Note technique stratégique concernant les positionnements en Syrie :
Rappel
historique concernant le récit du commandant Ulysse dans la campagne de
l'Odyssée :
Ô
amis, nous n'ignorons pas les maux. N'avons nous pas enduré un mal
pire
quand le kyklôps nous tenait renfermés dans sa caverne creuse avec
une
violence horrible ? Mais, alors, par ma vertu, par mon intelligence
et
ma
sagesse, nous lui avons échappé. Je ne pense pas que vous l'ayez
oublié.
Donc, maintenant, faites ce que je dirai ; obéissez tous. Vous,
assis
sur
les bancs, frappez de vos avirons les flots profonds de la mer ; et
toi,
pilote,
je t'ordonne ceci, retiens-le dans ton esprit, puisque tu tiens le
gouvernail
de la nef creuse. Dirige-la en dehors de cette fumée et de ce
courant,
et gagne cet autre écueil. Ne cesse pas d'y tendre avec vigueur, et
tu
détourneras notre perte.
Je
parlai ainsi, et ils obéirent promptement à mes paroles ; mais je
ne leur
dis
rien de Skyllè, cette irrémédiable tristesse, de peur
qu'épouvantés, ils
cessassent
de remuer les avirons, pour se cacher tous ensemble dans le
fond
de la nef. Et alors j'oubliai les ordres cruels de Kirkè qui m'avait
recommandé
de ne point m'armer. Et, m'étant revêtu de mes armes
splendides,
et, ayant pris deux, longues lances, je montai sur la proue de la
nef
d'où je croyais apercevoir d'abord la rocheuse Skyllè apportant la
mort
à
mes compagnons. Mais je ne pus la voir, mes yeux se fatiguaient à
regarder
de tous les côtés de la roche noire.
Et
nous traversions ce détroit en gémissant. D'un côté était Skyllè
; et, de
l'autre,
la divine Kharybdis engloutissait l'horrible eau salée de la mer ;
et,
quand
elle la revomissait, celle-ci bouillonnait comme dans un bassin sur
un
grand feu, et elle la lançait en l'air, et l'eau pleuvait sur les
deux écueils.
Et,
quand elle engloutissait de nouveau l'eau salée de la mer, elle
semblait
bouleversée
jusqu'au fond, et elle rugissait affreusement autour de la
roche
; et le sable bleu du fond apparaissait, et la pâle terreur saisit
mes
compagnons.
Et nous regardions Kharybdis, car c'était d'elle que nous
attendions
notre perte ; mais, pendant ce temps, Skyllè enleva de la nef
creuse
six de mes plus braves compagnons. Et, comme je regardais sur la
nef,
je vis leurs pieds et leurs mains qui passaient dans l'air ; et ils
m'appelaient
dans leur désespoir.
De
même qu'un pêcheur, du haut d'un rocher, avec une longue baguette,
envoie
dans la mer, aux petits poissons, un appât enfermé dans la corne
d'un
boeuf sauvage, et jette chaque poisson qu'il a pris, palpitant, sur
le
rocher
; de même Skyllè emportait mes compagnons palpitants et les
dévorait
sur le seuil, tandis qu'ils poussaient des cris et qu'ils tendaient
vers
moi
leurs mains. Et c'était la chose la plus lamentable de toutes celles
que
j'aie
vues dans mes courses sur la mer.
Après
avoir fui l'horrible Kharybdis et Skyllè, nous arrivâmes à l'île
irréprochable
du dieu. Et là étaient les boeufs irréprochables aux larges
fronts
et les gras troupeaux du Hypérionide Hèlios. Et comme j'étais
encore
en mer, sur la nef noire, j'entendis les mugissements des boeufs
dans
les étables et le bêlement des brebis ; et la parole du divinateur
aveugle,
du Thébain Teirésias, me revint à l'esprit, et Kirkè aussi qui
m'avait
recommandé d'éviter l'île de Hèlios qui charme les hommes. Alors,
triste
dans mon coeur, je parlai ainsi à mes compagnons :
.
