Joseph et Louis, épisode 2
Joseph et Louis
allèrent au café pour rejoindre Georges, Maurice, Lucy et les
autres. Là-bas, la Récamier faisait une lecture à haute voix du
programme de la gauche politique française en 1972, programme qui
avait été édité chez Flammarion et fait l'objet d'une préface de
François Mitterrand :
« La
sécurité reste le premier souci des Français. La vieillesse, le
chômage, la maladie constituent dans la société actuelle une
hantise pour des millions d'êtres.
Un effort massif
et immédiat devra être fait pour mettre fin au scandale intolérable
qu'est dans notre pays la misère des vieux.
L'âge pour
bénéficier d'une pleine retraite sera abaissé à soixante ans pour
les catégories dont les conditions de travail et de vie sont les
plus pénibles 'manœuvres, ouvriers à la chaine).
Le taux des
pensions de retraite sera relevé de manière dégressive, en
commençant par les plus basses.
Un revenu minimum
de 9 000 F/an (soit 75% du S.M.I.C.) sera assuré dans les meilleurs
délais à tous les vieux travailleurs.
L'ensemble de ces
mesures représentera un coût supplémentaire annuel de croisière
de 15 milliards.
L'allocation de
chômage minimale sera portée au niveau du SMIC : 1000 F.
En matière
d'assurance maladie, le ticket modérateur sera ramené dans un
premier stade, à son niveau d'avant 1967 : 20% . Il sera
supprimé pour les soins hospitaliers qui deviendront gratuits.
Enfin il sera créé
une allocation spéciale pour les handicapés.
Dix sept mesures
concrètes et immédiates pour améliorer les conditions de vie des
travailleurs :
- SMIC à 1 000 F.
- Retour planifié aux 40 heures sans diminution de salaires.
- Retraite à 60 ans pour les travailleurs exerçant des métiers pénibles.
- Revenu minimum des vieux travailleurs doublés.
- Echelle mobile des salaires.
- Ticket modérateur de l'assurance maladie ramené à 20%.
- Gratuité des soins hospitaliers.
- Allocation spéciale pour les handicapés.
- Réforme de l'I.V.D. pour les agriculteurs.
- Création d'offices fonciers ruraux.
- Création d'un office de la viande, d'un office des fruits et légumes et d'un office du vin.
- Statut du salarié agricole .
- Rétablissement des exonérations fiscales au profit de la coopération
- Plan général d'aide aux petits commerçants et artisans.
- Nouveau statut des conventions collectives.
- Relèvement de l'allocation de chômage minimale à 1 000 F.
- Réforme de l'impôt sur le revenu (relèvement des abattements à la base).
Deuxième
Objectif : améliorer la vie quotidienne des Français en
ouvrant la voie à un type nouveau de société …. »
« Y en a
marre d'entendre çà ! Ce n'est pas la peine de nous gratter le
Q avec ce vieux texte de propagande d'il y a plus de quarante ans ! »
La Récamier
s'arrêta de lire et vit un personnage habillé en Père Noêl debout
dans l'assemblée du café. C'était lui qui venait de prendre la
parole en l'interrompant. Il haranga ensuite les personnes
présentes :
« Allez,
reprenez en choeur avec moi : « ce n'est pas la peine de
se gratter le Q ! ce n'est pas la peine de se gratter le Q !
ce n'est pas …. »
La Récamier le
vit alors se faire ceinturer par quatre ou cinq personnes qui
l'emmenèrent à l'extérieur du café où ils commencèrent une
danse de capoeira. La Récamier constata que le Père Noêl n'avait
fait qu'exprimer le désir de l'assemblée puisque les uns et les
autres s'étaient empressés de commencer des conversations ici et là
rendant impossible pour la Récamier la reprise de sa lecture.
« Pourtant, se disait La Récamier, c'est bien en lisant ce
texte du programme commun de la gauche politique de 1972 qu'il sera
possible en France de réveiller les forces vives de la gauche
politique française par delà le parti socialiste de 2013 qui se
présente tel un parti de gouvernement et par delà Jean-Luc
Melenchon qui semble payé par l'industrie de l'entertainement pour
bien éviter toute possibilité de retour de la gauche politique ».
La Récamier prit alors conscience qu'elle se grattait le postérieur
machinalement depuis l'interruption de sa lecture. Elle alla
s'asseoir à une table où une discussion s'était enclenchée sur la
nullité du dernier ouvrage de Marie Darrieusecq et sur le contexte
médiatique des insultes racistes proférées envers la ministre de
la Justice qui seul pouvait expliquer l'attribution du Prix Médicis
à ce ramassis de conneries. Certains évoquaient la possibilité de
la sénilité du jury.
- Moi, je crois que c'est la maison d'édition qui a orchestré la campagne d'insultes racistes afin de créer un contexte d'actualités porteur pour le livre !
- c'est bien ce que je croyais, t'es complétement givré !
- Bah, pire a déjà été vu …
- Quoi,quel pire ? Encore plus givré ou encore pire manipulation ?
Joseph et Louis
avait profité de l'interruption pour se rapprocher de Georges.
- Salut, Georges ! Çà và !
- Çà ira !
- Ouais, c'est cela : « ah, çà ira ! Çà ira !... » Et en attendant ?
