instrument chaque jour, Merce CUNNIGHAM
a travaillé son corps et exploré des voies, tout cela paraît
évident aujourd'hui mais cela ne l'était pas du tout à
l'époque ! » Papy
MEUJOT était pessimiste quant à la possibilité d'une histoire de
l'art qui ne passe pas par les pratiques des arts : « Ce
sont de fausses histoires des arts qui raconteront toujours autre
chose que les histoires des arts, parce que servant d'autres intérêts
! De toutes les façons, les trois quarts des critiques des
arts sont de nos jours malades d’intellectualisme et c'est cet
intellectualisme pourri qui essaye également de remplacer les arts
eux-mêmes !» Puis,
content de lui-même et de ses pensées récentes qui le restituait
jeune et beau, Papy MEUJOT s'endormit dans sa chaise longue. Il
était confiant, il savait que quoiqu'il arrive, son téléphone
sonnerait à 18h00.
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