Écoutez mes paroles, compagnons, bien qu'accablés de maux, afin que
je
vous
dise les oracles de Teirésias et de Kirkè qui m'a recommandé de
fuir
promptement
l'île de Hèlios qui donne la lumière aux hommes. Elle m'a dit
qu'un
grand malheur nous menaçait ici. Donc, poussez la nef noire au delà
de
cette île.
Je
parlai ainsi, et leur cher coeur fut brisé. Et, aussitôt,
Eurylokhos me
répondit
par ces paroles funestes :
.
Tu es dur pour nous, ô Odysseus ! Ta force est grande, et tes
membres ne
sont
jamais fatigués, et tout te semble de fer. Tu ne veux pas que tes
compagnons,
chargés de fatigue et de sommeil, descendent à terre, dans
cette
île entourée des flots où nous aurions préparé un repas abondant
; et
tu
ordonnes que nous errions à l'aventure, pendant la nuit rapide, loin
de
cette
île, sur la sombre mer ! Les vents de la nuit sont dangereux et
perdent
les
nefs. Qui de nous éviterait la kèr fatale, si, soudainement,
survenait une
tempête
du Notos ou du violent Zéphyros qui perdent le plus sûrement les
nefs,
même malgré les dieux ? Maintenant donc, obéissons à la nuit
noire,
et
préparons notre repas auprès de la nef rapide. Nous y remonterons
demain,
au matin, et nous fendrons la vaste mer.
Eurylokhos
parla ainsi, et mes compagnons l'approuvèrent. Et je vis
sûrement
qu'un daimôn méditait leur perte. Et je lui dis ces paroles ailées
:
.
Eurylokhos, vous me faites violence, car je suis seul ; mais
jure-moi, par
un
grand serment, que, si nous trouvons quelque troupeau de boeufs ou de
nombreuses
brebis, aucun de vous, de peur de commettre un crime, ne
tuera
ni un boeuf, ni une brebis. Mangez tranquillement les vivres que nous
a
donnés l'immortelle Kirkè.
Je
parlai ainsi, et, aussitôt, ils me le jurèrent comme je l'avais
ordonné. Et,
après
qu'ils eurent prononcé toutes les paroles du serment, nous arrêtâmes
la
nef bien construite, dans un port profond, auprès d'une eau douce ;
et
mes
compagnons sortirent de la nef et préparèrent à la hâte leur
repas. Puis,
après
s'être rassasiés de boire et de manger, ils pleurèrent leurs chers
compagnons
que Skyllè avait enlevés de la nef creuse et dévorés. Et, tandis
qu'ils
pleuraient, le doux sommeil les saisit. Mais, vers la troisième
partie
de
la nuit, à l'heure où les astres s'inclinent, Zeus qui amasse les
nuées
excita
un vent violent, avec de grands tourbillons ; et il enveloppa la
terre
et
la mer de brouillards, et l'obscurité tomba de l'Ouranos.
Et
quand Éôs aux doigts rosés, née au matin, apparut, nous traînâmes
la nef à l'abri dans une caverne profonde. Là étaient les belles
demeures des
nymphes
et leurs sièges. Et alors, ayant réuni l'agora, je parlai ainsi :
.
Ô amis, il y a dans la nef rapide à boire et à manger.
Abstenons-nous
donc
de ces boeufs, de peur d'un grand malheur. En effet, ce sont les
boeufs
terribles et les illustres troupeaux d'un dieu, de Hèlios, qui voit
et
entend
tout.
Je
parlai ainsi, et leur esprit généreux fut persuadé. Et, tout un
mois, le
Notos
souffla perpétuellement ; et aucun des autres vents ne soufflait,
que
le
Notos et l'Euros. Et aussi longtemps que mes compagnons eurent du
pain
et du vin rouge, ils s'abstinrent des boeufs qu'ils désiraient
vivement ;
mais
quand tous les vivres furent épuisés, la nécessité nous
contraignant,
nous
fîmes, à l'aide d'hameçons recourbés, notre proie des poissons et
des
oiseaux
qui nous tombaient entre les mains. Et la faim tourmentait notre
ventre.