- Ben, j'ai un projet d'écrire une pièce de théâtre intitulé « les trois frères ou Pierre, victor et nicolas » mais bon, je prends mon temps... De toute façon, il y a déjà tellement de textes intéressants à lire parmi ceux publiés depuis l'Antiquité et tant d'imbécilités à lire pour se divertir que je ne suis pas pressé de rajouter ma propre contribution,
- Il me semble que j'ai du écrire un projet semblable quelque part, dit Joseph, mais le titre était « les trois fils » ...
- Ben , si ce sont des frères, ce sont des fils, non ?
La Rousse tenta
une entrée dans leur conversation mais georges dévia :
- Quelqu'un a des nouvelles de Lucy ?
- Elle est en exil, je crois, non ?
- A la façon d'Ovide ?
- Oui ce doit être cela, comme Ovide.
- Tu veux dire qu'elle est en Pologne, demanda La rousse
- Non.
Puis ils se turent
et écoutèrent la conversation du groupe d'à côté.
Ceux-là
discutaient de la débilité des médias qui parle sans cesse des
Pussy Riot et quasiment jamais de Valentin Ossourov . Défendre
le droit de jouer du rock de façon impromptu dans une église leur
paraissait bien dérisoire comme combat international et leur
semblait plus urgent de défendre internationalement le droit de
grève pour défendre le droit d'être payé décemment dans chaque
pays du globe terrestre.:
- Ecoute, si demain, en France, un groupe quasi inconnu allait jouer à Notre Dame de Paris sans autorisation avant une messe en chantant « Hollande dehors . !», il aurait aussi sans doute des ennuis avec la police, ils n'iraient pas en camp de travail soit mais c'est comme cela, les espaces publics sont réglementés. Et bon, l''état de droit ce n'est pas le pied mais la jungle, à mon avis c'est pire !
- Les autorités russes ont fait croire que Valentin Ossourov était un trafiquant de drogues pour pouvoir le supprimer en tant que leader d''un mouvement ouvrier demandant des augmentations de salaires, ce sont des procédés de mafieux !
- Ben, il était peut-être vraiment un dealer, qu'est-ce que vous en savez ?
- T'as déjà vu un dealer de drogue choisir comme couverture le métier de mineur, toi ? Non mais n'importe quoi !
- Ben, en Afrique du Sud, c'est pareil, les mineurs ont fait grêve, la police leur a tiré dessus, les médias occidentaux en ont un peu parlé, mais comme il n'y a plus l'apartheid, le sujet est vite balayé parce que ce que racontent ces grèves de mineurs et les volontés politiques de casser les grêves c'est que pour qu'il y ait des riches, il faut bien qu'il y ait des pauvres. Et que cette vérité ne se cache plus derrière aucun masque déformant.
- Si il y a encore le masque déformant de la différence sexuelle.
- D'où les Pussy Riot …
- Défendue par Paul Mac Cartney et Jeanne Moreau , svp 11-11 !
- Oh, çà va, les Pussy Riot ont aussi besoin aussi d'être défendues, non ?
- Ouais, mais le droit de grève des ouvriers exploités aussi et là je ne crois pas que Paul Mac Cartney ou Jeanne Moreau ait dit quelque chose sur le sujet.
- Je crois que Mac Cartney s'est fait annoblir sous Thatcher, non ?
- Non, je crois que c'était avant, lorsqu'il était encore un beatle,
- Tu veux dire une blette ?
- En tout cas, en Europe, nos sociétés sont plus sophistiquées : le droit de grève est maintenue mais il y a suppression du travail et possibilité de faire appel à des travailleurs de l'union européenne qui acceptent des salaires à trois euros de l'heure alors que le SMIC horaire est à 9 euros quarante trois !
- Bientôt, certains vont demander aux travailleurs de payer pour pouvoir travailler !
- Comme quoi, ce n'est pas idiot de la part de La Récamier de nous lire « le programme commun de la gauche politique française en 1972 »
- Ouais, moi, je n'en peux plus de ces sociétés pourries où chacun veut devenir milliardaire et fréquenter des milliardaires pour vivre une vie de milliardaire sans comprendre que c'est cet espoir débile de minet ou midinette qui rend toutes les saloperies possibles !
Puis le groupe
évoqua les grèves au Bengladesh et la revendication des grévistes
à un salaire décent. Puis le groupe s'interrogea sur la mise en
scène médiatique du « renoncement » du patron du groupe
Peugeot société anonyme à sa retraite dite chapeau c'est-à-dire à
la rente s'ajoutant à sa déjà pension de retraite, rente de
plusieurs millions d'euros : « A-t'on déjà vu des journaux
faire la une du renoncement d'Arsène Lupin à cambrioler une maison
qui a déjà été cambriolée ? » se demandaient-ils.
Joseph, Louis et Georges décidèrent d'un commun muet accord de se
changer les idées et sortirent du café afin de regarder ceux qui
continuaient à danser la capoiera.
- Attendez-moi ! dit la Rousse
- Ah ! Non, pas de dictionnaire avec nous !
- Bah, si je n'existais vous devriez m'inventer …. et regardez ! Là ! Qui danse la capoiera ?
- Ah ! Ouais, tiens, c'est Robert le Petit.
Georges entra
alors à son tour dans la danse. Un grand cercle de badauds
entouraient chaque couple de danseurs qui allaient et venaient depuis
le cercle. Quelqu'un jouait du saxophone.
Il se mit à
neiger et Joseph et Louis commencèrent à discuter avec La Rousse.
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