LES RETHEURS, LES SOPHISTES et LA DENTISTE.



Il était une fois dans une commune éloignée d’une grande métropole des Provinces reculées de notre Grande Démocratie, une dentiste qui soignait fort particulièrement les dents. Elle avait rendu tous ses appareils techniques invisibles et ainsi de ses soins prodigués les habitants de cette commune éloignée s’en trouvèrent modifiés.


En ces temps anciens, notre Grande Démocratie était encore balbutiante, les citoyens et leurs représentants hésitants. Ainsi, les habitants de cette commune éloignée d’une grande métropole des Provinces reculées avaient leur logis dans des tours et se déplaçaient dans des diligences postales.
Lorsque les rhéteurs et les sophistes de notre grande Démocratie entendirent parler de l’événement des changements apparaissant dans cette commune éloignée et puisque ne sachant plus de quoi parler dans les parlements et autres dîners, décidèrent d’y aller voir. Peut-être trouveraient-ils là matière et argument à réanimer les conversations et débats nécessaire en ces temps-là à la création d’énergie et de dérèglements dans les métropoles ?
Chacun s’y rendit dans son carrosse respectif et descendit dans les meilleurs auberges de la grande métropole des Provinces reculées. Ils discutèrent, les uns, les autres, les uns les autres, avec les aubergistes et restaurateurs des meilleures cantines où se pressaient à les y inviter les apprentis rhéteurs et sophistes retraités y résidant. Les voyagistes leur firent découvrir les environs, cependant nul ne pouvait les accompagner dans cette commune éloignée où seuls y vivaient les habitants, la dentiste, quelques chiens errants, chats vagabondant, oiseaux migrants, et où seules s’y rendaient les diligences postales.
Les rhéteurs et les sophistes furent même invités à la première d’une opérette dont le livret était inspiré de l’histoire des habitants de cette commune éloignée et de leur dentiste. Comme d’aucuns ne savait l’invisibilité des appareils de la dentiste, le décorateur de l’opérette avait réalisé des œuvres monumentales afin de signifier la particularité des soins prodigués. Le compositeur s’en était plaint : la concurrence faite à l’écoute de sa musique et des chants par la vision des œuvres du décorateur lui semblait déloyale ; le directeur du théâtre l’ avait rassuré en évoquant l’œuvre d’art total et la transversalité des disciplines. Le soir de la première de l’opérette, le public était nombreux, attentif et concentré : la rumeur avait circulé que la chanteuse incarnant la dentiste était la maîtresse d’un représentant du centre de notre Grande Démocratie. Le metteur en scène de l’opérette était d’ailleurs l’auteur de cette rumeur : quoique partageant le lit de la dame en question, il souhaitait voir se drainer foule et badauds dans les balcons et orchestres des représentations. Après la première et tous les soirs suivants, les discussions et dîners furent très animés, chacun y allant de son interprétation sur le mystère des transformations et de la réalité de la relation entre la chanteuse et le représentant du centre. Cependant et pendant ce temps, les habitants de la commune éloignée continuait à se faire soigner les dents exceptionnellement, se modifiant.

Un conducteur de diligence postale qui s’était cassé une dent dans la commune éloignée parce que mangeant un sandwich en attendant le courrier et les habitants ne put aller se faire soigner les dents chez la fameuse dentiste. En effet, à cette époque, seuls les habitants d’une commune éloignée pouvait se faire soigner les dents par les dentistes y résidant. Puis il s’avéra que le dit conducteur de diligence postale s’était arraché lui –même la dent car elle était en or et qu’il avait des dettes. Les rhéteurs et les sophistes étaient déjà depuis fort longtemps retournés dans la Capitale proche du centre de notre grande Démocratie et avait déjà fortement débattu de la question de la possibilité d’établir un règlement sur les relations personnelles des représentants du centre. Ils en étaient à arguer de la nécessité des taxes sur le travail des voyagistes des grandes métropoles des Provinces reculées lorsque la nouvelle leur parvint. La dentiste de la commune éloignée avait disparu. Elle avait vu un cosaque se promenant à cheval par hasard sous ses fenêtres, avait entendu son chant typiquement cosaque qui l’avait envoutée : elle l’avait suivi immédiatement, emportant son secret, car, précisait la nouvelle, le matériel de la belle avait également disparu. Les rhéteurs et les sophistes en furent affectés un temps puis oublièrent tout de cette histoire.
Cependant, et depuis ce temps, les habitants de la commune éloignée n’éprouvèrent plus de besoin dont, anecdotiquement, celui de se faire soigner les dents et ce, notamment, de par leur modification.
Personne, d’ailleurs, ne put rendre compte de leur modification. En effet, en ces temps reculés, nul n’aurait eu l’idée saugrenue d’aller parler à un habitant d’une commune éloignée.

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