Alors,
je m'enfonçai dans l'île, afin de supplier les dieux, et de voir si
un
d'entre
eux me montrerait le chemin du retour. Et j'allai dans l'île, et,
laissant
mes compagnons, je lavai mes mains à l'abri du vent, et je suppliai
tous
les dieux qui habitent le large Olympos. Et ils répandirent le doux
sommeil
sur mes paupières. Alors, Eurylokhos inspira à mes compagnons
un
dessein fatal :
.
Écoutez mes paroles, compagnons, bien que souffrant beaucoup de
maux.
Toutes les morts sont odieuses aux misérables hommes, mais mourir
par
la faim est tout ce qu'il y a de plus lamentable. Allons ! saisissons
les
meilleurs
boeufs de Hèlios, et sacrifions-les aux immortels qui habitent le
large
Ouranos. Si nous rentrons dans Ithakè, dans la terre de la patrie,
nous
élèverons
aussitôt à Hèlios un beau temple où nous placerons toute sorte de
choses
précieuses ; mais, s'il est irrité à cause de ses boeufs aux
cornes
dressées,
et s'il veut perdre la nef, et si les autres dieux y consentent,
j'aime
mieux
mourir en une fois, étouffé par les flots, que de souffrir plus
longtemps
dans cette île déserte.
Eurylokhos
parla ainsi, et tous l'applaudirent. Et, aussitôt, ils entraînèrent
les
meilleurs boeufs de Hèlios, car les boeufs noirs au large front
paissaient
non
loin de la nef à proue bleue. Et, les entourant, ils les vouèrent
aux
immortels
; et ils prirent les feuilles d'un jeune chêne, car ils n'avaient
point
d'orge blanche dans la nef. Et, après avoir prié, ils égorgèrent
les
boeufs
et les écorchèrent ; puis, ils rôtirent les cuisses recouvertes
d'une
double
graisse, et ils posèrent par-dessus les entrailles crues. Et,
n'ayant
point
de vin pour faire les libations sur le feu du sacrifice, ils en
firent avec
de
l'eau, tandis qu'ils rôtissaient les entrailles. Quand les cuisses
furent
consumées,
ils goûtèrent les entrailles. Puis, ayant coupé le reste en
morceaux,
ils les traversèrent de broches.
Alors,
le doux sommeil quitta mes paupières, et je me hâtai de retourner
vers
la mer et vers la nef rapide. Mais quand je fus près du lieu où
celle-ci
avait
été poussée, la douce odeur vint au-devant de moi. Et, gémissant,
je
criai
vers les dieux immortels :
.
Père Zeus, et vous, dieux heureux et immortels, certes, c'est pour
mon
plus
grand malheur que vous m'avez envoyé ce sommeil fatal. Voici que
mes
compagnons, restés seuls ici, ont commis un grand crime.
Aussitôt,
Lampétiè au large péplos alla annoncer à Hèlios Hypérionide que
mes
compagnons avaient tué ses boeufs, et le Hypérionide, irrité dans
son
coeur,
dit aussitôt aux autres dieux :
.
Père Zeus, et vous, dieux heureux et immortels, vengez-moi des
compagnons
du Laertiade Odysseus. Ils ont tué audacieusement les boeufs
dont
je me réjouissais quand je montais à travers l'Ouranos étoilé, et
quand
je
descendais de l'Ouranos sur la terre. Si vous ne me donnez pas une
juste
compensation
pour mes boeufs, je descendrai dans la demeure d'Aidès, et
j'éclairerai
les morts.
Et
Zeus qui amasse les nuées, lui répondant, parla ainsi :
.
Hèlios, éclaire toujours les immortels et les hommes mortels sur la
terre
féconde.
Je brûlerai bientôt de la blanche foudre leur nef fracassée au
milieu
de la sombre mer.
Et
j'appris cela de Kalypsô aux beaux cheveux, qui le savait du
messager
Herméias.
