Je me souviens de monsieur TOUABI (les années 70)





Je me souviens de monsieur TOUABI : il était à la fin des années 70 le surveillant général du collège d'Evian-les-bains où nous étions scolarisés et qui était un ancien monastère aménagé. Je me souviens de son bureau qui était une grande pièce très haute de plafond, avec de grandes fenêtres et qui se trouvait à la suite d' une première pièce aveugle et remplie de planning qu'il fallait d'abord traverser et où se trouvaient généralement des surveillants qui étaient tous des étudiants et que nous qualifions de « pions » par habitude langagière et non par expression d'une opinion ; ainsi monsieur TOUABI était-il le « surg ».La porte du bureau de monsieur TOUABI était quasiment toujours ouverte et c'était monsieur TOUABI qui , dans son bureau , avait donné, à nous les internes, les médicaments préventifs néce ssaires aux personnes ayant été en contact a vec un cas de méningite déclaré.(Cf. Un épisode précédent) . Ce n'est qu'aujourd'hui, soit 2014, que je me rends compte que monsieur TOUABI devait être maghrébin ou juif pied noir compte également que dans mon esprit il est associé à monsieur jean-pierre elkabach. C'est-à-dire que je superpose mon souvenir de monsieur TOUABI à monsieur ELKABACH quand j'entends ce dernier à la radio ou le vois la télévision . Et réciproquement lorsque j'essaye de me souvenir précisément de monsieur TOUABI par delà sa silhouette, j'y vois monsieur Elkabach. Je me souviens également vaguement de grafittis inscrits sur des murs ou des tables insultant monsieur TOUABI en faisant des jeux de mots douteux avec son nom de famille et le mot « BITE », mot que je n'avais jamais entendu avant d'aller à l'internat et au collège d'Evian-les-Bain , ville dont le maire fut assassiné par l'OAS en peut-être 1962 à la suite des accords dit d'Evian marquant la fin de la guerre d'Algérie.
Je me souviens trouver monsieur TOUABI injuste parce que lorsqu'il rentrait dans une étude où personne n'étudiait mais tout le monde et chacun discutaient haut et fort tout en faisant des batailles d'avions en papier, monsieur TOUABI entrait dans la salle, se tenait debout dans l'encadre de la porte, gueulait un peu et nommait deux ou trois personnes dans le tas pour faire taire le chahut et ramener le calme nécessaire à l'étude. Je trouvais injuste d'être systématiquement nommée et une amie m'avait expliqué que des cheveux roux se repèrent plus facilement dans la foule ( cf. un épisode précédent). Je me souviens un jour être avec d'autres dans son grand bureau. Il est assis, il y a du soleil, nous sommes debout et nous avons du faire des bêtises parce que monsieur TOUABI nous demande de lui rédiger des rédactions en guise de punition, quelqu'un demande le thème et il nous demande de lui décrire un arbre. Je me souviens demander si un arbre du collège, il s’énerve et dit « ah!non, parce que cela sera encore un moyen de critiquer le collège et de dire que la cour est trop petite ou sale, et j'en a marre. Juste un arbre, décrivez un arbre ! » Je ne me souviens plus du tout de la rédaction que j'ai faite ou j'ai un vague souvenir de conclure que ce n'était pas la peine de couper un arbre pour faire du papier sur lequel écrire une telle rédaction. Bien sûr, nous aurions pu prendre l'exercice au sérieux et nous planter devant un arbre, nous y coller et tenter de le faire, tenter de décrire un arbre : mais nous étions si bêtes, si parasités par les propagandes des industries musicales, cinématographiques et textiles, et surtout si mal éduqué quant à l'usage de la langue, nous ne recyclions des phrases que nous avions entendu ou lu pour nous débarrasser de ces corvées à rédiger pour les cours de français qui ne nous intéressaient guère. Et peut-être faisions nous de même à l'oral, surtout avec les adultes. J'ai appris récemment que FLAUBERT aurait suggéré au jeune MAUPASSANT désireux d'apprendre les lettres l'exercice de décrire un arbre. Aujourd'hui, je suppose que monsieur TOUABI connaissait cette anecdote. Il me semble d'ailleurs me souvenir que monsieur TOUABI nous avait dit avoir été déçu par nos copies, peut-être est-ce que j'invente, en tout cas, aujourd'hui, je me rends compte que monsieur TOUABI nous prêtait attention ; Les autres adultes prêtaient attention d'abord à eux-mêmes. Il nous aimait peut-être même un peu, un peu comme certains gendarmes aiment certains voIeurs. Il savait que ce n'est pas si simple d'accepter ce qui nous est proposé. Il savait que nous avions raison de nous méfier.

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