le peuple roux, conférence de LAROUSSE
« J’ai
longtemps cru que l’Irlande était l’Israël des roux. Quelqu’un
avait du me dire lorsqu’enfant que les roux y étaient majoritaires
pour que je n’en conclue le pays analogue à celui de la terre
promise du peuple errant. La complexité du peuple roux réside dans
la non existence de trace écrite et de tradition culturelle propre,
dans sa non existence réelle puisque peuple fantasmatique né de la
peur archaïque de ce qui apparaît diffèrent du même. Alors
qu’enfant, une personne m’avait dit à l’école « tu ne
peux pas comprendre parce que tu es rousse. », je demandais à
ma mère « qu’est-ce qu’être roux ? ». Celle-ci
repoussant sa chevelure rousse me répondit : « estime-toi
heureuse, à mon époque, on nous jetait des pierres, les roux sont
beaucoup plus tolérés maintenant. ». Puis, je vis un film
peut-être le sac de billes où l’on voyait un enfant pendant la
seconde guerre mondiale se faire traiter de sale juif à l’école
et demander ensuite à sa mère qu’est-ce que c’est être juif.
La mère lui fit une réponse pleine d’ « amour »,
lui décrivant un peuple cultivé et raffiné, l’enfant fût fier
d’être juif, dit haut et fort qu’il était juif puis ils eurent
des ennuis, et fûrent raflés par la police. Ma mère dit que la
mère avait mal fait et qu’elle aurait dû expliquer à l’enfant
qu’il ne fallait pas dire qu’il était juif parce que les autres
n’aiment pas les juifs et qu’ainsi ils n’auraient pas eu tous
ses problèmes. ....
Au
collège, alors que je râlais de toujours me faire engueuler
nominalement lorsque une salle d’étude était en chahut par le
surveillant général qui passait par là, ma copine F. me fit
remarquer qu’il était plus facile pour un surveillant général
d’identifier dans la foule d’un chahut, une tête rousse et de la
nommer puisqu’il ne devait y avoir que quatre ou cinq roux dans un
établissement qui contenait plus de six cent personnes. ....
Au
lycée, un garçon m’expliqua que les roux au Musée de l’Homme à
Paris étaient classés parmi les monstres. Quatre jours plus tard,
alors que j’arrivai au lycée, je vis un cercle s’esclaffer
autour de ce garçon précisément. Celui-ci se faisait du henné
neutre pour épaissir ses cheveux et le malin s’en était mêlé
afin d’y ôter la neutralité. Ses cheveux étaient devenu
carottes. En entrant dans le cercle des badauds s’esclaffant, je ne
pus m’empêcher de lui retourner sa question « Peux-tu me
rappeler où se trouvent les roux au Musée de l’homme ? »
Cependant, je remarquais que qui n’est pas né roux, n’est pas
roux. En effet, à l’époque, je ne crois pas qu’il serait venu à
l’idée d’un roux de dire « ouais, çà va, ne vous foutez
pas de ma gueule à cause de mes cheveux. » parce que ce qu’y
avait été dit ou signifié et transmis pendant des siècles aux
roux était que la couleur de leur cheveux n’était que le signe
extérieur d’une autre chose. ....
Au
lycée, en cours de génétique, le professeur de sciences naturelles
nous expliqua la transmission sexuelle des gamètes. Nous apprîmes
ainsi le plus sérieusement du monde que la couleur brune est
dominante sur la blonde, la couleur noire dominante sur la blanche,
etc.. alors que je demandais ce qu’il en était de la couleur
rousse, le prof nous dit qu’il ne savait pas vraiment, que le roux
peut être caché et qu’il peut sauter des générations mais qu’il
n’était ni dominant, ni dominé. Ma mère m’expliqua alors que
c’était son propre père qui avait été roux, et alors qu’enfant,
il avait eu des poux, sa mère l’avait rasé et qu’ensuite ses
cheveux avait repoussé foncé pour le plus grand plaisir de sa mère,
une de mes arrière grand-mères donc, qui n’aimait pas ce fils
roux. ....
Ma
copine de sciences po put vérifier sur sa grand-mère ce
déchaînement de l’irrationnel chez des personnes sensées au
sujet du peuple roux. J’avais passé un week-end chez ses parents
et cette grand-mère était venue déjeuner le dimanche midi. Le
week-end suivant, m’avait rapporté cette amie, elle avait vu sa
grand-mère se métamorphoser physiquement à l’évocation de ma
présence le week-end d’avant, se renfrogner, dire que les roux
puaient, qu’il fallait s’en méfier, etc …....
Bien
sûr, les choses peuvent s’inverser, il peut devenir valorisant
dans des légendes sexuelles d’être roux, à l’analogue des
représentations populaires des démons, etc… Le fossé reste donc
le même. Ce qui pourrait peut-être ou peut-être pas expliquer la
surreprésentation des membres et des membresses du peuple roux dans
les œuvres de peinture jusqu’au dix-neuvième siècle.....
.. ..
Un
jour, Un ami de ma sœur me demanda si je prenais des bains de lait
d’ânesse, comme je ne comprenais pas la question, il me dit qu’il
croyait que les roux devait prendre des soins particulier de leur
peaux fragiles. Plus tard, lorsque j’allais au lycée, je passais
devant une sorte de Z.U.P où des enfants d’immigrés algériens me
chantaient « Zora, la rousse, ton lit est plein de croûtes … »
Ma copine F. m’expliqua qu’il était normal que ces enfants
d’algériens s’en prennent à moi puisqu’eux se faisaient
insulter en tant que « bronzés » ou « bougnoules ».
La logique de ce raisonnement m’échappait quelque peu, cependant
il tenait la route puisqu’au collège, c’étaient les CPPM (tenus
pour les classes rebuts) qui m’insultaient. Ma mère m’expliqua
qu’il lui avait été chanté « julie la rousse ». Mon
ex-mari m’expliqua que selon lui roux c’était comme juste avant
malade, un peu plus et les roux étaient des albinos. Il avait
presque raison. Les albinos ne sont pas malades. Ils sont juste
naturellement rares sans que cela ne signifie quoi que ce soit. Et
c’est précisément cela, cette absence totale de signification
dans l’expression de Dame Nature qui serait, pour certaines
personnes, intolérable à admettre alors que c’est peut-être,
sans doute, là que résiderait une chance pour l’humanité, Les
humanités et les poils du nez. »
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