Étant
arrivé à la mer et à ma nef, je fis des reproches violents à
chacun de
mes
compagnons ; mais nous ne pouvions trouver aucun remède au mal,
car
les boeufs étaient déjà tués. Et déjà les prodiges des dieux
s'y
manifestaient
: les peaux rampaient comme des serpents, et les chairs
mugissaient
autour des broches, cuites ou crues, et on eût dit les voix des
boeufs
eux-mêmes. Et, pendant six jours, mes chers compagnons
mangèrent
les meilleurs boeufs de Hèlios, les ayant tués. Quand Zeus
amena
le septième jour, le vent cessa de souffler par tourbillons. Alors,
étant
montés sur la nef, nous la poussâmes au large ; et, le mât étant
dressé,
nous
déployâmes les blanches voiles. Et nous abandonnâmes l'île, et
aucune
autre terre n'était en vue, et rien ne se voyait que l'Ouranos et la
mer.
Alors
le Kroniôn suspendit une nuée épaisse sur la nef creuse qui ne
marchait
plus aussi vite, et, sous elle, la mer devint toute noire. Et
aussitôt
le
strident Zéphyros souffla avec un grand tourbillon, et la tempête
rompit
les
deux câbles du mât, qui tomba dans le fond de la nef avec tous les
agrès.
Et il s'abattit sur la poupe, brisant tous les os de la tête du
pilote, qui
tomba
de son banc, semblable à un plongeur. Et son âme généreuse
abandonna
ses ossements. En même temps, Zeus tonna et lança la foudre
sur
la nef, et celle-ci, frappée de la foudre de Zeus, tourbillonna et
s'emplit
de
soufre, et mes compagnons furent précipités. Semblables à des
corneilles
marines, ils étaient emportés par les flots, et un dieu leur refusa
le
retour. Moi, je marchai sur la nef jusqu'à ce que la force de la
tempête
eût
arraché ses flancs. Et les flots l'emportaient, inerte, çà et là.
Le mât
avait
été rompu à la base, mais une courroie de peau de boeuf y était
restée
attachée.
Avec celle-ci je le liai à la carène, et, m'asseyant dessus, je fus
emporté
par la violence des vents.
Alors,
il est vrai, le Zéphyros apaisa ses tourbillons, mais le Notos
survint,
m'apportant
d'autres douleurs, car, de nouveau, j'étais entraîné vers la
funeste
Kharybdis. Je fus emporté toute la nuit, et, au lever de Hèlios,
j'arrivai
auprès de Skyllè et de l'horrible Kharybdis, comme celle-ci
engloutissait
l'eau salée de la mer. Et je saisis les branches du haut figuier,
et
j'étais suspendu en l'air comme un oiseau de nuit, ne pouvant
appuyer
les
pieds, ni monter, car les racines étaient loin, et les rameaux
immenses
et
longs ombrageaient Kharybdis ; mais je m'y attachai fermement,
jusqu'à
ce
qu'elle eût revomi le mât et la carène. Et ils tardèrent
longtemps pour À l'heure où le juge, afin de prendre son repas,
sort de l'agora où il juge les nombreuses contestations des hommes,
le mât et la carène rejaillirent de
Kharybdis
; et je me laissai tomber avec bruit parmi les longues pièces de
bois
et, m'asseyant dessus, je nageai avec mes mains pour avirons. Et le
père
des dieux et des hommes ne permit pas à Skyllè de me voir, car je
n'aurais
pu échapper à la mort. Et je fus emporté pendant neuf jours, et,
la
dixième
nuit, les dieux me poussèrent à l'île Ogygiè, qu'habitait
Kalypsô,
éloquente
et vénérable déesse aux beaux cheveux, qui me recueillit et qui
m'aima.
Mais pourquoi te dirais-je ceci ? Déjà je te l'ai raconté dans ta
demeure,
à toi et à ta chaste femme ; et il m'est odieux de raconter de
nouveau
les mêmes choses.
Homere,
L'Odyssée,www.inlibroveritas.net/oeuvres/1512/l-odyssee
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