Notes de travail du critique d’art, commissaire d’expositions.
« Hier,
relu texte de Barthes sur le « j’aime, j’aime pas ».
Peut-être envisager sous cet angle le métier de commissaire ;
Présenter des œuvres que j’aime et dont l’iceberg intellectuel
consisterait en celui du choix de montrer puisqu’il est du ressort
de mon métier de voir ce qui se produit sous la façon contemporaine
propre à l’époque qui est censée être la nôtre. Peut-être
pourrais-je ainsi me libérer du poids non démographique d’avoir à
produire des textes cohérents intellectuellement sur les œuvres
données à voir ? Laisser ainsi la possibilité à la lecture
sensible de chaque spectateur de faire son chemin ? son propre
texte ? son propre catalogue ? Mais que donner en pâture
aux attachés de presse ? aux journalistes ? Aux médias ?
Mon propre corps ? M’obliger à coucher avec tous les
critiques d’art pour leur donner un aperçu du texte non écrit
présidant au choix des œuvres de l’exposition est-il un exercice
concevable ? raisonnable ? Y éprouvais-je moi-même du
plaisir ? et que dira ma petite amie (femme) ?
l’activité de commissaire d’expositions est-elle compatible avec
une vie monogame ? Peut-être devrais-je me limiter aux
attaché(e)s de presse qui ensuite oeuvreraient en direction des
journalistes ? et pourquoi les expositions devraient-elles
produire des textes ? Le meilleur texte sur le travail d’Isadora
Duncan n’est-il pas le court passage écrit par Robert Walser dans
l’institut Benjamenta sans que la chorégraphe n’y soit nommée
et par conséquent qu’il soit certain qu’il nous parle bien
d’elle ? et pourquoi des catalogues ? Et pourquoi pas
des jeux éducatifs ? des formules de menus de restaurant ?
des forfaits de téléphonie mobile tant qu’on y est , non vraiment
n’importe quoi.
[…]
Et
si je me décide à accepter le postmodernisme, je ne serais alors,
si j’ai bien compris, plus obligé de produire un discours
légitimant mes choix d’œuvres, je pourrais ainsi assumer
pleinement ma subjectivité ou mon intersubjectivité pour être plus
précis. Cependant pourrais-je alors demander les mêmes émoluments ?
Oui sans doute, puisque mon métier est de connaître à peu prés
tout ce qui se produit (enfin à peu prés tout ce qui se produit
grosso modo en Europe, à New-York et à Shangaï, si j’accepte le
point de vue postmoderniste) et que cela a un coût. Enfin, non,
puisque je suis à chaque fois invité, disons simplement parce qu’il
faut bien gagner ma vie, comme tout le monde, comme pour les autres
métiers, si j’accepte le point de vue postmodernisme. Ah, oui,
donc le postmodernisme en détruisant les grands récits de la
réussite sociale permettrait paradoxalement l’ouverture de grands
débats sur la valeur du travail et la juste rémunération de tous
les artisans de la confection du grand tissu social tout en
questionnant la nécessité de travailler plus de deux heures par
jour (moyenne annuelle) pour l’ensemble des humains habitant la
même planète ? […] »
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