martine lit le bilan économique et social de l'année 1989, une brochure établie par le service économique et les correspondants du journal Le Monde (France) en 1989 et sous-titré « Vent D'est ». deuxième épisode.
Martine
poursuivit sa lecture du Bilan économique et social de l'année 1989
par un article inscrit dans la rubrique « sortir de la crise »
du chapitre « Débat », article intitulé « les
méfaits de la croissance » et écrit par monsieur Simon
CHARBONNEAU, présenté comme maitre de conférences à l'Université
de Bordeaux – I : « Tous les experts sont unanimes :
l'économie mondiale entre depuis quelque temps dans une phase
d'embellie. Après quinze années de crise, un immense espoir voit le
jour : la prosperité économique est en passe de réemprunter
la voie royale des « trente glorieuses ». Le chômage va
régresser et la consommation redémarrer grâce à nos sacrifices
salariaux, à la restructuration de notre économie et à la
compétitivité de nos entreprises. En avant toute sur la route de la
compétition économique internationale source de nouveaux progrès
et de bonheur pour le genre humain ! Tel pourrait être formulé
en peu de mots un des dogmes fondamentaux de nos sociétés
techniciennes, lui-même partie intégrante de la religion de la
croissance qui est la seule croyance effective existant aujourd'hui à
l'Ouest comme à l'Est. Cette idéologie imprègne la société
civile dans son ensemble.
Pourtant,
au début des années 70, alors que régnait encore la prospérité
économique, un courant critique vit le jour, avec la publication
d'ouvrages comme ceux de Denis MEADOUS, d'edward GOLDSMITH, ou de
Bernard CHARBONNEAU.
Cette
timide ouverture par rapport à l'idéologie bétonnée des « trente
glorieuses » ne résista guère à la crise des années 70. La
critique de la croissance devenait incongrue sinon inconvenante,
alors que les Français de débattaient entre l'inflation et la
chômage.
Pourtant,
un brin de réflexion montrait que la « crise » était
bien le produit logique de la formidable croissance des années
précédentes. Qu'il s'agisse de l'augmentation constante des
capacités de production de certaines branches de l'industrie, de
l'engorgement consécutif des marchés, de l'envolée brutale des
prix du consommation, il fallait en toute hypothèse, sans compter la
pression nouvelle des coûts externes (pollution, encombrements
divers, exode rural, etc.) , payer le prix fort de la croissance
facile des années précédentes.
Aujourd'hui,
la crispation sur le dogme est le signe infaillible de l'accumulation
des problèmes. Les faits sont en effet têtus. D'abord la croissance
dans les pays développés est de plus en plus difficile en raison
notamment de la mondialisation de l'économie : plus il y a de
pays qui accèdent aux techniques industrielles et se lancent dans
la croissance, plus la compétition économique internationale
devient dure. Ensuite une expression continue de notre richesse comme
de nos moyens est contraire aux lois élémentaires de la physique
comme de l'écologie. Les coûts de la croissance, de plus en plus
importants, sont là pour nous avertir du caractère inéluctable de
cette chute.
Sur
le plan social, la croissance tend à supprimer plus d'emplois
qu'elle n'en créait, surtout en termes d'emplois permanents
qualifiés. Cela est particulièrement net à l'échelle
internationale : la résorption du chômage dans un pays
signifie souvent, inévitablement, son aggravation dans un autre. De
plus, la révolution technique permanente, combinée ç la
compétition économique sauvage ; est à l'origine de
l'expulsion progressive de l'homme hors du monde du travail, à
l'exception d'une poignée de managers. La politique actuelle de la
CEE encourageant la mise en friche ne peut conduire qu'à une
intensification des derniers secteurs encore voués à l'agriculture.
Le système agroindustriel mène à une concentration croissante des
exploitations au détriment de la gestion de l'espace rural
La
fameuse croissance risque de se traduire rapidement par une
décroissance vertigineuse de nos ressources naturelles. Tout le
système actuel de la croissance repose d'ailleurs sur un mécanisme
de transferts de coûts écologiques dans l'espace et dans le temps.
Ainsi les générations à venir paieront-elles le prix fort de notre
fixation obsessionnelle. Face aux menaces de désordres en tout genre
qui accompagneront inévitablement l'effondrement de la croissance,
comment réagit le système ? Non par une remise en question de
ses objectifs mais par une accélération du mouvement.
Plus
que jamais, l'économie mondiale fonctionne sur le court terme, la
prévision n'étant opérationnelle que sur l'année et correspondant
à l'absence de finalité du système. Face à la vulnérabilité
croissante de l'économie et des systèmes techniques complexes qui
la font fonctionner, des régulations sont mises au point qui, à
leur tour, justifient la prise de nouveaux risques et induisent de
nouvelles fragilités.
Peut-être
est-il encore temps de réfléchir à l'après-croissance. Cela
nécessiterait d'abord d'arrêter de multiplier les bombes à
retardement sociales et écologiques que nous prépare la recherche
scientifique imbriquée dans la croissance économique et que nous
impose la technocratie ou le marché. Cela veut dire ensuite
réfléchir à une décélération contrôlée de l'économie
mondiale qui seule permettrait de limiter les dégâts existants et
surtout à venir.
La
restauration progressive des autonomies, en particulier
agroalimentaires, des économies régionales et locales, serait un
élément essentiel de cette politique. Un monde où des Africains
sont nourris par l'aide alimentaire des pays industriels et le bétail
de ces derniers nourri par des tourteaux d'arachides afin de produire
des excédents de lait ou de viande est un monde absurde. »
Il
semblait à Martine que le texte aurait pu étre publié en 2014 sans
presqu'aucune correction : « Est-ce à dire qu'en
vingt-cinq ans, il ne se serait rien passé ? », Se
demandait Martine, pressentant que sa question était mal formulée
parce que regardant le problème sous un faux angle . Mais
de quel problème s'agissait -il ?
[ne
s'agirait-il pas qu'en fait au lieu d'un problème, ce soit une
multitude de petits problèmes qui se sont cristallisés soudain en
un merdier informe en raison d'une masse critique de petits problèmes
atteinte?]
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